Les habitants de Kigeme au sud du Rwanda supportent mal la présence des 16 000 réfugiés du camp installé au-dessus du village. Manque d’hygiène, maladies, vols, inondations… autant de maux qu’ils estiment liés à l’installation des Congolais déplacés du Nord-Kivu. Ils aimeraient être relogés ailleurs.

Les deux collines qui surplombent le village de Kigeme, au sud du Rwanda, abritent plus de 16 000 réfugiés congolais qui y sont installés à partir de la mi-2012, fuyant les combats dans l’Est de la RDC.

Juste au pied de ces collines habitent des villageois, essentiellement des agriculteurs.

Ces derniers temps, ce voisinage est de moins en moins apprécié. Pour de nombreux habitants de Kigeme, la promiscuité et les conditions de vie difficiles des réfugiés y multiplient les maladies contagieuses qui les affectent aussi.

"La diarrhée est trop fréquente ce dernier temps. Avant ce camp, ces maladies n’étaient pas courantes", se plaint Louise qui habite tout près du camp.

Un réfugié partage l’avis de ces villageois : "Les maisons du camp sont entassées les unes auprès des autres. Moins de deux mètres les séparent. Les gens sont nombreux dans une petite maison ce qui ne garantit pas une bonne hygiène."

Cependant Claude Rwahama chargé des réfugiés au ministère des Catastrophes naturelles n’est pas de cet avis : "Dire qu’il y a des maladies liées à la proximité avec le camp n’est pas fondé. Le camp est géré par différents intervenants qui maitrisent la situation sanitaire au jour le jour, aucune épidémie n’a jamais été signalée".

Les citoyens de Kigeme voient aussi leurs champs ou leurs maisons régulièrement inondés par les eaux de pluie dégoulinant des tôles des maisons du camp au sommet des collines.

"Lors de la saison de pluie passée, le haricot que j’ai cultivé a été emporté par ces eaux de pluie, je n’ai rien récolté’’, se plaint Mukunzi habitant de cette localité. C. Rwahama souligne que ce problème va bientôt être résolu : "Les travaux de drainage de ces eaux sont terminés à 90%, il ne reste qu’à trouver un lieu propice ou elles se déverseront. D’ici quelques jours, elles seront maitrisées".

Les expropriations tardent

Les villageois se plaignent aussi que des réfugiés abîment leurs plantes et volent leurs récoltes dans les champs. Selon Bigega Safali, un des représentants des réfugiés, ils ont attrapé certains jeunes qui volaient les patates dans les champs et ils ont été punis.

Mais pour les réfugiés la ration reçue n’est pas suffisante. Une maman d’une quarantaine d’années confie : "Le haricot et le maïs ne suffisent pas pour nourrir soigneusement les gens. C’est pour cela que certains mendient, mais les autorités les punissent quand ils sont attrapés".

Actuellement, environ 8 000 autres réfugiés sont dans le centre de transit de Nkamira à la frontière entre le Rwanda et la RDC et attendent d’être transférés dans le camp de Kigeme.

Une nouvelle vague a en effet afflué en mars lorsque les deux factions du M23 se sont battues. L’État rwandais envisage d’agrandir le camp en expropriant les populations locales sur un espace d’environ 23 ha autour du camp.

Mais selon un habitant, cela fait plus de 9 mois qu’ils attendent cette expropriation et ils ne peuvent entreprendre aucune action durable sur leurs terres. Il souligne : "On ne peut pas continuer à attendre, on veut quitter le quartier on ne sait pas ce qui retarde cette opération". Selon C. Rwahama, c’est le manque de moyens qui la retarde. Il demande aux villageois et aux réfugiés de cohabiter pacifiquement.

Selon la même source l’État envisage d’agrandir aussi le camp de Nyabiheke à l’Est du Rwanda pour recevoir plus de réfugiés congolais. Ils sont actuellement plus de 70 000 au Rwanda qui attendent désespérément la fin des combats au Nord Kivu pour rentrer chez eux.

Solange Ayanone