Tirer les cordons de la Bourse grâce à Twitter ?

Redigé par The Wall Street Journal
Le 27 décembre 2013 à 08:41

De plus en plus de spécialistes se tournent vers Twitter en espérant pouvoir y déceler les tendances de la Bourse avant les autres. Aux Etats-Unis, des start-up proposent des logiciels qui analysent le "sentiment" des prescripteurs influents qui sont sur le réseau. Une solution miracle ?
Le logo Twitter à Wall Street le jour de l’introduction du titre à la bourse de New York, le 7 novembre 2013 - AFP/Emmanuel Dunand
La plupart des investisseurs aimeraient avoir le don de prédire l’avenir. (...)

De plus en plus de spécialistes se tournent vers Twitter en espérant pouvoir y déceler les tendances de la Bourse avant les autres. Aux Etats-Unis, des start-up proposent des logiciels qui analysent le "sentiment" des prescripteurs influents qui sont sur le réseau. Une solution miracle ?

Le logo Twitter à Wall Street le jour de l’introduction du titre à la bourse de New York, le 7 novembre 2013 - AFP/Emmanuel Dunand

La plupart des investisseurs aimeraient avoir le don de prédire l’avenir. Certains sont aujourd’hui persuadés de pouvoir le faire en suivant Twitter. De plus en plus d’investisseurs individuels pensent en effet que le service de microblogging – qui a déjà prouvé être une bonne source de nouvelles de dernière minute, d’opinions des grands esprits de Wall Street et d’annonces des grandes entreprises – renferme un trésor d’informations à même de les conduire vers le prochain titre que les foules s’arracheront.

En suivant les conversations sur les entreprises, les industries et l’économie mondiale, les investisseurs croient pouvoir prévoir l’orientation que prendra une valeur donnée ou le marché en général.

Filtrer 400 millions de tweets quotidiens

Le problème, c’est qu’avec plus de 400 millions de tweets envoyés chaque jour – sans parler de la désinformation et des mauvaises idées publiées régulièrement – les fils de tweets sont difficiles à maîtriser. Exemple typique de la façon dont les choses peuvent mal tourner : lorsque Twitter a annoncé son entrée en Bourse par un tweet, des investisseurs ont confondu le nom du réseau avec celui d’une entreprise en faillite, Tweeter Home Entertainment. Ils se sont jetés sur les actions de cette dernière et les ont fait grimper de 1 800 %.

C’est là où interviennent des sociétés comme MarketPsych LLC, de Westport (Connecticut). Avec des partenaires, elle a conçu des outils d’analyse sophistiqués permettant de filtrer les tweets ayant un rapport avec la Bourse et de tirer des conclusions en fonction du buzz qui en découlent.

Social Market Analytics LLC (SMA), une start-up de Chicago, a créé un algorithme qui parcourt les tweets à la recherche de mots indiquant le sentiment suscité par une action, comme "niveau de support" et "niveau de résistance", ou la position d’un produit. Ces données sont ensuite utilisées pour évaluer les changements dans les conversations sur un titre précis. SMA livre les informations sous la forme de comptes rendus par email, d’alertes et d’un flux de données pouvant être intégrées dans Excel et suit uniquement les tweets de gens considérés comme des "influenceurs" de marché, par exemple des traders actifs ayant montré qu’ils savaient flairer la bonne affaire.

Suivre les spécialistes

Comme le dit le directeur de la start-up, Joe Gits : "Dans les médias sociaux, il n’y a pas seulement ce qui est dit, mais qui le dit." Selon lui, suivre uniquement les tweets de ces prescripteurs envoie un signal très différent du flux Twitter ordinaire. Si le flux général peut donner l’impression qu’un titre s’oriente à la baisse, l’analyse des propos des spécialistes du marché peut indiquer une hausse, ou vice-versa.

Parmi les produits les moins chers proposés par SMA figure un récapitulatif quotidien par email des actions suscitant le meilleur sentiment et le plus mauvais, ce qui, toujours selon Joe Gits, peut être utile aux investisseurs souhaitant se renseigner sur des entreprises qui ne sont pas mentionnées dans les sources d’information traditionnelles mais apparaissent dans les tweets. La Bourse de New York, par exemple, offre ce service.

Repérer les "cashtags"

Market Prophit LLC utilise un logiciel de traitement du langage naturel pour repérer les tweets sur des actions comportant un symbole boursier, comme $AAPL pour Apple Computer (les traders et les investisseurs utilisent souvent ces symboles, appelés "cashtags", dans leurs tweets). Le logiciel associe un sentiment à chaque tweet et établit un graphique en temps réel qui montre si les tweets concernant le titre sont globalement haussiers ou baissiers.

Selon son directeur, Igor Gonta, l’entreprise envisage d’ajouter une nouvelle fonction à son site web, actuellement en version bêta et utilisable gratuitement par les consommateurs, qui étudie les tweets d’investisseurs ayant de belles transactions à leur actif. Le sentiment des gourous du marché pourra alors être comparé à celui d’un public plus large. Si les gourous divergent de l’opinion générale, il se peut que cela signale un changement d’orientation pour une valeur.

En août 2013, le financier Carl Icahn a annoncé sur Twitter qu’il détenait "une importante participation" dans Apple, ce qui a fait grimper les actions de l’entreprise de 5,8%. Mais ce sont les "traders à grande vitesse" des fonds d’investissement spéculatifs qui ont repéré ce tweet et sauté sur l’affaire, pas les investisseurs particuliers. "Nous voulons mettre tout le monde à égalité", affirme Gonta.

Des logiciels professionnels

Le logiciel de MarketPsych analyse les médias sociaux et les sites d’information pour identifier le sentiment général qu’ils dégagent, comme l’appréhension et l’optimisme. Selon le directeur de l’entreprise, Richard Peterson, les investisseurs peuvent utiliser ces informations pour comparer les sentiments à long terme et à court terme, repérer les moments charnière dans les marchés, ou évaluer le sentiment général du marché sur une action.
Sur le site web de MarketPsych figure un tableau qui offre une vue d’ensemble du niveau de sentiment pour des classes entières d’actifs, montrant par exemple quels secteurs ou actifs suscitent le plus de crainte ou d’irritation chez les investisseurs et où les prévisions de bénéfices sont les plus élevées. L’entreprise propose également un logiciel professionnel plus cher, qui inclut des graphiques et des outils montrant ce qui a déterminé le cours d’une action donnée.

Mais ces outils marchent-ils vraiment ? Pour l’instant, seulement jusqu’à un certain point. Ilya Zheludev, ancien banquier d’investissement et actuellement doctorant à l’University College de Londres, est l’un des premiers universitaires à avoir étudié le potentiel des médias sociaux comme outils d’investissements. Selon lui, beaucoup d’actions ne font pas assez parler d’elles pour fournir aux investisseurs les informations dont ils ont besoin afin de prédire de façon fiable le comportement des marchés.

Il pense cependant que cela changera avec l’augmentation de la quantité d’informations déversées dans les médias sociaux.


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