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Ngoma : Depuis 1994 il n’a souri que le 19 mai 2019, après avoir enseveli son oncle.

Redigé par IGIHE
Le 12 juin 2019 à 12:12

Ntagozera Eric avait 9 ans quand le génocide perpetré contre les Tutsis a éclaté. Lorsque les corps des victimes du génocide ont été déposés dans le Mémorial de Rukumbeli, ce 19 mai 2019, il a reconnu celui de son oncle Ladislas Birasa.

C’est alors qu’il a pu sourire, depuis 1994. Habitant actuellement dans le Village de Kanazi, Cellule Nkanga, Secteur Sake dans le District de Ngoma, il était venu de Kigali visiter ses parentés dans ce qui était alors la Commune de Sake, quand le génocide a éclaté.

Après le génocide, il n’a pas su si ses parents vivaient encore ou s’ils avaient été tués. Il a été le seul rescapé de sa large parenté de Sake. Et il a toujours éprouvé la douleur de n’avoir pu ensevelir aucun des siens. Cela lui a meurtri le coeur jusqu’à se réfugier dans les stupéfiants qui l’ont conduit à l’Hôpital psychiatrique de Ndera.

“J’ai été à plusieurs reprises à l’Hôpital de Ndera car la perte des miens m’avait perturbé fortement. Depuis 1994 j’ai vécu une vie misérable d’orphelin, jusqu’à attraper des chiques. Je n’ai jamais connu de joie comme les autres jeunes à cause de la tristesse consequente à une vie d’orphelin”, a-t-il témoigné.

Il en a été tellement affecté qu’il n’a pas pu étudier. Il n’en voyait aucune utilité. Il avoue n’avoir jamais souri depuis le génocide parce il n’avait jamais senti aucune joie dans son coeur.
Au mois de février 2019 la direction de IBUKA dans le Secteur Sake l’a mis dans le groupe de ceux qui allaient aider les autres rescapés à nettoyer les corps des victimes afin qu’ils soient conservés dignement dans le Mémorial restauré de Rukumbeli, le 19 mai 2019. Il n’en sentait pas la force, surtout que depuis longtemps il évitait même de regarder tout Mémorial, avec ses propres yeux, de peur de rechuter psychologiquement.

Ses amis l’ont encouragé et il a fini par s’y rendre. C’est alors qu’il a eu une surprise extraordinaire ! Ntagozera a reconnu la ceinture de son oncle, ses habits traditionnels et sa pipe. Il a déclaré, en riant, “Ce fut le début d’une joie qui m’avait manqué depuis 25 ans”, a-t-il avoué.
“Le fait de pouvoir ensevelir mon oncle Birasa Ladislas est très significatif pour moi. Il représente tous les miens que je n’ai pas pu ensevelir”, a- t-il ajouté.

Ntagozera a demandé aux autres qui vivent son cas d’être forts et de garder l’espoir qu’un jour leur voeu sera exaucé. Il les a conseillés de toujours aller aider les autres à déterrer, nettoyer et ensevelir avec dignité les corps retrouvés, parce qu’il se pourrait qu’ils reconnaissent un des leurs.

Il a enfin demandé à IBUKA et à la CNLG d’être toujours proches des rescapés qui habitent les campagnes, surtout en cette période bien particulière, car, selon lui, le traumatisme du rescapé qui a vu le génocide avec ses yeux augmente parallèlement avec son âge. Ntagozera est aujourd’hui un homme marié et père de trois filles. Il affirme que la joie qu’il vient de retrouver va constituer le début d’un dévéloppement rapide, pour lui et sa famille.


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