Hier, toute une littérature négationniste sur le Rwanda pillulait sur le net. Aujourd’hui, une nouvelle étape historique est entrain d’être éditée par les intellectuels progressistes du Monde entier dont le Français Jean Pierre Cosse qui prend le taureau par les cornes et montre le rôle de l’ancien Ministre français Juppé dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994.
Interviewé par Karirima A. Ngarambe d’IGIHE-Belgique, Jean Pierre Cosse auteur de « ’Alain Juppé et le Rwanda’’ » tente de décrypter l’histoire mouvementée des hommes d’Etat français dans leur complicité et entente pour commettre le génocide des tutsi de 1994 mus par leur géopolitique froide.
Pour l’auteur, ce génocide qui a emporté plus d’un million de Tutsi du Rwanda à une vitesse jamais égalée est "aussi une page de l’histoire politique et militaire de la France".
Jean Pierre Cosse décrit, tout au long de son livre, la macabre diplomatie d’Alain Juppé pour ce qui est du chapitre rwandais. Pour lui, c’est "l’œuvre d’un citoyen (français) qui tente d’explorer l’action et la ligne de conduite du chef de la diplomatie française, au Rwanda, d’avril 1993 à décembre 1994".
Son apport est très capital au moment où cette France officielle tente timidement de se dédouanner de ce passé macabre en trainant des présumés criminels de génocide tutsi qui sont légion sur son territoire.
L’intellectuel Jean Pierre Cosse est à la pointe du combat contre les basses oeuvres de la France officielle.
Note de l’Editeur

Jean Pierre Cosse, l’auteur. Son oeuvre questionne les politiciens français. Vont-ils redresser les erreurs commises par le passé ?
Ci après l’Interview.
D’où vous est-il venu l’idée d’écrire ce livre ?
Jean Pierre Cosse : Au sein de l’association bordelaise CAURI dont je suis membre , je rencontre Adélaïde Mukantabana qui nous explique l’origine de la haine anti-Tutsi. Le 14 octobre, à Bordeaux, avant la projection du film de Geerbrant Après…un voyage dans le Rwanda , elle fait un exposé qui émeut l’assistance et nous avons un débat passionnant avec l’historien José Kagabo. Tout en informant sur la Côte d’Ivoire et sur le Togo, CAURI poursuit un travail de vérité sur le génocide des Tutsi.
Le samedi 30 janvier 2009, les membres de l’association et ceux de Survie-Gironde manifestent devant les portes de l’hôpital de Villeneuve sur Lot. Nous dénonçons la présence du docteur Sosthène Munyemana, présumé génocidaire, en fonction dans cet hôpital. Depuis 1995, une plainte était déposée contre lui, et aucune instruction n’était ouverte. Nous serons trois militants assignés au tribunal de Grande Instance de Bordeaux et condamnés pour non respect de la présomption d’innocence. Mais, quinze jours après, le 14 décembre 2009, le docteur Sosthène Munyemana était mis en examen. Le jugement du T.G.I. avait repris les chefs d’accusation portés sur notre tract contre lui.

Le titre de l’oeuvre
Au cours de cette action, d’une part, je prenais conscience que l’État français ne donnait aucun moyen à la justice française pour ouvrir les instructions à l’égard des présumés génocidaires protégés en France et qu’il ignorait totalement la voix des victimes du génocide des Tutsi. D’autre part, j’avais le sentiment que tant que les décideurs militaires et politiques français au Rwanda, de 1990 à 1994, ne seraient pas contraints de s’expliquer sur leur complicité avec le dictateur Juvénal Habyarimana et ensuite avec le gouvernement du génocide, rien n’avancerait.
En France, à la différence avec la Belgique, en dehors du livre de Michel Sitbon sur François Mitterrand Un génocide sur la conscience, les historiens, les politologues ou les journalistes ne s’étaient pas penchés sur la responsabilité personnelle des autorités militaires et politiques françaises. Pourquoi donc Alain Juppé ? Il était nommé chef de la diplomatie française. Certes, c’était le « domaine réservé » du président de la République qui y régnait en maître depuis près de 15 ans, la cellule africaine de l’Élysée y tenait un rôle important ; et, le Premier ministre de la cohabitation, Édouard Balladur, avait, lui aussi, ses protégés à ce poste.
Et comme, en 1995 et 1996, respectivement, Jacques Amalric et Pierre Briançon, dans Libération estiment qu’il s’est révélé comme le meilleur ministre des Affaires étrangères (entre avril 1993 et avril 1995), cela me surprit beaucoup car on disait qu’il avait suivi au Rwanda plutôt la stratégie du président de la République plutôt que celle du Premier ministre.
Je résolus d’y voir clair, mobilisé par la volonté d’essayer de faire émerger une part de vérité pour que passe la justice, et disposant grâce à la rescapée d’une vingtaine de livres pour connaître le rôle de l’ancien ministre des Affaires étrangères dans la politique française au Rwanda.
Qu’en pensez-vous 20 ans après ?
20 ans après, c’est la colère et la honte qui étreignent le citoyen français que je suis. De 1995 à 2014, le groupe des responsables de l’engagement français en faveur du camp du génocide a réussi à convaincre les autorités militaires et civiles – qu’elles soient de droite ou qu’elles soient de gauche – d’une solidarité dans le déni de la complicité de l’État français avec les assassins, avant, pendant, après le génocide.
Ces décideurs français, en 1994, lors de la tragédie rwandaise, la plupart encore présents sur la scène politique, ont su également enterrer dans le silence, auprès des médias et de l’opinion publique, leur responsabilité particulière dans la collaboration avec le gouvernement du génocide. Ce n’est pas dans la culture des hommes politiques français de reconnaître leur responsabilité dans l’exercice de leurs fonctions. Ils osent même afficher une attitude irréprochable comme Édouard Balladur et Alain Juppé.
Ils devraient écouter le conseil de Nelson Mandela : « Seuls, les hommes qui gardent les bras croisés sont à l’abri des erreurs. Les erreurs sont inhérentes à l’action politique ». En effet, l’action de la France au Rwanda ne s’est pas traduite seulement par un désastre humanitaire et éthique innommable, mais aussi par un fiasco politique, dont la perte sèche, dit Jean-François Bayart, fut considérable. Il a fallu attendre cinquante trois ans pour qu’un président de la République française, Jacques Chirac, avoue notre honte lors de la rafle à Paris du Vel d’hiv des juifs déportés dans les camps de la mort nazis avec la complicité active du gouvernement de Vichy.
Ses paroles devraient toucher son fidèle compagnon, Alain Juppé : « Reconnaître les fautes du passé et les fautes commises par l’État, ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’homme, de sa liberté et de sa dignité, c’est lutter contre les forces obscures sans cesse à l’œuvre. » Nous redisons avec les auteurs des Dossiers noirs de la politique française, faudra-t-il attendre encore cinquante deux ans pour entendre de la part de l’État français de pareils aveux sur le soutien de la France aux auteurs du génocide des Tutsi rwandais de 1994 ?
Propos recueillis par Karirima A. Ngarambe
AJOUTER UN COMMENTAIRE
REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Ne vous eloignez pas du sujet de discussion; Les insultes,difamations,publicité et ségregations de tous genres ne sont pas tolerées Si vous souhaitez suivre le cours des discussions en cours fournissez une addresse email valide.
Votre commentaire apparaitra apre`s moderation par l'équipe d' IGIHE.com En cas de non respect d'une ou plusieurs des regles d'utilisation si dessus, le commentaire sera supprimer. Merci!