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La mauvaise réputation de la France en Afrique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 octobre 2021 à 05:11

Les relations de la France avec un nombre important de pays africains restent polluées par des souvenirs divers et variés. De l’Algérie au Rwanda en passant par l’Afrique de l’Ouest et Centrale.

Beaucoup sont ceux qui invitent la France à regarder sa mémoire en face. Car la France pâtit en Afrique à cause de son passé colonial, ses turpitudes de la Françafrique et de ses errements en politique étrangère, illisible quand il s’agit de l’Afrique.

Ce qui impacte considérablement l’imaginaire du public africain et plus particulièrement la jeunesse à l’heure de la mondialisation et des réseaux sociaux.

Macron a eu une initiative inédite, d’organiser un sommet Afrique France avec « les sociétés civiles Africaines » à Montpellier le 8 octobre dernier.

Pour la France c’est « un nouveau format, nouveaux acteurs, nouvelles thématiques, nouveaux enjeux : l’objectif est de porter un regard neuf sur la relation entre l’Afrique et la France pour offrir un nouveau cadre de réflexion et d’action aux nouvelles générations ».

Rien n’y fait, l’histoire sombre de cette relation depuis l’indépendance était en toile de fond durant tout le sommet.

Ils ont mis sur la table du sommet les réseaux politiques, les officines aux méthodes mafieuses et les filières occultes. Ils ont rappelé que tout ceci se faisait au seul profit de la France et maintenait les populations africaines dans la misère pendant qu’une petite élite corrompue s’enrichissait scandaleusement avec la bénédiction de Paris.

Ce que l’écrivain Ivoirien Ahmadou Kourouma appelait : « l’illusion des indépendances africaines ».

Les dernières salves de la jeunesse africaine à Montpellier face au Président Macron en disent long sur les récriminations des Africains face à la France.

Et la jeune Burkinabé, R. Eldaa Koama n’y est pas allé du dos de la cuillère : « si la relation entre les pays d’Afrique et la France était une marmite, sachez qu’elle est très sale, cette marmite. Elle est sale de reconnaissance légère, des exactions commises, elle est sale de corruption, de non transparence, de vocabulaire dévalorisant ; elle est sale Monsieur le Président. Je vous invite à la récurer ».

Avant de conclure sous des applaudissements nourris : « depuis soixante ans, l’aide au développement, ça ne marche pas ». Tout est dit.

Il y a le dossier du franc CFA qui oblige depuis quelques temps la France à se confronter aux accusations venues curieusement des sociétés civiles de l’Afrique de l’ouest relayées par la diaspora africaine en France.

Une grande partie des réserves d’opérations financières des quinze pays de la zone franc est détenue par le trésor français qui y prélève des taxes au détriment du développent des économies de la zone.

Aussi faut-il souligner que le franc CFA est une violation de la souveraineté des pays de la zone car il les empêche de conduire leur propre politique monétaire.

Et pourtant, la classe politique française, soutenue par le monde médiatique persiste de semer des ambigüités sur cette responsabilité.

Sinon, comment expliquer que les conflits portant sur les mémoires ressurgissent régulièrement en France métropolitaine ? Car le souvenir questionne encore et toujours les actes du présent et même la façon dont on appréhende et commémore le passé.

L’on sait ô combien ces périodes chargées d’émotions diffèrent en fonction des intérêts, des imaginaires, du prisme idéologique et du refoulement voire du déni et révèlent un conflit d’identité qui déchire la société française.

Et le discours populiste d’extrême droite n’est pas pour arranger les choses, bien au contraire. Par facilité autant que par lâcheté mais surtout par l’inculture, il menace de fracturer la société (si ce n’est pas fait) autant qu’il fantasme à travers des extrapolations racistes par ailleurs fausses.

Et cette France offre au monde comme presque candidat à la Magistrature Suprême, un multirécidiviste en « provocation à la haine raciale et injures raciales » ; condamné trois fois par la justice française.

Le champion du monde de football, Antoine Griezmann disait : « J’ai mal à ma France », il n’avait pas tort.

Il y a le contentieux des « tirailleurs Sénégalais » dont le rôle n’est pas reconnu à sa juste valeur. Quand on s’intéresse aux liens entre la France et l’Afrique, on ne peut passer à côté du rôle joué par les « tirailleurs » qui ont combattu pour libérer la France.

Apres la guerre, les pensions versées ont été une véritable source d’humiliation.

Pendant des décennies, des associations africaines et françaises se sont unies pour faire changer la donne sans succès. L’intervention musclée du Président Sénégalais Abdoulaye Wade n’y fera rien sinon pas grand-chose.

En 2006, grâce à la sortie du film « Indigènes » porté par le très médiatique et comique franco-marocain Jamel Debouzze, Chirac consent à recristalliser les pensions d’anciens combattants africains.

En 2011 enfin, elles sont réévaluées au niveau de celles des français. Mais tout ça, c’est sur le papier et le discours. Il n’y a pas d’arriérées et il n’en reste presque plus des anciens combattants ! C’est dire !

Le contentieux avec l’Algérie est ancien de plus de soixante ans et toujours d’actualité. Alors que la guerre d’indépendance était presque terminée (accord d’Evian du 18 mars 1962), à Paris, une manifestation pacifique des « Français musulmans d’Algérie » était réprimée dans le sang le 17 octobre 1961.

Et qui était préfet de police de l’époque ? Un certain Maurice Papon !

Il ordonna à la police de jeter des manifestants dans la Seine. Ce drame sera occulté et censuré pendant des dizaines d’années.

Aujourd’hui, les familles des victimes, les associations voire les historiens exigent la reconnaissance d’un « crime d’Etat et crime raciste ».

Que dire des conditions de départ et d’accueil des « pieds noirs » et des « harkis » en 1962. Une histoire qui reste encore à ce jour douloureuse et conflictuelle en France comme en Algérie.

Le 30 septembre 2021, Macron recevait « les petits enfants » de certaines familles des harkis. C’est dire.

Le rapport de l’historien Benjamin Sora remis au Président Macron sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » propose « d’ouvrir des passerelles sur ces sujets sensibles tout en favorisant la recherche, la reconnaissance et la transmission commune ».

En Afrique subsaharienne, il y a le dossier de l’assassinat le 5 octobre 1987 du jeune et panafricaniste Président du Faso, Thomas Sankara. Très populaire sur le continent.

Trente-quatre ans après, la blessure reste ouverte car un procès des assassins est en cours à Ouaga. Et l’ombre de la France plane sur cet épineux dossier.

De juin à octobre 1997 éclatait une « guerre civile » au Congo Brazza. Le 14 octobre 1997, le Président démocratiquement élu, Pr Pascal Lissouba prenait la fuite suite à la puissance de feu de la milice Cobra de Sassou Nguesso appuyée par les forces Angolaises et des mercenaires. La société pétrolière française Elf avait fourni armes et mercenaires à Sassou Nguesso.

Rappelant les avions siglés de la Croix Rouge qui livraient des munitions pour aider à détacher la région pétrolière au Nigeria : la guerre du Biafra.

Les diamants de Bokassa restent la marque indélébile lorsqu’on évoque la relation entre la France et la République Centrafricaine.

Ce pays riche en ressources naturelles mais exsangue et sous la coupe de la France. La relation se détériore de plus en plus au point ou en juin dernier Paris a décidé unilatéralement la suspension de sa coopération militaire et de geler certaines aides financières.

C’est la manifestation du mécontentement face à la présence de la Russie à Bangui. Moscou a reconnu officiellement la présence d’un millier d’instructeurs Russes et du Général Anvar Gallimouline en qualité de Conseiller du Ministre de la Défense.

Mais Paris fait la moue et affirme qu’une partie des hommes appartiennent au groupe privé Russe de sécurité Wagner. Et alors !

Tout ceci sur fond de soutien par Paris à la rébellion lancée par l’ancien Président Bozizé pour renverser l’actuel Faustin Archange Touadera protégé par Kigali et Moscou.

Décidemment la présence Russe sur le continent Africain irrite au plus haut point la France.

Le retrait de l’opération Barkane au Mali est un autre point de friction. A la tribune des Nations Unies, le Premier Ministre Malien a dénoncé « l’abandon » d’un pays en proie aux coups d’Etats et au terrorisme.

Et parce que la nature a horreur du vide, on annonce la présence de la société Russe Wagner. Et Paris accuse ouvertement ce groupe privé pourvoyeur des paramilitaires d’être le bras armé du Kremlin.

Quand on se souvient de ce qu’ont fait les forces françaises Licorne en Côte d’Ivoire contre le Président en exercice Laurent Gbagbo, la France a de quoi se mordre les doigts en Afrique.

Trainé à la Cour Pénal Internationale pendant dix ans pour enfin être acquitté. Il est de retour dans son pays depuis le 17 juin 2021. Quel gâchis !

Ali Bongo au Gabon a évincé les entreprises françaises au bénéfice des ceux du monde anglo-saxon pour construire les stades, les hôpitaux et les routes. Et demander l’adhésion de son pays au Commonwealth. Toute un symbole.

On ne peut passer sous silence la chute de Mouammar Kadhafi de la Libye. La presse spécialisée avait fait état des facteurs ayant entrainé l’intervention de la France en Libye.

Il s’agissait entre autre de faire main basse sur une partie du pétrole, des avoirs colossales à l’étranger et accroitre l’influence française en Afrique du Nord. Mais uniquement.

Il s’agissait d’empêcher une indépendance politique de l’Union Africaine dont Kadhafi était l’artisan et financier.

Le projet de la création de la Banque Centrale Africaine avec pour siège Abuja dont l’émission de la monnaie aurait signé.

Et Jean Ping, ancien Président de la Commission de l’Union Africaine lors de la crise Libyenne de dire : « l’occident a tout fait pour étouffer les voix Africaines opposées à une guerre en Libye…Nous devions nous rendre le 20 mars 2011 à Tripoli et le 21 à Benghazi. Les bombardements de l’OTAN ont commencé le 19 mars, la veille de notre arrivé ». Tout est là !

En mars 2018, l’ancien Président français Sarkozy était rattrapé par le dossier Libyen et mis en examen pour « corruption passive, recel de détournement de fonds publics (Libyens) et financement illégal de campagne électorale. Ceci explique probablement cela.

C’est à ces occasions non exhaustives qu’on découvre que les entités de pouvoir en France, la Présidence ou l’Elysée, le Ministère des Affaires Etrangères dit « Le Quai d’Orsay » et le Ministère de la Défense portent parfois des décisions d’Etat dans des directions divergentes.

D’où des choix stratégiques différents sur certains dossiers clés dont les ressorts sont parfois obscurs. Curieux non, qu’un aussi grand pays ait des lieux de décision éclatés !

Une enquête très sérieuse menée par Afrileads indique cette année que « l’image de la France en Afrique est très dégradée ».

Et Etienne Giros, Président Délégué du conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN) ne cache pas son amertume. Ce sera insuffisant pour inverser la tendance.

La France habituée au « partenariat privilégié » avec les pays Africains doit désormais s’interroger sur les causes réelles de son décrochage en Afrique et composer avec la poussée des nouveaux acteurs sur le continent que sont entre autres la Russie, du géant Chinois, les pays du Golf Arabo- Persique et même la Turquie.

La balle est dans le camp français mais ses acteurs et sa politique intérieure ne jouent pas en sa faveur.

Antoine Glaser, journaliste et fondateur du journal « La lettre du continent » dit : « il faut bien être un français trop sûr de son héritage postcolonial pour croire que les horloges africaines sont encore réglées sur celles de Paris ».

Ce fin connaisseur des ruelles du village franco-africain qu’il arpente depuis des décennies sait de quoi il parle. Il n’a de cesse de soulever l’inertie intellectuelle d’un système promis en permanence à l’aggiornamento mais qui dans les faits perdure au prix d’un jeu de niches qui vont en peau de chagrin.

Sommet Afrique France à Montpellier. Macron avec les sociétés civiles Africaines
Les recrimminations de la jeunesse Africaine face a face avec President Macron

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