Rwanda : faut-il légaliser le plus vieux métier du monde ?

Redigé par IGIHE
Le 1er novembre 2012 à 09:32

De récents meurtres en série de prostituées à Kigali ont donné lieu à un débat inédit sur le plus vieux métier du monde. Si dans leur ensemble, les très pudiques Rwandais sont opposés à la légalisation de la prostitution, les travailleuses du sexe et certains jeunes sont d’un avis contraire.
"Légaliser la prostitution ? En d’autres termes, dire aux femmes : Vous avez le droit de vivre de la vente de votre chair ? Ça, ce sont des idées de Blancs. Le Rwanda a connu tous les maux, j’espère qu’on n’en (...)

De récents meurtres en série de prostituées à Kigali ont donné lieu à un débat inédit sur le plus vieux métier du monde. Si dans leur ensemble, les très pudiques Rwandais sont opposés à la légalisation de la prostitution, les travailleuses du sexe et certains jeunes sont d’un avis contraire.

"Légaliser la prostitution ? En d’autres termes, dire aux femmes : Vous avez le droit de vivre de la vente de votre chair ? Ça, ce sont des idées de Blancs. Le Rwanda a connu tous les maux, j’espère qu’on n’en arrivera pas là." Pour Chantal Uwamariya, jeune institutrice qui souhaite entrer chez les sœurs carmélites, l’idée soulève le cœur. Même sentiment de répulsion de la part d’Emmanuel Musabyimana, jeune mécanicien. "Pensez à ce que deviendrait notre société si la prostitution était officiellement reconnue comme un mode de vie, un métier au même titre que la maçonnerie ou l’élevage !"

Phénomène réel

Si pour la plupart des Rwandais, l’idée heurte le bon sens et la morale, elle ne manque pas de partisans parmi les jeunes. "Moi, je pense qu’il faut arrêter de se voiler la face. La prostitution est un phénomène réel et qui se développe chaque jour davantage. Et les conséquences sont désastreuses, tout le monde le sait : les maladies sexuellement transmissibles, le sida, etc. Si l’on veut réduire ces risques, il faut légaliser la prostitution, mettre de l’ordre dans le métier parce que, quoi que l’on dise, c’en est un. Il y a des gens qui ne font que cela pour survivre", raisonne Denis Tandimwebwa, étudiant en agronomie.

Ce débat fait suite aux récents meurtres en série de prostituées dans un quartier populeux de Kigali. En juillet, plus d’une dizaine de travailleuses du sexe ont été retrouvées mortes, étranglées ou poignardées. La police a procédé à des arrestations et certains suspects auraient avoué avoir agi pour se venger de prostituées qui leur avaient transmis le virus du sida. Selon le ministère de la Santé, 51 % des prostituées du Rwanda sont séropositives et seulement 66 % d’entre elles utilisent le préservatif.

Pauvreté et violence

Après l’émoi de juillet, des parlementaires ont mené une enquête sur le phénomène de la prostitution et les résultats ont été exposés le 19 octobre lors d’une plénière de l’assemblée et du sénat réunis. Selon le sénateur Célestin Sebuhoro qui a participé à l’étude, les causes sont notamment la pauvreté et la violence au niveau des familles. A l’issue du débat, les parlementaires ont recommandé au gouvernement de regrouper les prostituées en associations coopératives génératrices de revenus pour les sortir de la situation. Mais aucun élu n’a osé plaider pour la légalisation. Ils en ont appelé au contraire à la stricte application de la loi. En effet, le prostitution est illégale au Rwanda et est punissable d’une peine pouvant aller de 3 mois à 7 ans de prison.

Pendant et après ce débat parlementaire timoré, les prostituées, elles, poursuivaient leur travail. "Je n’ai pas choisi ce métier, j’y ai été poussée par la pauvreté. J’ai abandonné l’école à 15 ans alors que j’étais enceinte d’un chauffeur de camionnette. Il n’a pas voulu de moi. Je devais vivre et nourrir mon enfant et mes parents étaient très pauvres. Qu’aurais-je fait d’autre ?", confie Rosine rencontrée dans un bar bruyant du célèbre quartier de Nyamirambo, à Kigali. "Je reçois parfois de bons clients, qui paient bien et utilisent un préservatif. Mais il y en aussi qui refusent de payer après avoir terminé la chose et vont même jusqu’à me battre", poursuit-elle. "Et on ne se plaint pas, une prostituée battue ne se plaint pas ici", renchérit sa compagne de métier, Drocella, faisant un clin d’œil à un homme âgé qui vient d’entrer dans la buvette.

Sont-elles prêtes, si une aide leur était accordée, à sortir de cette vie ? "Certaines d’entre nous peuvent abandonner, mais d’autres pas. Il y en a qui sont allées trop loin pour reculer. Mais nous entendons que dans d’autres pays ce métier est officiellement reconnu. Pourquoi pas ici ? Seule une loi nous protégerait", répond Rosine finissant la bouteille de Primus qu’elle buvait au goulot.

RNW


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