La première dame Jeannette Kagame a salué, ce mercredi, à new York, le courage et la détermination des femmes qui portent le plus lourd fardeau de l’histoire Rwanda.
Elle prononçait, à cette occasion, un discours devant 200 femmes environ, venues participer dans un évènement organisé en son hommage pour ses réalisations au Rwanda.
« Je suis ici pour que, de ma vive voix, je puisse rendre hommage aux braves femmes du Rwanda, porteuses du plus lourd des fardeaux de notre histoire. », a déclaré la première dame devant une audience dominée par des femmes entrepreneures, philanthropes et artistes.

Cet évènement a été organisé par Mme. Grace Hightower DeNiro, épouse du célèbre acteur hollywoodien Robert DeNiro.
La relation entre DeNiro et le Rwanda remonte à deux ans lorsque cette femme entrepreneure est venue créer une compagnie d’exploitation commerciale du café "Grace Hightower & Coffees of Rwanda". Elle vise à aider les femmes rwandaises à gagner de l’argent à travers le commerce du café. Elle a obtenu cependant le soutien de la première dame.
« Son entreprise et sa vision devraient être reconnues » a recommandé la première dans son discours.

Son discours retrace les moments clés de l’histoire contemporaine, à travers les femmes « porteuses du plus lourd fardeau de notre histoire ». Parmi elles, l’histoire retiendra les cruelles d’un côté, les victimes et les victorieuses de l’autre.
Citant Eleanor Roosevelt, Mme Kagame clôture son hommage appelant les femmes à agir pour un monde meilleur.

Ci-dessous retrouvez l’intégralité de son discours.
Traduit de l’Anglais par Elvis Nibomari.
Discours de la Première Dame A New York
• Mme Grace Deniro, merci pour votre agréable présentation ;
• A toutes les femmes que nous saluons ce soir ;
• Mes collègues conférenciers ;
• Distingués invités ;
Bonsoir,
Permettez-moi de commencer par remercier ma chère amie Grace pour son invitation à cet événement spécial. Certainement, Grace est une grande militante des droits des femmes, c’est-à-dire que ce n’est pas une surprise qu’elle organise un tel événement, pour saluer et rendre hommage au courage et à la détermination des femmes qui ont affirmativement répondu à l’appel de diriger et de changer notre monde.
Grace ne se contente pas de discours uniquement, elle est aussi une femme d’action. Durant ces deux dernières années, elle se trouvait au Rwanda entrain d’aider les femmes à accroître leurs revenus à travers son projet d’exploitation de café. Son entreprise et sa vision devraient être reconnues.
Je suis honorée d’être en présence de femmes de votre carrure, des êtres accomplis ainsi que des hommes qui ont dû parcourir ce chemin avec nous. Je suis ici pour que, de ma vive voix, je puisse rendre hommage aux braves femmes du Rwanda, porteuses du plus lourd des fardeaux de notre histoire.
Ici, comme certains d’entre vous savez peut-être, le Rwanda est souvent cité comme une puissance en matière de la promotion du genre. Alors que nous sommes en pleine commémoration, pour la 20ème fois, du génocide perpétré contre les Tutsi, je m’en voudrais si je ne vous racontais pas du pénible voyage que nous avons entrepris, celui de changer le cours de l’histoire.
Comprendre comment et pourquoi a eu lieu une telle transformation nous offres plus qu’une simple occasion de célébrer nos réalisations. Davantage, cela nous permet de fournir des leçons utiles pour d’autres pays en pleine lutte dans le but de surmonter des moments d’oppression contre femmes.
Nous avons compris très tôt que, tout comme le radicalisme ethnique, l’inégalité sur base sexuelle était à la fois systématique et intrinsèque à notre société. Alors, la volonté politique du gouvernement et l’émancipation de la femme devraient être, à tout prix, assemblées. Le démantèlement des barrières structurelles fut un préalable nécessaire à l’égalité des sexes.
Permettez- moi de vous donner un bref aperçu d’agissements et du rôle progressif de la femme rwandaise à travers une sélection de personnages qui ont laissé des marques. Considérées comme une force passive, certaines femmes sont pourtant devenues cruelles, tandis que d’autres sont devenues, simultanément, victimes et victorieuses. Aujourd’hui, les femmes sont devenues une voix de réconciliation et de consolidation de la paix.
En 1994, notre pays sombra dans l’abysse au plus profond d’une cruauté humaine sans limites. Parmi les cruelles fut Pauline - l’une des planificateurs du génocide. Ironie du sort, elle était ministre en charge des affaires féminines, pourtant, n’était-ce pas celle qui a ordonnée le viol des milliers des femmes Tutsi ? Elle en est même arrivé jusqu’à forcer son propre fils à violer une femme Tutsi.
Récemment, sa belle-fille Béatrice a été reconnu coupable de crimes de génocide dans l’état du New Hampshire. Voilà pourquoi nous félicitons la justice américaine pour son arrestation.
Valérie fut une présentatrice à la tristement célèbre Radio Télévision Libre des Mille Collines (RTLM). A la RTLM, elle excellait par sa voix qui lisait, toute haute, les noms des Tutsi. Cet exercice de la présentatrice menait à leur assassinat certain.
Consolata et sa collègue Julienne étaient toutes sœurs religieuses. Elles furent coupables d’avoir participé au massacre de plus de 7600 personnes, dans un certain couvent dans le sud du Rwanda. Par contre, toutes les sœurs religieuses n’étaient pas monstrueuses. Certaines d’entre-elles étaient, d’ailleurs, des héroïnes à l’image de Sœur Félicité dont le frère était un colonel de l’armée génocidaire.
Elle cacha et protégea des Tutsi désespérés. Après, elle les aidait à traverser la frontière, à l’abri d’une menace de mort. Elle perdit sa vie en essayant de sauver les Tutsi.
Les femmes rwandaises qui ont survécu au génocide contre les Tutsi ont vu cette horreur, vécu cette angoisse incommensurable. L’éclat de tant de nos mères, filles, sœurs et épouses fut éteint au milieu des débris et du désespoir.
Le fait de raconter leurs histoires est bien trop pénible, elles sont trop douloureuses à constituer. Une incroyable tristesse vous envahit en écoutant ce qu’elles ont enduré, mais cela ne décrit qu’une image fidèle de ce que ces femmes ont réellement subi.
Suzanne, avait 58 ans en 94 lorsqu’elle fut victime du plus odieux des armes du génocide : le viol. Son cas ne fut pas une expérience d’un seul instant de douleur et d’humiliation. Elle était violée du matin au soir, jour après jour jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse. Suzanne a été dépouillée de toute humanité, de toute dignité ! Elle fut complètement détruite. Elle ne pouvait ni s’asseoir ni se tenir debout, ou encore satisfaire ses besoins primaires.
Plusieurs femmes, qui comme Suzanne, furent violées, se sont retrouvées dans l’obligation d’élever des enfants issus des violences sexuelles. Elles furent confrontées à une double tragédie : chérir et aimer un souvenir vivant de leur honte, douleur et opprobre abominables.
Yolande, fut traquée jour et nuit, et fit un choix qu’aucune mère ne devrait pas être séparée avec ses enfants. Craignant la mort pêle-mêle pour elle et ses enfants, elle décida, tout en espérant augmenter leurs chances de survie, que sa nièce cache ses trois précieux enfants. Mais, quand sa nièce apparut vers la fin du génocide, toute seule, elle ne put supporter ce qu’elle voyait.
Rose, berçait sa fille adolescente, Hyacinthe, lorsqu’elle mourut dans ses bras, à l’église Sainte-Famille. Sa survie lui furent arraché à la demande d’un prêtre catholique manifestement brutal, qui jusqu’à présent continue à prêcher, comme si de rien n’était, dans différentes paroisses de France.
Dianne est maintenant à l’université, mais le même homme qui viola sa mère, ne put l’épargner bien qu’elle n’avait que cinq ans. Elle souffre toujours, dans son corps, des conséquences de ce jour funeste, ne sachant pas si elle pourra être, un jour peut-être, mère de ses propres enfants.
Le génocide de 1994 fut l’aboutissement de décennies d’une administration divisionniste qui a mal géré notre diversité. Autre conséquence de ce régime divisionniste fut la chasse forcée des millions de Tutsi en dehors de leur patrie. Ils devinrent aussitôt apatrides.
Pendant 100 jours, notre pays fut terrassé, le soleil ne se levait plus jamais, les étoiles ne brillaient pas, mais une poignée d’hommes et femmes, munis d’un grand cœur, ne supportèrent pas de croiser les bras et de regarder.
Contre vents et marais, 16.000 personnes courageuses formèrent une simple force qui devrait affronter à une armée, non seulement deux fois plus importante en termes d’effectifs et munitions mais aussi elle était soutenue par 100.000 miliciens.
Chaque main disponible était nécessaire pour réussir la libération du Rwanda. Les femmes prirent les armes et luttèrent courageusement aux côtés de leurs frères pour évacuer les génocidaires du Rwanda.
Certaines femmes soignaient les soldats blessés sur le champ de bataille ; d’autres géraient la base arrière des fournitures. Certaines renoncèrent leurs fils pour la cause, comme Maria qui, malheureusement, les perdit tous.
Plusieurs de ces héroïnes sont méconnues. Elles récoltaient des fonds, priaient, composaient des chansons et préparaient des repas pour garder vivace l’esprit guerrier et combattif des libérateurs.
Juste après le génocide, toujours en 1994, plusieurs hommes étaient morts ou croulaient en prison pour crimes de génocide ; alors ces femmes prirent en charge des foyers et des communautés.
En tant que survivantes, elles recueillirent assez de force et d’endurance pour apaiser les cœurs brisés de leurs enfants orphelins, pour aider leurs sœurs veuves sans défense, et assumer la responsabilité de réparer le tissu social rompu.
Elles devaient pardonner à ceux qui avaient tué leurs maris, frères et enfants. Elles devaient s’unir et vivre côte à côte avec ceux-là mêmes qui avaient anéanti leurs familles. Le choix était entre pardonner l’impardonnable ou laisser libre court à l’autodestruction dû à la colère.
Par conséquent, nous nous sommes déterminés, en paroles comme en actes, à tracer une nouvelle voie pour notre avenir, celle d’offrir l’espoir et ouvrir une nouvelle page.
L’intention principale de l’administration fut une approche qui accentue l’inclusion. Il existe des femmes, notamment Nelly et Régine, dont les parents sont en prison pour crimes de génocide ou reconnus, dans l’histoire, comme bourreaux du génocide. Pourtant, Nelly et Régine sont des fonctionnaires dans la plus haute administration de notre pays.
D’autres femmes, telles que Marie Rose et Anne-Marie contribuaient à convaincre leurs maris à déposer les armes et à rentrer chez eux. Leurs maris furent réintégrés ; et l’un d’eux sert actuellement comme officier supérieur au sein de nos forces de réserve.
Séraphine était parmi ceux qui furent nourris avec l’idéologie génocidaire. Depuis quelques années, elle retournait pour rejeter ce venin et récemment elle est rentrée au bercail avec sa famille ou elle travaille comme ministre au sein de la haute administration rwandaise.
Je salue l’incroyable élégance et la force admirable qui ont caractérisé les femmes rwandaises qui ont porté le fardeau de notre histoire horrible.
Les femmes participent maintenant à tous les niveaux de la reconstruction, mettant en application leurs aptitudes au service de l’innovation. Par conséquent, en 20 ans uniquement, nous avons la représentativité féminine la plus élevée du monde, soit 64 %. Les femmes représentent 40 % au sein du pouvoir exécutif et judicaire. Elles ont des droits et une voix. Elles ont réintégré et retrouvé leur place au sein de la société rwandaise.
Je voudrais terminer mon discours en citant les paroles d’Eleanor Roosevelt : " sûrement, à la lumière de l’histoire, il est plus intelligent d’espérer plutôt que d’avoir peur, et d’essayer plutôt que de ne pas essayer. Car nous savons incontestablement une chose. Une personne qui dit que ’ça ne peut pas être fait’ n’a jamais réalisé quoi que ce soit"
Je salue toutes les femmes car elles ont tenues bon devant l’adversité, car elles sont les gardiennes de notre diversité, car elles ont prouvé leur résilience et dignité. Continuons à leur rendre hommage. « Que nous les connaissions, que nous les devenions, que nous les élevions ! »
Merci pour votre attention
AJOUTER UN COMMENTAIRE
REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Ne vous eloignez pas du sujet de discussion; Les insultes,difamations,publicité et ségregations de tous genres ne sont pas tolerées Si vous souhaitez suivre le cours des discussions en cours fournissez une addresse email valide.
Votre commentaire apparaitra apre`s moderation par l'équipe d' IGIHE.com En cas de non respect d'une ou plusieurs des regles d'utilisation si dessus, le commentaire sera supprimer. Merci!