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Rwanda-Uganda : une relation en dents de scie

Redigé par Tite Gatabazi
Le 11 mai 2021 à 08:57

Depuis bientôt 4 ans, les relations entre le Rwanda et l’Uganda se sont détériorées. Il est vrai que depuis 1996, les relations n’étaient pas au beau fixe lorsque les deux pays se sont engagés dans la guerre en R.D du Congo aux cotés de Laurent Désiré Kabila contre le régime du Maréchal Mobutu qui avaient accueilli les forces génocidaires.

Même au temps de la crise ayant mené les deux armées (Rwanda et Uganda) à s’affronter à Kisangani, ils n’avaient jamais fermés leurs frontières.

Il y a lieu de faire une rétrospective pour analyser la nature de ces relations en dents de scie, les causes et une probable normalisation.

Lors de la dernière réunion du comité exécutif élargie du Front Patriotique Rwandais « FPR », le 1 mai 2021, le Président Rwandais et Président du Front Patriotique Rwandais « FPR » s’exprimant à propos des relations bilatérales semblait désemparé.

En effet, il a dit : « j’ai grandi là bas, j’ai travaillé avec eux. Mais à ce jour, je suis dans l’incapacité de dire avec exactitude la racine profonde de ce malaise qui persiste ». C’est dire.

Nous allons tenté de remonter vingt ans plus loin et faire appel à certains de nos souvenirs pour retracer les temps forts de cette relation tumultueuse.

On se souviendra que le 4 juillet 2001, lors de la commémoration de la journée de la libération, le Président Kagame se déclaré disposer à faire tout ce qui était en son pouvoir pour obtenir des bonnes relations avec les pays voisins.

Le Rwanda avait accueilli sur son territoire des officiers supérieurs Ugandais en rupture de bans avec le régime de Yoweri Museveni.

Il s’agissait entre autre du Colonel Antony Kyakabale qui avait déclaré vouloir attaquer son pays depuis le Rwanda.

Les autorités Rwandaises l’avait mis en garde contre ses déclarations belliqueuses et l’avait invité à ne pas abuser de leur hospitalité.

Dans son communiqué, du 4 juillet 2001, le gouvernement rwandais déclarait recevoir les militaires Ugandais, dont le Colonel Antony Kyakabale à titre humanitaire.

Le communiqué du gouvernement renchérissait et stipulait qu’aucune action visant à déstabiliser un pays voisin ne saurait être mené à partir du Rwanda.

Le message était on ne peut plus clair à l’endroit de la cinquantaine d’officiers supérieurs Ugandais refugiés au Rwanda.

La leçon était donné à la fois à ces officiers supérieurs qu’au gouvernement Ugandais. Le Rwanda avait tenu parole.

Le Rwanda ne sera pas la base arrière d’une quelconque rébellion visant à déstabiliser un pays voisin.

Si le climat est délétère entre la Rwanda et l’Uganda, beaucoup d’observateurs lui trouvent un marqueur.

Il s’agit des affrontements, à trois reprises, entre les deux armées à Kisangani/République Démocratique du Congo.

Lesquelles se soldaient chaque fois à la faveur de l’armée Rwandaise.

Le Brigadier Général James Kazini qui était à la tête de l’armée qui a porté Museveni au pouvoir, avait un gros contingent des refugiés Rwandais à l’époque.

C’est ce même Brigadier Général qui commandait les troupes Ugandaises en République Démocratique du Congo.

Lors du lancement de la guerre de libération par le FPR en octobre 1990, James Kazini était Colonel.

Dr Scott McKnight, chercheur en relations internationales de l’université de Toronto qui à publié un article fouillé intitulé : « The Rise and Fall of Rwanda-Uganda Alliance » décrit cette détérioration et ce qu’il pense en être les causes.

S’inspirant des entretiens avec des hauts gradés tant Rwandais qu’Ugandais, ainsi que diverses sources secondaires, il soutient que l’alliance Rwando-Ugandaise était en proie à de crises d’égo entre principaux acteurs.

Mais aussi des désaccords stratégiques sur la question du Congo.

Et pour couronner le tout, des conflits d’intérêts économiques ayant conduit aux affrontements de Kisangani.

Lesquelles ont marqués la fin de l’alliance.

Comme si cela ne suffisait pas, il y a lieu de rappeler la lettre du Président Museveni du 28 aout 2000 adressée à la Ministre Anglaise de la coopération de l’époque, Clare Short. Cette lettre avait fuité dans la presse.

Le Président Museveni y faisait une demande de rallonge de l’aide à la coopération.

Proposant de passer de cent treize million de dollars américains à cent trente neuf millions de dollars américains au motif qu’il voulait en découdre avec l’armée Rwandaise.

Ceci avait le mérite d’être clair : le Président Museveni était personnellement à la manœuvre.

Maintes fois, il a tenté de déstabiliser le Rwanda.

Dont une des opérations, avec la connivence de son jeune frère Salim Saleh, consistait à apporter une assistance à l’ancien ministre de l’intérieur refugié au Kenya, Seth Sendashonga.

Le projet consistait à créer une milice qui se joigne aux FDRL pour attaquer le Rwanda.

Dans son livre « Africa’s World War : Congo, the Rwandan Genocide, and Making of a continetal Catastrophe » le Pr Gérard Prunier raconte cette épisode.

En date du 3 mai 1998, il a rendez vous avec Salim Saleh, le frère du Président Museveni à Nairobi.

Le climat est morose entre Kigali et Kampala.

Et Salim Saleh révèle à Gérard Prunier qu’il soutien l’entrée en jeu d’une nouvelle faction au Rwanda.

Certains soutiennent que le plan de Museveni consistait à se positionner comme le parrain du Rwanda.

Ceux qu’il désignait comme « kadogos » devaient prendre les instructions et rendre compte en temps réel à Kampala. Ils ne l’ont pas fait.

Il voulait traiter le Rwanda comme une des provinces de l’Uganda.

Ce plan a été contrarié par le souci de souveraineté des autorités Rwandaises.

Crime de lèse majesté.

Depuis, les relations n’ont cessé de se détériorer au point de prendre une autre dimension plus inquiétante.

En effet, depuis quatre ans, l’Uganda torture les ressortissants Rwandais qui s’aventurent sur son territoire.

Depuis 2017, le Rwanda a suffisamment documenté les violations des droits de l’homme sur ses ressortissants, le soutien avéré aux groupes armés dont le Rwanda National Congress « RNC » tendant à déstabiliser le Rwanda, les a soumis aux autorités Ugandaises sans succès.

Et même les entraves au commerce vers le Rwanda.

La rancœur a poussé l’Uganda au déficit

Le déficit de la balance commercial comme prix de la rancune.

Les différentes réunions de haut niveau ayant échoué dans la recherche de la solution aux problèmes soulevés, le Rwanda s’est résolu à fermer ses frontières avec l’Uganda.

En temps normal, les échanges commerciaux entre le Rwanda et l’Uganda lui rapportaient dix huit millions des dollars américains chaque mois.

A titre d’exemple, en avril 2019, l’Uganda a enregistré quarante mille dollars américains et soixante mille dollars américains en aout de la même année.

Entre aout 2019 et aout 2020, les échanges commerciaux entre le Rwanda et l’Uganda sont passés de cent trente un millions huit cent mille dollars américains à cinq millions cent mille dollars américains.

Les exportations du Rwanda (thé, café, les pierres précieuses) transitaient par l’Uganda avant de joindre le port Kenyan de Mombassa.

Compte tenu de la situation, le Rwanda a opté pour le transit de ses exportations et importations par la Tanzanie.

Ce qui lui revient par ailleurs moins cher.

Le contentieux reste ouvert

Quand bien même l’actualité est couverte par la pandémie de la Covid- 19 et que les relations entre les deux pays sont reléguées au second plan, elles ne se sont guère améliorées.

Loin s’en font. Des indices sérieux attestent de la collaboration entre le Président Museveni et le milliardaire Rwandais Rujugiro en vue de déstabiliser le Rwanda à travers le soutien multiforme au Rwanda National Congress « RNC ». Mais aussi l’Uganda offre le gite et le couvert à ceux qui sont engagés dans la déstabilisation du Rwanda.

Les riverains Rwandais qui font le marché de l’autre coté de la frontière sont appréhendés, torturés et mis en prison dans des endroits secrets.

Il y a de cela quelques jours, l’Uganda a reconduit à la frontière des Rwandais, dont des élèves, considérés comme des espions.

Depuis le début de l’année 2021, à cinq reprises, l’Uganda a reconduit à la frontière des Rwandais retenus en Uganda illégalement.

Durant ces différentes reconduites, le Rwanda a accueilli quarante deux personnes dont des couples séparés lors de l’arrestation et qui n’avaient aucune nouvelle l’un de l’autre et des jeunes élèves du secondaire.

L’un des analystes interrogé par le journal IGIHE indique que le conflit date de longtemps.

Qu’il est fondé sur la frustration de Museveni qui avait caressé le rêve de traiter le Rwanda comme une province de son pays.

Les rencontres étaient des leurres

Depuis les escalades, les deux pays ont convenu de se rencontrer pour aplanir le différend.

Ces rounds ont débuté avec la visite au sommet du Président Kagame en Uganda.

Une commission mixte constituée des ministres a été mise sur pieds.

Quatre réunions successives soldées par des échecs.

On a vu une mission de bons offices du Président Uhuru du Kenya qui s’était rendu respectivement à Kigali et Kampala.

Les Présidents Joao Lourenço de l’Angola accompagné de Président Tshisekedi de la République Démocratique du Congo ont tenté une médiation, trois rendez manqués.

A titre d’exemple, en février 2020, les deux Chefs d’Etats ont eu des rencontres avec les deux médiateurs successivement à Luanda et à Gatuna en l’espace de deux semaines.

Ces réunions faisaient suite à l’audience accordée au Ministre Ugandais des Affaires Etrangères, Sam Kuteesa, par le Président Kagame en date du 18 octobre 2019.

Une autre réunion des Chefs d’Etats avec les médiateurs avait eu lieu à Luanda le 21 aout consécutive à celle du 12 juillet 2019.

Le 25 mars 2018, le Président Kagame s’était rendu à Kampala pour discuter avec son homologue des goulots d’étranglements de la relation entre les deux pays.

Sans oublié les différentes réunions entre comités des ministres à Kigali et Kampala.

Contacté par le journal IGIHE, l’un des membres de la délégation rwandaise à ces différents rounds estime que l’Uganda bluffe depuis le début.

Que chaque fois que l’Uganda accepte de s’exécuter, le lendemain il fait tout à l’inverse de ce qui était convenu.

Cet analyste estime, qu’en dépit des éléments probants remis aux plus hautes autorités Ugandaises, le nombre impressionnant des rencontres bilatérales, l’Uganda n’a pas bougé d’un iota.

Il constate, amère, que l’Uganda joue la montre.

L’entourage de Museveni conserve le secret

Certaines informations auxquelles le journal IGIHE a eu accès indiquent que des officiels Ugandais soit ne connaissent pas les tenants et les aboutissant du contentieux, soit en ont une interprétation divergente.

Ceci apparaissait lors des différentes réunions ou certains parmi eux se contredisaient.

Tandis que d’autres semblaient indiquer qu’ils n’y pouvaient rien.

Parmi les plus proches collaborateurs de Museveni qui sont au parfum de la pomme de discorde, qui participent au traitement inhumain des Rwandais capturés en Uganda, qui sont en lien avec les personnes voulant déstabiliser le Rwanda on peut citer Abel Kandiho, patron des renseignements militaires, cité plusieurs fois comme le tortionnaire des rwandais en Uganda.

Son nom a été révélé dans le dossier du FLN, lorsque le sieur Nsabimana Callixte alias Sankara a avoué qu’il leur avait promis une assistance.

Même Rtd Major Habib Mudathibura, capturé par les Forces Armées de la République Démocratique du Congo « FARDC » avait révélé que l’Uganda soutenait le P5, une alliance à laquelle appartient l’ancien Général Rwandais Kayumba Nyamwassa.

Habib avait détaillé le projet de transfert de quarante refugiés Rwandais d’Uganda vers les camps d’entrainements à l’Est de la RDC.

Ce projet avait avorté.

Ce groupe était constitué de jeunes gens qui disposaient des saufs conduits falsifiés remis par le service de renseignement Ugandais « CMI ».

L’itinéraire passait par la Tanzanie, le Burundi pour accéder à l’est de la RDC, plus précisément à Minembwe.

Parmi les plus proches collaborateurs de Museveni au parfum du dossier Rwanda, il y a également Malor Général Kahinda Otafiire, Ministre de la Justice, Martin Okoth Ochola, patron de la police depuis mars 2018, le tout puissant Salim Saleh, petit frère et homme de confiance du Président Museveni et quelques autres.

Ces personnes détiennent le secret du pourquoi Museveni en veut tant au Rwanda.

Et en définitive ?

Il est à noter que le différend ne date pas d’hier.

Ceci interroge non seulement les analystes et les politiques mais au premier chef, les riverains de part et d’autre.

Obtenir une solution durable c’est faciliter les allers et venus des populations des deux cotés de la frontière, c’est desserrer l’étau sur les échanges commerciaux entre les deux pays mais aussi assurer la paix, la stabilité et le développement des deux pays voisins.
Il est dit plus haut que le nœud du problème réside dans la frustration personnelle du Président Museveni qui n’a pas obtenu la mise sous sa tutelle des autorités Rwandaises.

Pour ceux qui ont eu accès au propos de Museveni, il se considérerait comme le meilleur connaisseur, qui aime l’Afrique et se verrait bien en Président de l’Afrique.

Il se désole que le Rwanda ne le suive pas dans ce raisonnement.

Parmi les sujets de désolation du Président Museveni, il faut mentionner aussi le niveau et la vitesse de développement de Rwanda.

La place de plus en plus prépondérante du Président Kagame sur la scène internationale.

Il goûte peu que ses anciens « kadogos » aient évolués, savent se prendre en charge et soient appréciés de part le monde ; sans qu’il y soit pour quelque chose.

Ceci complique l’équation plutôt que d’offrir une piste d’ouverture.

En définitive, il faudra prendre son mal en patience et attendre que ce soit le Président Museveni qui change de paradigme. Ce n’est pas demain la veille.


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