Burundi : « Quelles élections peut-on avoir si on massacre les opposants ? »

Redigé par Le Monde
Le 27 mai 2015 à 01:24

L’opposition burundaise a rompu les discussions avec le régime après que Zedi Feruzi, figure de la contestation, a été abattu par des hommes non identifiés.
« Ils peuvent tous nous tuer, mais nous n’abandonnerons pas. Nous n’avons plus peur de mourir. » Rodriguez (1), un jeune homme coiffé de dreadlocks, défile, avec plusieurs milliers de personnes, dans les rues de Ngagara, un des foyers de la contestation qui se poursuit depuis un mois à Bujumbura. « C’est le Président qui est responsable de ces (...)

L’opposition burundaise a rompu les discussions avec le régime après que Zedi Feruzi, figure de la contestation, a été abattu par des hommes non identifiés.

« Ils peuvent tous nous tuer, mais nous n’abandonnerons pas. Nous n’avons plus peur de mourir. » Rodriguez (1), un jeune homme coiffé de dreadlocks, défile, avec plusieurs milliers de personnes, dans les rues de Ngagara, un des foyers de la contestation qui se poursuit depuis un mois à Bujumbura. « C’est le Président qui est responsable de ces meurtres et des intimidations. Il est prêt à tout pour conserver son poste », dit-il.

La procession silencieuse porte le cercueil de Zedi Feruzi, opposant burundais abattu samedi soir à quelques mètres de son domicile, dans ce quartier populaire de la capitale. Zedi Feruzi était le président d’un petit parti d’opposition, l’Union pour la paix et la démocratie.

A Bujumbura, pendant les funérailles du leader du parti Union pour la paix et la démocratie, Zedi Feruzi, assassiné samedi. (Photo Gildas Ngingo. AP)
Il était aussi l’un des meneurs de la campagne contre le troisième manda
t du Président, Pierre Nkurunziza, candidat à l’élection présidentielle du 26 juin. Il rentrait chez lui, à pied, accompagné de ses gardes du corps, lorsqu’il a été tué de plusieurs balles par des hommes non identifiés. Un de ses protecteurs est également mort, et un journaliste burundais qui se trouvait avec eux a été blessé.

Selon des témoins, quatre assaillants seraient sortis d’une voiture armés de fusils automatiques. « Ils portaient des uniformes de la garde présidentielle », affirme Abdul Nsengiyimva, un voisin qui dit avoir assisté à la scène. La capitale burundaise vit au rythme des rumeurs et des témoignages difficilement vérifiables. « Nous avons crié, mais cela ne les a pas arrêtés. Ils ont tiré plusieurs fois, puis l’ont achevé d’une balle dans la tête », explique-t-il en pointant du doigt une large tache de sang sur la route.

Bâtons. Au sein du cortège, qui passe au milieu des cendres et des débris de barricades érigées les jours précédents, des slogans écrits sur des panneaux de carton expriment la colère de la foule : « Stop aux tueries », « Non au troisième mandat », « Nous sommes fatigués. » Lorsqu’une voiture de police s’approche, un petit groupe se précipite dans sa direction. « Dégagez ! » crient des hommes et des femmes en agitant les bras, certains armés de bâtons.

La police, qui a plusieurs fois tiré à balles réelles sur les protestataires, est l’ennemi désigné. Le véhicule évite la confrontation et fait rapidement demi-tour. A Ngagara, devant la maison de Zedi Feruzi, famille et voisins se sont rassemblés. A l’arrivée de sa veuve, couverte d’un voile noir, les femmes en deuil se mettent à pleurer. La route a été barrée avec quelques grosses pierres.

« Nous voulons bloquer l’accès au quartier, pour nous protéger. Ces assassins viennent en voiture et nous ne pouvons pas les pourchasser », dit un habitant présent pour les funérailles. Celles-ci se sont déroulées dans le calme, dans un cimetière musulman de la capitale burundaise.

Grenade. Au-delà de la douleur des proches de la victime, cet assassinat d’un leader de l’opposition, à deux semaines des élections législatives et communales qui précèdent la présidentielle, est un tournant dans la crise politique qui secoue le Burundi.

« Quel genre d’élection peut-on organiser si l’on commence à massacrer les représentants de l’opposition ? s’interroge Pierre-Claver Mbonimpa, membre du comité qui mène le mouvement de révolte populaire contre le troisième mandat du Président. C’est le début des exécutions ciblées. Je crains pour ma sécurité et j’ai quitté mon domicile. »

Le comité s’est dit « consterné » par cet « acte ignoble ». Dans un communiqué, il a déclaré qu’il suspendait sa participation au dialogue avec le gouvernement, initié par les Nations unies.

Les opposants pointent du doigt la présidence burundaise, qui a démenti les accusations. Elle a condamné cet assassinat et ordonné une enquête. Willy Nyamitwe, porte-parole du président Nkurunziza, prétend que cet acte vise à faire accuser le pouvoir en place et appelle la population au calme. Vendredi soir, déjà, trois personnes ont été tuées et des dizaines d’autres blessées dans une attaque à la grenade sur un marché du centre de Bujumbura.

Ces deux attaques successives contribuent encore un peu plus à instaurer un climat d’angoisse dans la capitale burundaise. Le pouvoir ne cède pas à la pression de la rue. Mais les opposants au troisième mandat ne fléchissent pas, eux non plus, et la situation est bloquée. Après la « trêve » décrétée chaque week-end, les manifestations reprendront ce lundi à Bujumbura.

Peu d’informations circulent sur la situation dans les campagnes, le seul signe de tensions étant la présence de réfugiés dans les pays voisins. Et les événements de ces derniers jours sont de nouvelles étincelles venues attiser la rage des insurgés.


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