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Hussein Radjabu-Burundi : Ce que représente l’évasion d’un dissident dans un climat tendu

Redigé par IRIN
Le 11 mars 2015 à 02:35

L’ancien président du parti au pouvoir Hussein Radjabu s’est évadé de la prison. Plus d’une semaine après son évasion d’une prison de Bujumbura, Hussein Radjabu a fait une déclaration. Cet ancien commandant rebelle et homme politique puissant qui jouit d’un large soutien populaire purgeait depuis huit ans une condamnation à 13 ans de prison.
« Je compte travailler avec tous les Burundais [pour élaborer] une meilleure politique qui rassemble tout le monde, afin que nous ayons un pays meilleur », a-t-il (...)

L’ancien président du parti au pouvoir Hussein Radjabu s’est évadé de la prison.
Plus d’une semaine après son évasion d’une prison de Bujumbura, Hussein Radjabu a fait une déclaration. Cet ancien commandant rebelle et homme politique puissant qui jouit d’un large soutien populaire purgeait depuis huit ans une condamnation à 13 ans de prison.

« Je compte travailler avec tous les Burundais [pour élaborer] une meilleure politique qui rassemble tout le monde, afin que nous ayons un pays meilleur », a-t-il déclaré au service Swahili de la Voix de l’Amérique, mettant fin aux rumeurs qui disaient qu’il avait peut-être été assassiné. Le lieu où il se trouve n’a pas été révélé.

Le 1er mars, l’évasion de M. Radjabu, qui a été bien préparée avec une aide extérieure, ajoute à l’incertitude et au climat de tension qui règne au Burundi à l’approche des élections présidentielles, programmées en juin.

La question la plus préoccupante concernant le scrutin est de savoir si le président Pierre Nkurunziza, un ancien camarade devenu ennemi juré de M. Radjabu, va être candidat pour la troisième fois en dépit de la limite constitutionnelle de deux mandats.

IRIN fait le tour des principales questions.

Qui est M. Radjabu ?

Agronome de formation, M. Radjabu a fait partie aussi bien de la branche armée que de la branche politique du mouvement rebelle du Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces pour la défense de la démocratie (CNDD-FDD) lors de la guerre civile qui a déchiré le Burundi de 1993 à 2005.

Quand l’organisation est devenue le parti politique au pouvoir sous la présidence de M. Nkurunziza en 2005, M. Radjabu a exercé les fonctions de secrétaire général avant d’être renvoyé puis accusé d’avoir fomenté une insurrection en 2007.

Bien qu’il n’ait jamais été à la tête de l’État, beaucoup le considéraient comme le membre le plus puissant et le plus efficace du parti, dont il contrôlait à l’époque le service de renseignement. En tant que tel, il aurait dirigé la répression de 2006 au cours de laquelle de nombreux opposants politiques avaient été arrêtés.

Pendant son incarcération, il a continué à bénéficier du soutien de membres haut placés du CNDD-FDD.

Pourquoi a-t-il été emprisonné ?

En avril 2007, M. Radjabu avait été condamné pour outrage envers le chef de l’État et menace à la sécurité nationale pour avoir encourager l’insurrection, ce qui lui a valu une peine de 13 ans de prison.

Cette condamnation a largement été attribuée à la menace politique qu’il représentait pour M. Nkurunziza. De nombreux membres du parti estimaient que c’était M. Radjabu, et non le président, qui accomplissait le plus gros de la charge administrative dans la gouvernance du pays.

Lorsqu’il était derrière les barreaux, M. Radjabu était souvent décrit comme « le plus célèbre prisonnier politique » du Burundi.

En décembre, après la rumeur de sa libération imminente, une foule en liesse s’était rassemblée devant la prison de haute sécurité de Mpimba à Bujumbura. Au lieu d’être libéré, M. Radjabu avait été mis à l’isolement et placé sous surveillance presque continue.
De son propre aveu, il a bénéficié de l’aide de complices à l’intérieur et à l’extérieur de la prison. Ces derniers ont non seulement libéré M. Radjabu, mais également ses coaccusés, son garde du corps et son intendant. D’après un témoignage, l’opération s’est déroulée silencieusement et sans accroc pendant la nuit, si bien que personne dans la prison ne l’a appris avant le lendemain.

Le porte-parole de la police Liboire Bakundukize a déclaré que M. Radjabu « a bénéficié de la complicité d’au moins trois gardiens dont le brigadier chef de corps, responsable à ce titre de la sécurité de toute la prison ».

Quelques jours plus tard, une photo de M. Radjabu a été publiée en ligne ; on l’y voit posant avec ses coaccusés, Ndindi Ribakare et l’ancien bras droit de M. Nkurunziza, le colonel Manassé Nzobonimpa, qui avait arrêté M. Radjabu en 2007 sur l’ordre du président. Le lieu et la date de la photo n’ont pas pu être confirmés.

Un lecteur du site Internet a commenté : « nous sommes très heureux de vous voir hors de prison et nous plaçons beaucoup d’espoir en vous. Ceux qui sont protégés par Dieu ne peuvent pas être lésés ».

Pourquoi est-ce important ?

Parce que c’est une année électorale dans un pays qui a un long passé de réglement des luttes de pouvoir par la force des armes, ce qui a des conséquences dramatiques.
(Quelque 300 000 personnes ont été tuées pendant la guerre civile). Des assassinats politiques sont régulièrement signalés et, au moment du nouvel an, l’armée s’est battue contre un groupe armé non identifié cinq jours durant. Malgré les opérations de désarmement après la guerre, de nombreuses armes sont restées aux mains de particuliers au Burundi.

Un retour à la guerre civile est peu probable, du moins pas suivant le clivage hutu-tutsi comme c’était le cas lors du conflit précédent.

Mais, il y a un mécontentement généralisé à cause de l’absence de dividendes de la paix et de croissance économique tangibles, mais aussi à cause de l’extraordinaire richesse d’une petite élite aux relations haut placées et issue des deux groupes ethniques.

Les échelons supérieurs de l’appareil d’État et de la sécurité nationale sont maintenant divisés quant à savoir si M. Nkurunziza devrait se représenter. Le président lui-même n’a pas annoncé ses intentions, mais ses partisans trouvent l’argument de l’obstacle constitutionnel non recevable.

Ils font valoir que le président avait été nommé par le parlement pour son premier mandat, et non pas à l’issue d’élections nationales. Le président a récemment révoqué le chef du renseignement Godefroid Niyombare, car ce dernier serait dans le camp qui s’oppose à sa nouvelle candidature.

Comme c’est un fugitif recherché par la justice, M. Radjabu ne peut pas se présenter lui-même aux élections, mais sa popularité constante et l’influence dont il jouit au sein du parti au pouvoir pourrait contrecarrer les plans de M. Nkurunziza.

« Beaucoup de puissants qui ont travaillé avec M. Nkurunziza ne veulent pas qu’il se représente encore », a déclaré à IRIN Gilbert Bucyeyeneza, journaliste burundais du Groupe de presse Iwacu

« Il pourrait y avoir des violences au moment des élections s’il essaye de passer en force », a-t-il ajouté.

Pierre-Claver Mbonimpa, le plus connu des défenseurs des droits de l’homme au Burundi, a déclaré que les membres du parti au pouvoir opposés à un troisième mandat présidentiel pourraient maintenant rejoindre M. Radjabu.

M. Mbonimpa dénonce souvent les abus qui auraient été commis par les jeunes affiliés au parti au pouvoir, les Imbonerakure.

« Nous craignons que l’État ne fasse appel aux Imbonerakure, ce qui pourrait déclencher des violences », a-t-il dit.

M. Radjabu lui-même n’a pas directement abordé la question d’un troisième mandat, mais sa référence à une « nouvelle politique » laisse peu de doute quant à sa position sur le sujet.


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