Le retrait et l’abandon programmé des populations civiles

Redigé par Tite Gatabazi
Le 17 décembre 2025 à 05:42

Le mois de janvier 2023 marque un tournant aussi décisif que tragique dans l’Est de la République démocratique du Congo. En se retirant volontairement de près de 80 % des territoires qu’il contrôlait, le M23 entendait, du moins officiellement, se conformer à une logique de désescalade et à l’esprit des mécanismes régionaux de cessez-le-feu.

Ce retrait, présenté comme un geste d’apaisement, ouvrit pourtant un vide sécuritaire d’une gravité extrême. Les troupes burundaises déployées sous l’égide de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) s’installèrent alors dans les zones libérées, non pas pour y garantir la protection des civils, mais pour y entériner, par leur passivité, une reconfiguration funeste des rapports de force.

Dans les faits, cette présence militaire censée stabilisatrice laissa libre cours aux forces les plus radicalisées et les plus meurtrières de la région : FDLR, Nyatura, FARDC et milices Wazalendo. Ces groupes, nourris depuis des décennies par une idéologie génocidaire explicitement anti- Tutsi, trouvèrent dans cette vacance de l’autorité protectrice un terrain propice à la mise en œuvre d’un projet de terreur méthodique.

Entre le 2 et le 4 octobre, sous l’œil des caméras et dans une mise en scène assumée de la violence, le village de Nturo fut intégralement rayé de la carte. Trois cents maisons appartenant à des Tutsi congolais furent incendiées, neuf personnes assassinées, et des milliers de civils originaires de Nturo, du Petit Masisi, de Kitchanga et de leurs environs contraints à un exode désespéré vers le camp de déplacés de Bwiza. Là, près de 17 000 âmes, dont plus de 60 % d’enfants, s’entassèrent dans une précarité extrême, fuyant une violence qui ne faisait que commencer.

La mécanique génocidaire et le salut in extremis

Du 6 au 10 octobre, la ville de Kitchanga devint le théâtre d’une chasse à l’homme d’une brutalité indicible. Les FDLR et leurs alliés Wazalendo y menèrent des opérations de traque ciblée contre les Tutsi congolais, sous le regard inerte des troupes burundaises de l’EAC et de la MONUSCO, pourtant mandatées pour la protection des civils.

Des familles entières furent massacrées, souvent à la machette, selon des méthodes qui rappellent avec une effroyable fidélité les schémas du génocide contre les Tutsi de 1994 : désignation ethnique, déshumanisation, mise à mort collective.

Le 15 octobre, l’entreprise exterminatrice atteignit son paroxysme avec l’attaque du camp de Bwiza. Les 17 000 déplacés, déjà meurtris par l’exil et la perte, furent accusés d’être des « collaborateurs du M23 », accusation classique servant de paravent idéologique à l’élimination physique d’un groupe désigné.

Ce camp, censé être un sanctuaire humanitaire, se transforma en cible militaire, révélant l’effondrement total des principes élémentaires du droit international humanitaire dans cette région abandonnée à la loi des bourreaux.

C’est dans ce contexte d’imminence génocidaire que l’intervention du M23 mit un terme à ce qui s’annonçait comme une extermination totale. En s’interposant, ce mouvement empêcha l’anéantissement des milliers de déplacés de Bwiza, arrachant ces vies à une mort programmée.

Cet épisode, au-delà des controverses politiques qu’il suscite, impose un constat implacable : là où les mécanismes régionaux, les forces internationales et l’État congolais ont failli, la survie de milliers de civils tutsi n’a tenu qu’à une intervention armée de circonstance.

Il révèle, avec une clarté tragique, la persistance d’une violence génocidaire endémique et l’urgence d’une lecture historique, morale et politique qui refuse l’oubli, la neutralité feinte et l’indifférence coupable.

C’est dans un contexte d’imminence génocidaire que l’intervention du M23 mit un terme à ce qui s’annonçait comme une extermination totale

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