Qu’est ce qui ne va pas dans le libéralisme économique rwandais ? Pourtant tout semble bien marcher. Il y a une réelle volonté politique de promouvoir le secteur privé. Il y a également une agence RDB (Rwanda Development Board) qui attire les investissements étrangers et encourage les possesseurs de capitaux nationaux à l’assaut des secteurs à hautes potentialités de profit. Avec une rapide électrification du pays, tout est en place pour que tout investisseur rencontre des conditions suffisantes de démarrage de ses affaires.
Pourtant la chose s’arrête là. La capacité des pouvoirs publics aura ses limites. Une fois que l’investisseur est attiré. Il choisit son secteur d’activité. Rares seront ceux qui s’aventureront dans l’industrie de transformation des biens. La plupart seront intéressés par les produits bancaires, ceux d’assurance, du tourisme… en bref le secteur des services.
Ici, comme l’étape actuelle est celle d’occuper la plupart des secteurs économiques libres, l’autorité économique n’aura pas la largeur de manœuvre d’imposer à l’investisseur les conditions salariales de ses employés y compris la déclaration de son propre salaire. Il les dressera selon sa propre discrétion. Ainsi va le capitalisme rwandais libre de toute entrave ou contrainte des pouvoirs publics.
Taux d’intérêt bancaires insupportables 17.5 à 19%
La plupart des investisseurs rwandais qui s’aventurent dans la production des biens de consommation se lamentent des offres de taux bancaires surélevés : 17 à 19%.
« Ces taux sont fixés par l’analyste du crédit après avoir mesuré les risques qu’encourt sa banque face au client », a dit Aimable Nkuranga, Country Manager de Transunion, une institution chargée de centraliser toutes les informations sur les crédits octroyés par les banques du pays.

Intervenant lors d’un récent débat radio télévisé à la TVR, le Ministre du Commerce et Industrie, François Kanimba, a d’autres préoccupations quoique similaires. Il s’agit de l’octroi de crédits industriels consistants en rapport avec les activités économiques orientées vers les exportations dont le secteur d’exploitation minière. Il réagissait aux plaintes des prospecteurs miniers qui ne reçoivent pas des crédits consistants de la part des banques locales afin qu’ils produisent beaucoup de coltan, de cassitérite, de wolfram exportables et très demandés sur le marché des industries du numérique.
« Nous avons un problème d’une faible formation des analystes du crédit quand il est question des dossiers hautement techniques de demande de crédit. Un analyste de crédit qui n’a aucune notion de géologie comprendra-t-il la valeur d’un dossier d’une Entreprise minière demandant une énorme somme d’argent à sa banque quand le demandeur n’a pas d’autres hypothèques à donner ?
Comprendra-t-il que cette mine à elle seule est une hypothèque importante qui, en cas d’incapacité de remboursement, pourrait être cédée à un tiers ? »,
a dit le Ministre montrant les limites accidentelles et non souhaités dysfonctionnements du secteur économique rwandais qui posent comme un frein à l’équilibre de la balance commerciale du Rwanda et par conséquent à la stabilité de la monnaie rwandaise.

OIKO Kenya a compris que pour une agriculture moderne kenyane d’exportation, elle doit fournir des crédits importants à des taux d’intérêt moins onéreux
« Vous allez loin dans la critique des banques et autres institutions financières rwandaises. Pensez-vous bien que d’énormes masses monétaires sortent du pays sous forme de devises pour achat des matériaux de construction. Et l’on voit des gratte ciel monter à Kigali et ailleurs. Ça c’est de l’argent qu’on enfouit dans les gravats. Souvent ces gros immeubles sont à plus de 70% inoccupés.
Le Rwandais n’a pas encore la culture de comprendre qu’il peut installer sa boutique au 10ème niveau d’un immeuble donné. Ces ‘assets’ passeront beaucoup d’années ainsi. Par conséquent, l’épargne citoyenne dans les banques sera engloutie dans ces constructions quand carrément elle ne rarefiera pas »,
a confié à la presse un agent local d’une institution financière internationale, lui non plus ne voyant pas comment casser cet engouement des Rwandais dans les gigantesques constructions pour utiliser ces sommes énormes à la création d’industries de produits tropicaux d’exportation très demandés par les marchés internationaux comme le piment, les jus et vins, et autres farines et poudres de manioc ou feuilles de maniocs…
Ce jeune économiste n’accepte pas certains dérapages commis par des institutions financières qui devraient voler à la rescousse des banques commerciales. Selon lui, ce sont elles les sources de difficultés des banques locales qui haussent les taux d’intérêt face à une faible enveloppe d’épargne publique ou citoyenne :
« Vous me demandez pourquoi les taux d’intérêt bancaires sont insupportablement trop élevés ? Mais c’est la loi de l’offre et de la demande. D’où viennent les fonds qu’elles distribuent sous forme de crédit si ce ne sont des dépôts à long terme des épargnants. Actuellement ils sont rares ces dépôts depuis que la RSSB (ancienne Caisse Sociale) investit dans les constructions au lieu de placer ses fonds dans les banques qui les distribueraient aux demandeurs de crédit »,
a confié l’économiste montrant qu’à force d’investir beaucoup de milliards dans les constructions, cela veut dire qu’ils achètent en devises les matériaux de construction à l’étranger, que par conséquent la masse monétaire baisse sensiblement, ainsi donc les liquidités manquent et, la loi de l’offre et de la demande aidant, les taux d’intérêt élevés frappent les crédits qui peuvent être octroyés.
Multinationales financières à la rescousse des industriels rwandais
Aimable Nkuranga de Transunion a dit que certaines multinationales financières sont venues à la rescousse attirées par les possibilités de profits confortables.
« Actuellement nous avons des sociétés financières internationales installées à Kigali. Il y a GrosFin sud africaine, Business Partners, Fusion Capital, OIKO Credit », a dit Nkuranga qui salue chaleureusement une autre institution, dite BDO.
Nous à Business Partners, nous négocions avec notre client à partir de 15% d’intérêt. Cet intérêt est gonflé par les risques auxquels nous devons faire face. Et nous offrons des crédits allant à plus de 500 millions de francs », a dit Shingiro de Business Partners montrant que l’argent que l’Entreprise gère vient en devises et que ces fluctuations de la monnaie rwandaise par rapport au dollar est un autre risque à également faire face.
GrosFin présente dans plus de 12 pays africains dit que l’enveloppe minimale de crédit qu’elle offre une enveloppe minimale à l’industriel demandeur de 100.000$ au moment où son plafond va jusqu’à 1.5 millions $ remboursables entre 3 et 7 ans.
Une aubaine pour les industriels rwandais ? Quoi donc si le Gouvernement rwandais subventionnait certaines industries stratégiques comme celle de la transformation des déchets en plastique de Gikondo, une industrie qui participe amplement à la protection de l’environnement, une entreprise qui peut ne pas recourir à l’importation des matières premières, n’utilisant que la collecte des déchets plastiques des hôpitaux du pays, du dépotoir de Nduba ?
Quoi donc si le même gouvernement arrêtait des mesures d’encouragement de Nyirangarama Enterprises afin qu’elle contracte ces lourds crédits et qu’elle puisse exporter dix fois plus de son piment Akabanga, de son vin rwandais Akarusho…, afin qu’elle puisse donner de l’emploi à des milliers de fermiers agricoles des alentours de son usine mais aussi de tout le pays.

Business Partners au capital de 8 millions de dollars, une enveloppe de 3 milliards de crédits en 3 ans : un bon début
Même son de cloche du côté de Business Partners sud africaine alliée à IFC-Rwanda, au groupe RIEC fait de BRD et RSSB, à la Fondation DOEN hollandaise.
« Nous finançons des entreprises orientées vers la création de la valeur ajoutée, autrement dit des entreprises industrielles de produits exportables, des entreprises de constructions d’immeubles commerciaux, des hôtels mais aussi celles orientées vers l’ICT.
Nous tournons avec un capital initial de 8 millions de dollars. Contrairement aux Banques locales qui tournent avec l’argent de l’épargne, nous, il est question de capitaux propres que nous faisons tourner », a confié Eric Rutabana, Country Director de Business Partners qui assure qu’elle est présente dans 6 pays africains et qui, depuis son établissement au Rwanda a déjà servi plus de 26 PMEs (Petites et Moyennes Entreprises) pour une enveloppe de 3 milliards de francs.
Sans y faire allusion, ce haut cadre de Business Partners montre que le capitalisme rwandais actuel veut qu’ il faut casser les taux d’intérêt bancaires qui sont difficilement supportables par les contractants de crédits.
« Les clients qui s’adressent à nous sont libres de négocier et l’enveloppe du crédit sollicité et le taux d’intérêt y afférent. Nous offrons une base de négociation à partir de 16.5% d’intérêt », a-t-il confié montrant que Business Partners, y compris GrosFin ou d’autres sociétés financières multinationales qui commencent à s’implanter dans le pays peuvent demain damer le pion aux banques locales qui offrent des crédits à des conditions draconiennes.
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