Massacre annoncé : le Burundi terrorisé

Redigé par IGIHE
Le 9 novembre 2015 à 02:20

La tension était à son comble, cette semaine, à Bujumbura. C’est en effet ce samedi soir qu’expire l’ultimatum lancé lundi dernier par le président Pierre Nkurunziza à ceux qui ont pris les armes contre son régime pour qu’ils les déposent « définitivement ».
« Vous serez accueilli par les forces de l’ordre. On vous apprendra à aimer votre pays pendant deux semaines, puis vous serez renvoyés parmi les vôtres », a-t-il assuré.
Un message qui serait rassurant s’il n’avait été précédé, la veille, par une (...)

La tension était à son comble, cette semaine, à Bujumbura. C’est en effet ce samedi soir qu’expire l’ultimatum lancé lundi dernier par le président Pierre Nkurunziza à ceux qui ont pris les armes contre son régime pour qu’ils les déposent « définitivement ».

« Vous serez accueilli par les forces de l’ordre. On vous apprendra à aimer votre pays pendant deux semaines, puis vous serez renvoyés parmi les vôtres », a-t-il assuré.

Un message qui serait rassurant s’il n’avait été précédé, la veille, par une diatribe du président du sénat, Révérien Ndikuriyo, rappelant de manière sinistre les appels au génocide lancés en 1994 au Rwanda voisin.

L’ordre de « travailler »

Révérien Ndikuriyo s’adressait aux chefs de quartiers de Bujumbura, lors d’une réunion sur la sécurité. La capitale est, depuis avril dernier, le théâtre de protestations contre le troisième mandat du président Nkurunziza, qui viole les accords de paix d’Arusha (2000) ayant mis fin à la guerre civile Hutu-Tutsi. Le parti CNDD-FDD au pouvoir avait déjà tenté de relancer la guerre ethnique (voir « La Libre » du 29 avril 2015), sans parvenir à provoquer d’affrontements populaires. Toutefois, à Bujumbura, certains quartiers sont mixtes mais d’autres sont nettement hutu et d’autres tutsi.

Aussi la population de Bujumbura est-elle terrorisée par les propos du président du Sénat. « Le jour où l’autorisation pour travailler (NdlR : lors du génocide rwandais, « travailler » signifiait « tuer les adversaires » désignés, soit les Tutsi) sera donnée et que la retenue actuelle prendra fin, où irez-vous ? […] S’il advenait que ce soit à vous que l’on donne l’ordre de passer à l’action, alors que vous continuez à flotter et à côtoyer ces gens-là ( NdlR : ceux qui s’opposent au pouvoir) , dites-moi comment vous pourriez le faire ? […] Le jour où on vous dira « travaillez ! », vous verrez la différence ! Les policiers (NdlR : la police passe pour acquise au CNDD-FDD, tandis que l’armée est divisée) se cachent actuellement pour se mettre à l’abri des grenades, mais vous allez voir la différence le jour où ils recevront le message pour travailler […] Le jour où ils recevront l’ordre de travailler véritablement, au nom du pays et pour la sécurité des quartiers, ils vont opérer sérieusement ! Ce ne sera pas comme maintenant, où on essaie d’être indulgent. » Les policiers « ne sont pas contents […] Maintenant ils demandent qu’on leur donne l’autorisation de travailler pour mettre en pratique ce qu’ils ont appris et ces histoires prendront fin ».

« La brousse est déjà minée »

Après avoir signalé que « la brousse (NdlR : la campagne) est déjà minée, réservée pour autre chose« , le président du Sénat évoque la pratique paysanne des contre-feu pour empêcher un incendie de s’étendre. Et d’ajouter : « C’est pourquoi nous rendons souvent visite aux populations. Les populations de l’intérieur du pays sont éveillées. C’est pourquoi elles disent que toute personne qui n’est pas de leur localité doit partir. » Et d’exhorter les chefs de quartier à dénoncer eux-mêmes les « éléments qui ne sont pas en ordre et vous enverrez un message par téléphone pour prévenir ceux qui doivent être épargnés et vous appelez la police pour qu’elle passe à l’action […] Il y a même moyen d’être récompensé par des parcelles » (terrains).

Réunion du Conseil de sécurité

Ce discours haineux d’un régime qui refuse de dialoguer avec son opposition, a suscité la programmation d’une réunion du Conseil de sécurité pour lundi.

Jeudi, l’Union Africaine avait mis en garde le Burundi contre les « conséquences dévastatrices, tant pour le Burundi que pour l’ensemble de la région » de la violence croissante créée par le refus de Pierre Nkurunziza de quitter le fauteuil présidentiel après dix ans de pouvoir.

Quelques 200 000 personnes ont déjà fui le Burundi pour se réfugier dans les pays voisins. Les propos du chef de l’Etat et du président du Sénat ont poussé l’inquiétude à son comble à Bujumbura, où beaucoup envisageaient, cette semaine, de quitter la ville au moins pour quelque temps.

L’Union Européenne a convoqué le Burundi à des consultations, qui pourraient déboucher sur une suspension de l’aide, dont le Burundi dépend étroitement. Un processus long et bien tardif.

La Libre.be


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