Les investissements pour l’Afrique ; efficaces pour un développement économique durable ?

Redigé par Eugène Kirari Rutaganda
Le 12 mai 2016 à 07:55

Le dernier rapport d’ UNCTAD de 2015 montre que les investissements directs étrangers de 2014 à destination des pays africains en voie de développement s’élevaient à 54 milliards de dollars.
Le « World Economic Forum » affirme que plus de 700 entreprises récemment créées par des africains en Afrique donnent des revenues de plus de 500 millions de dollars américains. Les valeurs nominales de ces montants ne nous renseignent pas sur la contribution de ces investissements aux économies des pays concernés (...)

Le dernier rapport d’ UNCTAD de 2015 montre que les investissements directs étrangers de 2014 à destination des pays africains en voie de développement s’élevaient à 54 milliards de dollars.

Le « World Economic Forum » affirme que plus de 700 entreprises récemment créées par des africains en Afrique donnent des revenues de plus de 500 millions de dollars américains. Les valeurs nominales de ces montants ne nous renseignent pas sur la contribution de ces investissements aux économies des pays concernés ou sur l’efficacité de ces investissements.

L’efficacité d’un investissement est évaluée sur sa capacité de produire des biens et services et de les augmenter d’année en année.
Elle aussi évaluée sur sa capacité de créer un certain nombre d’emplois assurant des revenus salarials aux ménages, qui à leur tour achètent des biens et services produits par les entreprises.
Elle se mesure aussi par le volume de salaires payés aux employés et le pouvoir d’achat que ces derniers leur offrent.

Un investissement est efficace s’il est capable de créer plus de richesses aux entrepreneurs et de la façon ces richesses sont redistribuées aux ménages, sources principales des facteurs de production dans l’économie d’un pays.
Les biens et services produits par les entreprises ne sont pas seulement sources de revenus pour les ménages et les entrepreneurs, mais aussi elles le sont pour le gouvernement parce que tous ces agents économiques payent des taxes à l’Etat. C’est avec ces taxes que l’Etat couvre ses dépenses pour les consommations courantes et finance les projets de development tels que l’éducation, la santé et d’autres infrastructures.

L’efficacité des investissements est évaluée sur leur capacité de commercialiser des biens ou services avec les pays étrangers. Est-ce que les produits créés sont commercialisés seulement dans le pays de production ou bien ils sont aussi exportés ? Ces entreprises sont-elles des unités industrielles qui nécessitent d’importer des matières premières ? Importent-elles plus ce qu’elles n’exportent ? Toutes ces questions nous aident à comprendre l’efficacité des investissements.

Le volume total des investissements dans le pays , celui de la consommation des ménages et des entreprises, les dépenses de l’état ainsi que la différence entre la valeur des produits exportés et celle des produits importés déterminent le niveau du produit national brut communément appelé PNB. C’est ce PNB d’une année à une autre qui détermine la croissance économique d’un pays.

Tous les gouvernements des pays développés ou des pays en voie de développement, ont en commun la tâche de trouver des solutions aux problèmes macroéconomiques à cours et à long terme, afin d’aider les entreprises à créer des richesses, les ménages à s’assurer des revenues leur permettant de consommer et à faire des épargnes.

La résolution de ces problèmes macro-économiques est axée sur cinq objectifs valables pour toutes les économies. Ces objectifs correspondent aux variables qui mesurent la viabilité de l’économie des pays.

Le premier objectif est d’assurer un taux constant de production nationale, mesure de croissance économique. Le second objectif est de maintenir un faible taux de chômage parce que plus d’emplois augmentent la capacité de consommer et de faire des épargnes. Le troisième objectif est de maintenir un niveau d’inflation faible et stable afin d’assurer la stabilité des prix.
Le quatrième objectif est de maintenir un équilibre de balance de paiements et enfin le cinquième est d’assurer une distribution équitable des revenues.

Pour atteindre ces objectifs macroéconomiques, les gouvernements devraient travailler en partenariat avec les entreprises, véhicules des richesses créées par la production et vente des biens et services.
La contribution des investissements à l’économie du pays s’évalue aussi par leur capacité de faire circuler les revenues issues de la vente de biens et services à travers les marchés.

Le gros volume de transfert de revenus issus de l’économie se fait entre les ménages, source principale de facteurs de productions, et les entreprises, producteurs de biens et services. D’un côté il y a d’abord une partie des ménages qui fournit la main d’œuvre aux entreprises, et en retour ils touchent des salaires.

Ensuite une seconde partie de ménages, des entrepreneurs, qui fournissent des capitaux nécessaires à la production des biens et services. En retour ils reçoivent de l’argent sous forme de dividendes provenant des profits réalisés. Et enfin il y a une troisième partie des ménages, des « landlords », possesseurs de propriétés, qui les mettent à la disposition des entreprises pour abriter les offices ou pour d’autres facilités logistiques. En retour, les « landlords » reçoivent de revenus locatifs.

De l’autre côté, il y a des entreprises qui, réunissant tous les facteurs de production, produisent des biens et services et les vendent sur le marché. Les premiers acheteurs sont les ménages, opérant cette fois-ci en qualité de consommateurs. Ils payent les biens et services consommés au moyen d’une partie de revenues payés par les entreprises en retour des services rendus.

Les employés payent leur consommation avec l’argent provenant de leurs salaires, les entrepreneurs, agissant comme individus, payent au moyen des revenus issus des profits et les landlords payent leur consommation au moyen des revenus locatifs. C’est comme ça que la machine économique fonctionne, comme toute unité de production, il y des « inputs » (facteurs de production) qui entrent et « output » (biens et services) qui sortent .Ces biens et services font circuler l’argent en suivant toujours le même flux.

Des ménages aux entreprises, l’argent est transféré pour payer les biens et services consommés. Des entreprises aux ménages, l’argent sort pour payer les facteurs de production fournis par différents agents. Aux employés, elles payent les salaires, aux entrepreneurs ils payent les dividendes proportionnellement à leurs investissements et aux landlords l’argent est payé sous forme de frais de locations.

Il ne faut pas oublier que les entreprises sont des consommateurs comme d’autres et qu’une partie de leur argent paye les biens et services nécessaires pour leur fonctionnement. En dehors de ce flux, l’argent sort du circuit normal d’une façon transparente et par des voies connues. La première destination est le gouvernement. L’argent sort du circuit de production ménages -entreprises-menages vers le gouvernement sous forme de taxes payées par les ménages et les entreprises.

La deuxième destination de l’argent qui sort du circuit normal est celle des pays étrangers. Une partie des revenues issues de la production est utilisée pour payer les importations.
Et enfin la troisième destination de l’argent sorti du circuit normal de production est celle des banques locales. Les excédents des revenues sur les consommations des ménages et des entreprises sont placés en banques pour constituer des épargnes. C’est de ces épargnes que les banques locales financent de nouveaux investissements.

Le grand problème pour les pays en voie de développement et plus particulièrement les pays africains, est que l’argent sorti du circuit normal de production ne suffit pas pour réalimenter l’économie nationale d’une façon durable. Il y a nécessité alors de trouver d’autres sources capables d’injecter de l’argent dans l’économie nationale.

Les épargnes détenues en banque ne suffisent pas pour financer des nouveaux investissements et pour cette raison beaucoup de gouvernements des pays en voie développement font de leur mieux pour attirer des investissements étrangers. Les taxes perçues par l’état ne suffisent pas pour couvrir ses dépenses et plus particulièrement celles destinées aux projets de développement. Une autre source d’injection d’argent dans l’économie nationale est celle des pays étrangers qui achètent les produits exportés.

Mais bien que beaucoup de pays africains disposent des produits primaires qu’ils exportent surtout vers les pays développés, les revenues provenant de ces exportations ne suffisent pas pour payer les produits importés dont ils ont besoin. De plus les paiements se font en monnaies convertibles et les gouvernements ne disposent pas de réserves suffisantes pour payer les importations.

Pour cette raison, beaucoup de pays africains sont obligés de trouver des bailleurs de fonds d’une part pour équilibrer les balances budgétaires et être à mesure de couvrir les dépenses domestiques, et d’autre part pour ajuster la balance commerciale toujours déficitaire. Les principaux bailleurs de fonds sont la Banque mondiale, le FMI et la BAD.

Les fonds sont octroyés sous forme de prêts ou de dons non remboursables. Ces prêts ou dons récus par les gouvernements devraient être injectés directement dans les économies nationales à travers les budgets de l’état afin qu’elles puissent en profiter efficacement. Ce n’est pas toujours le cas pour les tous les pays africains, certains fonds sont gérés par les agences ou par les ONG des pays donateurs. Dans ce cas-ci, Il n’est pas évident que la contribution de ces fonds aux économies nationales soit visible parce que leur gestion n’entre pas dans la comptabilité nationale de ces pays.

Le Rwanda est parmi les pays qui injectent ces fonds dans l’économie du pays à travers le budget national et leur utilisation se fait voir dans la comptabilité nationale. Le pays est apprécié par les bailleurs de fonds qui, à leur satisfaction, est assurée de l’utilisation transparente de ces fonds.

En revenant aux 54 milliards de dollars américains d’investissement directs en Afrique et des 500 millions de revenues issues des business récemment crées en Afrique, il y a lieu de se poser les questions suivantes.

En dehors des indications de ces valeurs nominales, quelle contribution concrète que ces investissements apportent aux économies nationales ? La production issue de ces investissements est- elle suffisante pour la consommation domestique ? Y a-t-il des excédents pour l’exportation ?
Les salaires payés aux employés sont-ils suffisants pour couvrir les consommations courantes et faire des excédents qui pourraient être épargnés pour la consommation future ?

Les épargnes constituent-elles des dépôts suffisants permettant aux institutions financières de financer de nouveaux investissements ?
Quelle est la contribution de ces investissements aux taxes perçues par les gouvernements ?

Telles sont les questions qu’on se poserait et une fois répondues nous éclairciraient sur l’efficacité de ces investissements. Elles nous montreraient la contribution des investissements à la création d’emploi, leur apport aux caisses de l’état par le paiement des taxes ainsi que leur capacité de substituer les importations par des exportations.


Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité