Génocide au Rwanda : un procès pour l’Histoire

Redigé par rfi
Le 5 février 2014 à 08:13

Vingt ans après le génocide au Rwanda, s’ouvre le premier procès jamais organisé en France d’un ressortissant rwandais accusé de complicité de génocide. Pascal Simbikangwa va devoir répondre de ses actes devant la Cour d’assises de Paris. Ce procès est le premier d’une longue série, puisqu’une vingtaine de ressortissants rwandais attendent d’être jugés pour complicité de génocide par la justice française. Photo d’archive de Pascal Simbikangwa.
Pascal Simbikangwa est né en 1959 à Rambura, dans la région de (...)

Vingt ans après le génocide au Rwanda, s’ouvre le premier procès jamais organisé en France d’un ressortissant rwandais accusé de complicité de génocide. Pascal Simbikangwa va devoir répondre de ses actes devant la Cour d’assises de Paris. Ce procès est le premier d’une longue série, puisqu’une vingtaine de ressortissants rwandais attendent d’être jugés pour complicité de génocide par la justice française.

Photo d’archive de Pascal Simbikangwa.

Pascal Simbikangwa est né en 1959 à Rambura, dans la région de Gisenyi dans l’ouest du Rwanda. Proche du président Juvénal Habyarimana, il occupe plusieurs postes liés à la présidence du Rwanda.

En 1982, il intègre la garde présidentielle. En 1986, Pascal Simbikangwa est victime d’un grave accident de voiture qui le laisse paraplégique. L’année suivante, il est affecté au renseignement militaire de l’état-major de l’armée, avant d’être nommé directeur au service central du renseignement, un poste directement rattaché à la Présidence.

L’homme a une sulfureuse réputation. On lui attribue des assassinats d’opposants au régime du président Habyarimana. Il est également soupçonné d’avoir été l’un des membres de « l’Akazu » ou la « clique des seigneurs », une organisation parallèle regroupant le premier cercle des proches de la famille Habyarimana. Ce groupuscule œuvrait pour le maintien au pouvoir du clan Habyarimana et pour la domination des Hutu.

Il aurait également participé dès le début des années 90 à la création de la Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM), station de radio privée de propagande anti-Tutsi. Selon le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), cette radio a été l’un des principaux instruments du génocide de 1994.

Un survivant du génocide et guide du mémorial regarde un panneau de photos du génocide, à Kigali. AFP/Gianluigi Guercia

En 2008, Pascal Simbikangwa réapparaît à Mayotte, sous le nom de David Safari Senyamuhura. La police soupçonne Safari Senyamuhura de se livrer au trafic de faux papiers. Lors de son arrestation, les policiers découvrent qu’il n’est autre que Simbikangua et qu’il est poursuivi pour génocide par la République rwandaise. Kigali l’a même classé en catégorie 1, la catégorie des personnes les plus activement recherchées. Incarcéré à La Réunion en 2009, il est mis en examen peu après le dépôt d’une plainte par le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), une association qui traque les génocidaires rwandais.

Kigali ne parviendra pas à obtenir son extradition. D’ailleurs, à ce jour, aucun des génocidaires présumés arrêtés sur le sol français, n’a été extradé et ce malgré les demandes répétées de la justice rwandaise. Pascal Simbikangwa est accusé de complicité de génocide et complicité de crimes contre l’humanité. Il est poursuivi pour avoir fourni des armes aux génocidaires qui tenaient des barrages dans Kigali, de leur avoir fourni des instructions et des encouragements, ce qui aurait abouti au massacre de nombreux Tutsi.

Pourquoi un procès en France ?

La justice française peut juger un étranger pour des faits commis à l’étranger et ce au nom de la compétence universelle. En droit, la compétence universelle est la compétence exercée par un État qui poursuit les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes. Ce genre de disposition sert à empêcher l’impunité pour des crimes graves, en particulier les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, qui seraient commis dans des régions particulièrement instables. En Belgique notamment, quatre affaires ont été menées sur le fondement de la compétence universelle. Ces procès ont abouti à la condamnation de huit individus pour crimes de guerre perpétrés au Rwanda en 1994.

Pourquoi une Cour d’assises et non pas le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) ? Ce dernier a été mis en place par l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, le 8 novembre 1994. Il a pour mandat de juger les présumés responsables d’actes de génocide commis au Rwanda entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1994. Le TPIR, qui a un mandat limité, juge en priorité les plus hauts responsables du génocide. Les tribunaux nationaux, sont, eux, incités à poursuivre les autres responsables présumés se trouvant dans leur ressort.

Pourquoi maintenant ? Si Pascal Simbikanwa est aujourd’hui jugé, c’est parce que sa détention provisoire arrivait à son terme. Selon la loi, la détention provisoire ne peut excéder quatre années. Si au terme de ces quatre années, un procès n’est pas organisé, le prévenu doit alors bénéficier d’une remise en liberté. Or comme Pascal Simbikangwa n’offrait pas de garanties de représentation suffisantes, le risque de le voir disparaître était suffisamment important pour que le justice décide de le maintenir en détention et qu’il soit décidé de le renvoyer devant une Cour d’assises.

Franck Alexandre


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