Les hostilités entre Israël et le Hamas ont repris dimanche 6 juillet. Alors que sur le terrain le conflit s’intensifie de jour en jour, au sein de la population française, les réactions se déchaînent.

Manifestation pro-palestinienne, dimanche 13 juillet 2014, à Paris.
AFP/Kenzo Tribouillard
« Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s’importer », a prévenu François Hollande lors de sa traditionnelle intervention télévisée du 14-Juillet. La veille, un rassemblement pro-palestinien avait dégénéré dans le quartier de la Bastille, à Paris. Alors que des manifestants se dirigeaient vers des synagogues voisines, des échauffourées avaient éclaté avec des membres de la Ligue de défense juive (LDJ). Durant le week-end, d’autres manifestations à Bordeaux, Marseille, Lille ou Nice avaient réuni dans le calme plusieurs milliers de personnes en soutien aux habitants de Gaza.
« Sale fils de lache ! @booba »
Si on n’en perçoit que quelques échos dans la rue, le conflit israélo-palestinien a en revanche largement gagné les réseaux sociaux où chacun — connu pour ses engagements ou non — semble avoir un avis bien tranché sur la question. Sur Twitter, 1,9 million de messages en français comportant le hashtag #Gaza ont été postés durant la première semaine de conflit — et 2,1 millions ce dernier mois, soit 100 fois plus que #Syrie par exemple. Dans cette déferlante de publications, nombreux sont ceux qui y vont de leur analyse en 140 caractères pour un conflit complexe vieux de plus de soixante ans. Et ce parfois en dépit du bon sens, comme le relève le site d’information Rue89 : « Quand les synagogues se comportent comme des ambassades, il n’est pas étonnant qu’elles subissent le même sort qu’une ambassade », écrit ainsi Pierre Minnaert, délégué d’Europe Ecologie-Les Verts auprès du Parti vert européen. Un tweet qui lui a valu des critiques à l’intérieur même de son parti. Pour sa part, la conseillère UMP Aurore Bergé estime que « voir des civils mourir ne réjouit personne. Mais c’est le Hamas qui appelle les civils à mourir en martyr ».
Les artistes ne restent pas non plus indifférents. Le rappeur Booba, agacé par ces prises de position, s’est fendu de son commentaire sur Instagram : « Tous ceux qui croient aider la Palestine avec des post instagram Facebook etc vous faites vraiment pitié bande d’hypocrites. Pas d’politique ici. Si vous voulez aider allez sur le terrain bande de truffes ou sinon fermez la à jamais !!! » Liké près de 13 000 fois, le message a également été copieusement vilipendé par des internautes anonymes et quelques célébrités, dont l’acteur Said Taghmaoui. « Sale fils de lache ! @booba. Tu pu la defaite » (sic), lui a lancé l’interprète de La Haine depuis son compte Twitter dans une ambiance de cour de récré.
Le sujet le plus clivant
Sur les sites d’information aussi, les articles liés au conflit israélo-palestinien sont parmi les plus partagés et les plus commentés. D’après Pascal Boniface, directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques et auteur de La France, malade du conflit israélo-palestinien, il s’agit du sujet le plus clivant, celui qui crée « le plus de divisions et de tourments dans la société française ». C’est ce qu’il constate sur son blog : « Inutile de proclamer qu’il ne faut pas importer le conflit. Nous le vivons au quotidien. S’il n’est pas celui qui fait le plus de morts, s’il y en a d’autres qui sont bien plus cruels, il est celui qui, en France, suscite le plus de passion, d’émotions, divise les familles, les partis politiques. Des amis de longue date peuvent être brouillés de façon durable à cause de divergences sur ce conflit, alors que d’autres désaccords ne conduisent pas à de telles extrémités. »
Une situation alimentée d’un côté, selon Pascal Boniface, par les institutions communautaires juives « qui appellent sans cesse les juifs français à se montrer d’une solidarité sans faille avec Israël » et qui mènent une importante activité de lobbying auprès de la classe politique et des médias. De l’autre, par de nombreux Français, parmi lesquels des Arabes et des musulmans, « dont certains projettent leur propre situation de discrimination sur ce qui se passe là-bas », et d’autres encore qui considèrent que « l’occupation d’un peuple par un autre n’est pas admissible d’un point de vue moral et est par ailleurs dangereuse d’un point de vue politique et stratégique ».
Un clivage vieux de quarante ans
Ce clivage n’est en tout cas pas nouveau. Pour Marc Hecker, chercheur à l’Institut français des relations internationales (IFRI), il remonte à la guerre des Six-Jours de juin 1967. Cette année-là, rappelle-t-il dans un article publié sur le Huffington Post, des manifestations de soutien à Israël s’organisent en réaction aux déclarations belliqueuses des leaders arabes faisant craindre un nouveau génocide. Le 31 mai 1967, ils sont ainsi près de 30 000 à se rassembler devant l’ambassade de l’État hébreu à Paris. Mais l’offensive lancée par Israël le 5 juin et sa victoire éclair provoquent l’exode de centaines de milliers de Palestiniens et, en France, la création d’associations de soutien aux réfugiés.
Ce militantisme pro ou anti-israélien prend de plus en plus d’ampleur à la faveur d’une stratégie d’exportation du conflit en Europe, où les prises d’otages, les attentats et les assassinats se multiplient à partir des années 1970 et jusqu’à la première Intafada en 1987. De fait, les Français sont alors directement concernés. « En somme, la guerre de 1967 n’a duré que six jours et s’est déroulée à des milliers de kilomètres de la France, mais ses effets ont touché le territoire français et continuent de se faire sentir aujourd’hui, remarque Marc Hecker. Depuis la deuxième Intifada, chaque flambée de violence au Proche-Orient provoque une montée des tensions en France et une hausse des actes antisémites. Qu’on le veuille ou non, le conflit israélo-palestinien est devenu une affaire française. »
Une affaire française, certes, mais pas seulement. Sur les réseaux sociaux, qui constituent encore là un excellent révélateur, les messages de soutien à l’un ou l’autre des deux camps affluent du monde entier. Samedi 12 juillet, le joueur NBA Dwight Howard a suscité la polémique en tweetant un message de soutien aux Palestiniens, agrémenté du hashtag #FreePalestine. Face à la levée de boucliers d’internautes critiquant notamment sa prétendue ignorance, le basketteur s’est rapidement excusé : « Je présente mes excuses à tous ceux que mon précédent message a pu offenser. J’ai fait une erreur. »
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