L’opposition politique congolaise cherche sa boussole

Redigé par Tite Gatabazi
Le 16 octobre 2025 à 10:00

Dans le quartier feutré de Karen, à Nairobi, un parfum d’urgence politique se mêle à la solennité feutrée des tentes dressées sous un ciel d’octobre.

Du 14 au 15 octobre 2025, Joseph Kabila, ancien président de la République démocratique du Congo, reçoit, dans une mise en scène soigneusement maîtrisée, les principaux représentants de l’opposition politique non armée du pays.

Ceux qui, restés à Kinshasa, ont vu leurs déplacements contrariés faute de passeports valides, mesurent à distance l’ampleur d’un rendez-vous qui se veut fondateur : celui de la recherche d’un souffle commun pour une alternance encore hypothétique.

L’heure n’est plus aux incantations dispersées, mais à la quête d’une architecture politique concertée, capable de répondre à l’effritement généralisé de l’État et au discrédit croissant du pouvoir en place.

Pendant deux jours, les participants s’attèlent à une tâche à la fois titanesque et urgente : ausculter les crises récurrentes qui minent la RDC, dessiner une réponse collective crédible et imaginer des voies de sortie innovantes.

Ces réflexions doivent, selon le programme, se cristalliser dans une déclaration finale prévue le 15 octobre 2025, appelée à servir de socle à une stratégie commune.

Il y a dans cette rencontre un parfum d’autopsie politique. Les convives savent que le pays est à la dérive, rongé par l’instabilité sécuritaire, miné par la déliquescence institutionnelle, livré aux logiques de prédation et qu’une alternance véritable ne saurait naître du hasard.

C’est donc dans une atmosphère à la fois grave et mesurée que s’échangent les diagnostics, se confrontent les ambitions et s’éprouvent les loyautés. Tous savent que l’échéancier politique à venir sera décisif et que l’absence de préparation reviendrait à sceller, une fois encore, l’échec des forces de changement.

Mais derrière les formules policées et les discours d’unité, une réalité plus âpre s’impose : celle d’une opposition profondément fragmentée, où rivalités personnelles, mémoires politiques contradictoires et ambitions divergentes pèsent lourdement sur la perspective d’un front commun.

La recherche d’un leitmotiv fédérateur s’apparente à une quête incertaine, presque chimérique, tant les ego et les calculs tactiques demeurent puissants.

Ce conclave de Karen revêt dès lors une portée symbolique considérable : il cristallise la tension entre l’urgente nécessité de l’unité et la résistance persistante des fractures internes. Tandis qu’à Kinshasa, le pouvoir semble s’accommoder d’un chaos soigneusement entretenu, Nairobi devient l’espace d’un possible basculement ou d’un énième rendez-vous manqué.

L’opposition y joue, à mots couverts, une partie décisive : celle de sa crédibilité, de son pouvoir de mobilisation et de sa capacité à incarner autre chose qu’un agrégat de ressentiments épars.

Si une boussole commune ne naît pas de ces deux journées, il est à craindre que les forces d’opposition ne se dissolvent à nouveau dans les sables mouvants de leurs divisions. Mais si, au contraire, un mot d’ordre clair, une vision structurante et un pacte politique durable s’y dessinent, alors Karen pourrait bien devenir le point d’inflexion silencieux d’un futur politique encore incertain.

Dans cette salle tendue, c’est moins une déclaration que l’histoire elle-même qui semble suspendue aux lèvres des protagonistes.

Joseph Kabila a mené, à Nairobi, des discussions avec les principaux représentants de l’opposition politique non armée de RDC

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