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Le PS et le génocide des Tutsi au Rwanda : Un passé qui ne passe pas

Redigé par Alain Ngirinshuti
Le 31 octobre 2015 à 09:42

Décidément, le Parti socialiste (PS) entretient une relation ambiguë à l’histoire du génocide des Tutsi. Le PS n’a jamais pris ses distances critiques face au passé trouble de sa figure tutélaire : François Mitterrand. Ce dernier avait apporté un soutien sans faille au régime qui a planifié et exécuté le dernier génocide du XXe siècle.
Faire la lumière sur cette page d’histoire peu glorieuse n’est guère à l’agenda du parti. C’est même tout le contraire. Non satisfait d’avoir empêché la tenue d’un colloque (...)


Décidément, le Parti socialiste (PS) entretient une relation ambiguë à l’histoire du génocide des Tutsi. Le PS n’a jamais pris ses distances critiques face au passé trouble de sa figure tutélaire : François Mitterrand. Ce dernier avait apporté un soutien sans faille au régime qui a planifié et exécuté le dernier génocide du XXe siècle.

Faire la lumière sur cette page d’histoire peu glorieuse n’est guère à l’agenda du parti. C’est même tout le contraire. Non satisfait d’avoir empêché la tenue d’un colloque consacré au génocide des Tutsi à l’Assemblée nationale le 19 octobre dernier, il tente de faire diversion en publiant au lendemain de cette manifestation un communiqué soutenant les Forces démocratiques unifiées (FDU-Inkingi) et donnant des leçons de démocratie au Rwanda.

Étrange coïncidence qui témoigne de la difficulté à parler du génocide des Tutsi et des responsabilités françaises sans renvoyer systématiquement à la situation politique rwandaise actuelle. Tout se passe selon cette logique absurde qui voudrait que le million de victimes tombées dans les charniers soient comptables des décisions politiques prises par le gouvernement rwandais plus de vingt ans après leur assassinat en masse.

Indécence qui se conjugue ici à l’ignorance. En effet, comment saluer les « années de combat consacrées à la réconciliation du peuple rwandais » d’un parti politique aux origines douteuses. La genèse des FDU-Inkingi dirigées par Victoire Ingabire puise aux sources troubles d’une « opposition » politique et militaire rassemblée depuis avril 1995 dans le Rassemblement pour le retour des réfugiés et la démocratie au Rwanda (RDR). Dès sa création, le mouvement compte parmi ses membres de nombreux responsables du génocide des Tutsi.

Ces derniers ont alors à cœur de démontrer « l’inexistence » du crime auquel ils viennent de participer afin d’échapper à une justice pénale internationale qui finira cependant par les rattraper. En 1996, un texte signé de la main de grands criminels, tous membres du RDR et condamnés par le tribunal Pénal International pour le Rwanda, pour leur participation aux massacres, prétend que le génocide des Tutsi n’a aucune réalité, qu’il est le fruit d’une « intoxication » orchestrée par le FPR.

Parmi eux, citons Théoneste BAGOSORA (considéré comme le cerveau du génocide), Jean-Bosco BARAYAGWIZA, Ferdinand NAHIMANA, Anatole NSENGIYUMVA, Laurent SEMANZA.

Les cadres du RDR en exil en Europe ne prendront jamais publiquement leurs distances avec leurs membres traduits devant la justice pénale internationale. Mieux, ils semblent même les soutenir à grand renfort de thèses conspirationnistes et négationnistes comme en témoigne leur appui à une conférence organisée à La Haye en novembre 2009.

Au cours de cette conférence, l’un des lieutenants politiques de Victoire Ingabire au sein des FDU, Charles Ndereyehe – intervenu en sa qualité de porte-parole des FDU- apporta son concours à la définition de stratégies visant à soutenir les personnalités condamnées devant le Tribunal pénal international. Outre ce pedigree politique pour le moins trouble, le RDR –dont Victoire Ingabire fut présidente à partir de 2000- et son pendant actuel, les FDU, entretiennent des relations avec un groupe reconnu comme terroriste par le Conseil de Sécurité des Nations Unie, les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR).

Plusieurs documents publics attestent de la présence de Victoire Ingabire dans des forums auxquels participaient également des membres reconnus des FDLR. Une enquête menée par un groupe d’experts dépêché par le Conseil de Sécurité des Nations Unies permet d’établir la présence de Victoire Ingabire à une réunion regroupant non seulement des membres de FDLR mais encore des personnalités leur ayant prêté un concours financier ou logistique.

Les FDLR n’ont pas usurpé leur qualification terroriste. De nombreuses sources rapportent que ces forces armées se sont rendues coupables de plusieurs centaines de milliers de viols dans l’Est de la République démocratique du Congo. La réalité des viols, utilisés comme une arme de guerre pour terroriser les populations congolaises est largement documentée.

Pour détourner l’attention sur son examen de conscience, le PS ne semble pas avoir choisi la meilleure cause. Faut-il voir dans ce soutien la poursuite de celui apporté aux tenants du Hutu Power dans les années 1990 ? Ce soupçon continuera d’être alimenté aussi longtemps qu’un réel effort de vérité ne sera pas entamé par le PS. Pourquoi le parti socialiste n’a-t-il jamais répondu aux invitations d’Ibuka-France qui l’invite pourtant chaque année à la commémoration de cet événement ? Les victimes et les survivants ne sont-ils pas, eux aussi, dignes d’intérêt ?

* Alain Ngirinshuti, auteur de ce texte est Rescapé du génocide des Tutsi militant dans IBUKA France


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