Des experts s’expriment sur des voies possibles de sortie de la crise burundaise

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 19 mai 2016 à 05:38

Au vu des graves violations des Droits de l’homme commises au Burundi, des experts et autres observateurs politiques de l’évolution de la situation de la région des Grands Lacs expriment des inquiétudes de voir l’immobilisme dans lequel est plongée la Communauté internationale. Pour eux, si
Ils montrent que si cette crise burundaise perdure, elle peut avoir un impact négatif sur ses voisins. Quelle est la nature de cette crise burundaise aux yeux d’experts en droits de l’homme ?
« La crise (...)

Au vu des graves violations des Droits de l’homme commises au Burundi, des experts et autres observateurs politiques de l’évolution de la situation de la région des Grands Lacs expriment des inquiétudes de voir l’immobilisme dans lequel est plongée la Communauté internationale. Pour eux, si

Ils montrent que si cette crise burundaise perdure, elle peut avoir un impact négatif sur ses voisins. Quelle est la nature de cette crise burundaise aux yeux d’experts en droits de l’homme ?

« La crise burundaise actuelle est inséparable de la controverse autour du troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. Elle commence plusieurs mois avec la tentative infructueuse de modification de la Constitution pour rendre possible ledit troisième mandat.

Les observateurs de la scène politique burundaise pensaient que Nkurunziza allait céder le fauteuil à un autre personnage du CNDD-FDD. Hélas ! La chose s’est passée autrement. Le Président et la tendance qu’il représente au sein de son parti ont eu recours à la Commission Constitutionnelle et aux quinze députés acquis à sa cause.

L’arrêt de la Cour leur a donné raison malgré l’avis contraire du Vice président de cette Cour et d’une bonne partie des experts qui se sont penchés sur le prescrit de la Constitution burundaise et des Accords de Paix d’Arusha », a indiqué Gasana Ndoba, expert en Droits de l’homme qui se dit interpellé en tant qu’Africain par une situation qui sort des limites de l’acceptable.

La génèse de la crise

« Tout part des interprétations divergentes des articles 96 et 302 de la Constitution de la République du Burundi. L’Article 96 stipule que « Le Président de la République est élu au suffrage universel direct renouvelable une fois ». Ici la Constitution est conforme au prescrit des Accords de Paix d’Arusha, raconte l’analyste et expert en Droits Humains, M. Gasana Ndoba.

Quant à l’article 302, poursuit-il, il introduit une disposition transitoire qui porte sur le premier mandat post-transition. Cette disposition est la suivante : « A titre exceptionnel, le Premier Président de la République de la période post-transition est élu par l’Assemblée Nationale et le Sénat élus réunis en Congrès, à la majorité des deux tiers des membres ».

Le débat achoppe sur l’interprétation de cette « exception ». Porte-t-elle sur le mode d’élection du Président (suffrage universel indirect, c’est-à-dire élection par les 2 Chambres réunies en Congrès pour le premier mandat du Président post-transition v/s suffrage universel direct en temps ordinaire), et sur le nombre de mandats (trois pour le 1er Président post-transition v/s deux pour tous les autres) ?

La Cour Constitutionnelle burundaise a manifestement opté pour l’application de l’exception au nombre de mandats aussi, accordant ainsi au premier Président post-transition un premier « mandat spécial » de cinq ans qui ne compte pas et un deuxième mandat, issu du suffrage universel, renouvelable une fois.

Force est de constater qu’au lieu de mettre un terme au débat sur le troisième mandat du Président Nkurunziza, cette interprétation a abouti à l’aiguiser. Depuis lors, les camps sont plus tranchés que jamais. Ce qui se traduit notamment dans le fait que le processus électoral organisé à l’issue de l’arrêt de la Cour constitutionnelle susmentionnée, en particulier la ré-élection du Président Nkurunziza pour un troisième mandat, fait l’objet d’une contestation qui ne faiblit pas de la part de l’opposition et d’une bonne partie de la société civile burundaise ».

Une possible sortie de crise ?

L’expert en Droits humains rwandais croit que la seule solution qui reste est l’intervention du Conseil de Sécurité. Pour lui, tout irait bien :

« La Cour Constitutionnelle ayant été contestée, d’une part, les organisations sous-régionales (East African Community et Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs) et régionale (Union Africaine) ayant échoué à ce jour, seul le Conseil de Sécurité des Nations Unies, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, pourrait imposer une solution contraignante vis-à-vis des parties au conflit, au regard des graves menaces contre la paix que représente aujourd’hui la crise dans laquelle le Burundi est plongé depuis une année entière.

A mon humble avis, cette solution devrait prendre appui sur un avis juridique formulé par une commission d’experts indépendants et impartiaux concernant la question du troisième mandat évoqué plus haut. Une fois adopté par l’ONU, cet avis devrait être consacré par une résolution contraignante du Conseil de Sécurité.

Les négociations politiques qui s’en suivraient, et dont l’objectif immédiat serait de mettre en place un gouvernement de transition où toutes les parties au conflit seraient représentées, auraient ainsi une assise solide, de nature à trancher définitivement le nœud gordien de la crise burundaise actuelle », a-t-il suggéré.

L’expert rwandais en droits Humains, Gasana Ndoba croit que la situation est parfaitement maitrisable. C’est compter sans savoir que les Barundi, sous la forme de lutte contre le troisième mandat de Pierre Nkurunziza, les Tutsi du Burundi savent qu’ils luttent contre une réédition du génocide des Tutsi du Burundi de 1993.
Pour lui, il est question de crimes contre l’humanité. Il n’ose pas qualifier de génocide les crimes impunis et officieusement assistés qui se commettent au Burundi.

Ce n’est pas l’avis de ce vieux juriste burundais qui a suivi de très près les transes de la société burundaise depuis le coup d’Etat de 1993 contre le Président hutu élu Melchior Ndadaye et les pogroms des Tutsi qui ont suivi.

Selon lui, « c’est un génocide à petit feu qui continue. Le premier a été commis par le FRODEBU (Front pour la Démocratie au Burundi) à la mort de Melchior Ndadaye. Celui de 2015 à nos jours est commis par les CNDD-FDD. Qui sont ces derniers ? Ne sont-ils pas issus du FRODEBU ? », a confié cet éminent juriste spécialiste de droit constitutionnel.

Contrairement à l’expert rwandais en Droits Humains qui trouve qu’il faut une Commission d’Enquête Indépendante et Impartiale avant de faire jouer le Conseil de Sécurité des Nations Unies pour imposer solution et sanctions, le juriste burundais qui a requis l’anonymat ne veut plus jouer à cache cache.

« La seule solution qui soit serait la mise en place de la représentativité des deux communautés ethniques burundaises. Ceci est important car les Accords d’Arusha de l’An 2000 n’ont sanctionné qu’un modus vivendi entre les putschistes de 1993, les Buyoya et compagnie et les génocidaires, les Jean Minani et consorts. Ce qui en est sorti est l’impunité de part et d’autre. Les deux camps se sont entendus pour partager le pouvoir au lieu d’être à leur place, la prison », a dit l’expert en droit constitutionnel avant de donner des preuves tangibles :

« En tant que chef de la coalition des partis politiques de l’opposition, j’ai exigé après 1993 qu’il y ait une Commission d’enquête onusienne indépendante sur les événements sanglants de 1993. Le Gouvernement d’alors a permis le travail de la Commission qui a rendu son rapport en septembre 1996 concluant en un génocide des Tutsi du Burundi de 1993 organisé par les leaders du FRODEBU. Le Major Pierre Buyoya a caché ce rapport qui n’a pas été suivi d’effet à savoir l’institution du TPIB (Tribunal Pénal International pour le Burundi). Les négociateurs burundais à Arusha le camp de Domitien Ndayizeye et celui du putschiste Pierre Buyoya se sont entendus sur la clause d’immunité et d’échapper à la justice ».

Pour le juriste, « comme il faut trouver une solution durable pour éviter un génocide des Tutsi répétitif, il faut que les représentants des deux communautés ethniques se rencontrent face à face autour d’une table ronde. A la seule condition que les présumés criminels de génocide en soient exclus », a-t-il dit montrant que le Médiateur tanzanien Benjamin Mkapa, dans sa façon de vouloir mener sa médiation est « entrain d’organiser un dialogue entre gens qui ont le crime de sang frais sur leurs mains ».


Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité