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François Bozizé : « A mon époque, la presse était libre »

Redigé par rfi
Le 13 août 2015 à 02:22

En Centrafrique, deux ans après sa chute, François Bozizé tente un come back. Samedi dernier, le 8 août, son parti Kwa Na Kwa (KNK) a tenu congrès à Bangui et l’a désigné candidat à la présidentielle programmée le 18 octobre 2015. Le problème, c’est qu’il vit en exil en Ouganda et qu’il est interdit de voyage par l’ONU.
En ligne de Kampala, l’homme qui a gouverné la Centrafrique de 2003 à 2013 répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Et pour la première fois, il accepte de s’exprimer sur les activités (...)

En Centrafrique, deux ans après sa chute, François Bozizé tente un come back. Samedi dernier, le 8 août, son parti Kwa Na Kwa (KNK) a tenu congrès à Bangui et l’a désigné candidat à la présidentielle programmée le 18 octobre 2015. Le problème, c’est qu’il vit en exil en Ouganda et qu’il est interdit de voyage par l’ONU.

En ligne de Kampala, l’homme qui a gouverné la Centrafrique de 2003 à 2013 répond aux questions de Christophe Boisbouvier. Et pour la première fois, il accepte de s’exprimer sur les activités du député français Patrick Balkany à Bangui.

RFI : Pourquoi êtes-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ?

François Bozizé : Deux années et demie se sont écoulées et le peuple centrafricain a su faire la différence entre ce qui existait en mon temps et ce que nous constatons maintenant.

C’est vrai, vous avez été choisi par les partisans du Kwa Na Kwa lors de son dernier congrès. Mais il y a beaucoup de mécontents dans votre pays. La preuve, vous avez été renversé en 2013 ?

(rires) Ce qui s’est passé en 2013, dire que j’étais mal aimé ? Ce n’est pas vrai. C’est une affaire venue de l’extérieur et pas une affaire intérieure. Ce n’est pas l’armée, ce n’est pas le peuple qui s’est soulevé contre moi.

Quelle est la différence ?

A mon époque il n’y avait pas de prisonniers politiques, la presse était libre, toutes les institutions démocratiques fonctionnaient normalement. Les écoles fonctionnaient normalement. Les hôpitaux fonctionnaient normalement bien que ce soit un pays post-conflit. On s’est battu comme des gladiateurs pour pouvoir remettre le pays sur rails.

Mais cette rébellion Seleka qui vous a renversé en mars 2013, n’a-t-elle pas prospéré sur la misère de tout le nord-est de la Centrafrique ?

Non, la Seleka a été poussée, tout simplement. Je me rappelle qu’en novembre, décembre, nous avons envoyé une délégation composée des éléments des Nations unies et de la présidence qui est allée rencontrer Michel Djotodia dans son village natal à Gordil. Et Djotodia avait déclaré ouvertement qu’il était pour la paix.

Pendant vos dix années de présidence, n’avez-vous tout de même pas raté le développement du nord-est de la Centrafrique ?

Oui, mais j’ai provoqué le changement dans des conditions difficiles. Les salaires n’étaient pas payés, trente mois d’arriérés de salaires et bien d’autres choses. Donc au nord, peut-être c’était beaucoup plus difficile, mais cependant, j’ai été à plusieurs reprises à Birao, j’ai parlementé avec les notables du secteur et ils m’ont bien compris. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de lancer le plus rapidement possible l’exploitation du pétrole vers Birao.

Aujourd’hui vous êtes candidat, mais vous êtes interdit de voyage par le Conseil de sécurité des Nations unies. Comment allez-vous faire campagne ?

J’ai dû me mettre à l’écart. Ce n’est pas normal. La première mission des Nations unies, c’est la paix. Si je dois concourir à la paix, pourquoi m’empêcher de voyager, de rentrer chez moi pour apporter ma contribution à la paix ?

Dans votre dialogue et avec votre adversaire Michel Djotodia lors des pourparlers de Nairobi, vous étiez soutenu par le président congolais Denis Sassou-Nguesso. Est-ce que vous êtes toujours soutenu par lui pour peut-être obtenir la levée des sanctions de l‘ONU ?

Notre rencontre à Nairobi, c’est sous l’égide du médiateur congolais et seul le médiateur pourra mieux se prononcer sur la question. C’est une chose qu’il ne pourra quand même pas mettre de côté dans la mesure où je suis au cœur de la crise centrafricaine.

Vous êtes sous sanctions parce que vous êtes notamment soupçonné d’être derrière les miliciens anti-balaka depuis décembre 2013. Qu’est-ce que vous répondez à ces accusations ?

Les anti-balaka ont démarré leurs activités quand j’étais à Paris. Alors aujourd’hui on veut me rendre responsable des anti-balaka alors qu’ils ont créé leur parti, ils ont leur chef qui les dirige. Et on me rend responsable, je ne comprends rien.

Vous êtes pour ou contre les anti-balaka ?

Comment voulez-vous que je puisse dire pour et contre ? Comment voulez-vous que je puisse dire quelque chose sur ceux ou ce que je ne connais pas.

Est-ce que vous êtes solidaire de leur action ?

Selon les informations que j’ai, ce sont les exactions de la Seleka qui ont provoqué l’avènement des anti-balaka. Dans d’autres pays, on les appelle les « Y-en a marre », « le Balai citoyen » et autres. Ceux-là, je ne vois pas pourquoi on les traite d’autre chose.

Quand vous avez été renversé, vous avez reproché au président Idriss Déby du Tchad d’être derrière les rebelles. Est-ce que vous maintenez vos accusations ?

C’est le passé. Ne remuons pas le couteau dans la plaie. Si le président Idriss Déby peut contribuer à la paix, nous pourrions nous retrouver afin de sauver le pays.

Dans le dossier du rachat des mines d’uranium de Bakouma par la société Areva, vous êtes visé par une plainte des nouvelles autorités centrafricaines qui vous soupçonnent de détournements de fonds ?

C’est une affaire de justice. Laissons la justice suivre son cours.

Simplement jusqu’en 2008, vous étiez opposé au rachat de ces mines de Bakouma par Areva. Puis en août 2008, vous avez fini par donner votre accord. Pourquoi ce changement de position ?

Non, nous n’étions pas opposés. C’était au cours des discussions qu’on échangeait entre Areva et le gouvernement. Anne Lauvergeon est venue personnellement. Nous en avons discuté, et nous sommes tombés d’accord et on a signé.

L’accord a apparemment porté sur le versement à l’Etat centrafricain par Areva de 10 millions d’euros et une avance de 50 millions d’euros remboursables sur la production à venir ?

Je crois que c’est ça. Je n’ai pas tout cela en mémoire, mais je crois bien que Areva a versé ce fonds au fur et à mesure. Areva a viré les fonds à la Banque centrale et le Trésor public se ravitaillait à partir de la Banque centrale.

Quels sont les hommes d’affaires qui ont servi d’intermédiaires lors de la conclusion de cet accord ?

C’était le personnel, les responsables d’Areva qui venaient de temps en temps jusqu’à la conclusion avec Anne Lauvergeon elle-même.

Vous voulez parler de Sébastien de Montessus, l’ex-bras droit d’Anne Lauvergeon ?

Oui je crois bien que c’est lui. Ils étaient deux. La plupart du temps, ils venaient à deux ou trois.

Y avait-il aussi le député français Patrick Balkany ?

Non, je n’ai pas traité de l’uranium avec Balkany. Pas à ma connaissance. Pas du tout. J’ai appris cela dans la presse et j’étais surpris. Balkany a fait une visite éclair quand il a rencontré des hommes d’affaires à Bangui. Mais nous n’avons pas parlé de minerais à ma connaissance.

Mais quand vous receviez Patrick Balkany au palais présidentiel à Bangui, de quoi parliez-vous ?

Je voulais faire sa connaissance. On a parlé de tout. Avec Balkany, à ma connaissance nous n’avons pas parlé de quoi que ce soit d’important.

A votre connaissance, il n’a pas servi d’intermédiaire dans le dossier des mines d’uranium de Bakouma ?

A ma connaissance, non. Jamais je n’ai traité d’une affaire de ce genre avec Balkany. Pas du tout.

Puis-je vous demander de quelles affaires vous traitiez alors avec Patrick Balkany ?

Non. J’ai voulu faire sa connaissance puisqu’il était à Bangui. Une autorité, un député, un maire. C’est une grande autorité. Je l’ai reçu. On a parlé de tout et de rien. Une conversation à bâtons rompus.

Vous avez parlé de Nicolas Sarkozy, son ami, qui était à l’époque président de la République ?

Non, non, non. C’était la première fois que je le rencontrais. Alors comment voulez-vous que je puisse débattre jusque aller parler du président de la République française. Je savais que c’était l’ami du président mais j’ai voulu faire sa connaissance. Il s’est présenté à moi et on a parlé. Puis il est reparti, c’est tout.

Et George Forrest, l’homme d’affaires belge, a-t-il servi d’intermédiaire dans la conclusion de l’accord avec Areva ?

Oui, il a été l’intermédiaire avec Areva et c’est lui qui a pu convaincre les autorités d’Areva pour être plus flexibles afin que la conclusion aboutisse.

Si demain le parquet financier français qui a ouvert une enquête demande à vous entendre, qu’est-ce que vous répondrez ?

Laissez-les venir, je pourrai répondre tranquillement. Mais ce n’est pas à la presse. Laissons les juges faire leur travail tranquillement et que ce ne soit pas des questions piège.

Vous êtes prêt à recevoir des juges français à Kampala ?

(rires) C’est une urgence ? La priorité, c’est la paix en République centrafricaine.


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