Le rendez-vous du Rwanda et la RDC à Washington DC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 2 décembre 2025 à 02:53

Washington s’apprête à accueillir, le 4 décembre prochain, un moment diplomatique d’une rare solennité : la signature officielle de l’accord de paix entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, sous l’égide du président américain Donald Trump.

La porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, a confirmé que les présidents Kagame et Félix Tshisekedi seront reçus au cœur du pouvoir américain pour entériner un texte dont les dernières négociations, menées fin juin, avaient été largement facilitées par l’administration américaine.

La capitale fédérale verra affluer un aréopage de dirigeants africains, parmi lesquels les présidents William Ruto du Kenya et Évariste Ndayishimiye du Burundi déjà annoncés, rejoints vraisemblablement par d’autres chefs d’État invités à rehausser la portée symbolique de cet événement.

L’accord, présenté par Washington comme une avancée « majeure » vers la stabilisation d’une région meurtrie par des décennies de violences, ambitionne de désamorcer les tensions structurelles entre Kinshasa et Kigali, au cœur d’une crise sécuritaire persistante dans l’est de la RDC.

Si, par un sursaut de responsabilité longtemps différé, le gouvernement congolais consentait à rompre enfin le cordon ombilical qui le relie, de manière désormais difficilement contestable, aux FDLR, la donne sécuritaire pourrait connaître une inflexion décisive.

Il importe de rappeler que les FDLR ne sont pas une simple milice parmi d’autres : elles figurent, depuis de nombreuses années, sur les listes onusiennes comme groupe génocidaire et organisation terroriste, en raison de leur filiation directe avec les auteurs du génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda en 1994.

Leur présence dans l’Est de la RDC constitue, à ce titre, non seulement une menace régionale persistante, mais également une anomalie historique dont les conséquences humaines et politiques n’ont cessé de se déployer sur plusieurs générations.

Si Kinshasa assumait enfin, sans équivoque ni faux-semblants, l’impératif de neutralisation effective de cette organisation, les perspectives de stabilisation durable s’en trouveraient profondément transformées.

Un tel engagement marquerait une rupture nette avec des décennies d’ambiguïtés, de complaisances tacites et de connivences silencieuses qui ont empoisonné tout effort de pacification dans la région des Grands Lacs.

En éradiquant ce foyer génocidaire et terroriste, dont l’idéologie meurtrière continue d’irriguer les violences à l’est du Congo, un horizon nouveau pourrait s’ouvrir, où la sécurité ne reposerait plus sur des équilibres précaires, mais sur un choix souverain de lucidité politique et de responsabilité étatique.

Une signature prometteuse mais entachée d’un scepticisme récurrent

Toutefois, cette dynamique prometteuse se heurte à une réserve fondamentale, presque structurelle, qui s’impose avec la force de l’évidence : le Président Félix Tshisekedi s’est illustré, depuis son accession au pouvoir, par une constance paradoxale, celle de multiplier les signatures solennelles qu’il ne respecte que rarement, voire jamais.

Cette propension, quasi pavlovienne, à ratifier avec une célérité désarmante des engagements qu’il s’abstient ensuite d’honorer, a progressivement sapé la crédibilité internationale de la RDC.

Chaque signature non suivie d’effets tangibles, chaque promesse reléguée aux oubliettes de l’action publique, affaiblit davantage la position de Kinshasa dans l’échiquier diplomatique. Les partenaires étrangers, pourtant désireux d’accompagner un pays aux potentialités immenses, se voient contraints d’adopter une prudence circonspecte, tant les assurances congolaises se sont révélées, au fil des années, aussi fluctuantes que fragiles.

Cette volatilité dans l’exécution des engagements soulève, chez les chancelleries comme chez les organisations internationales, une interrogation lancinante : sur quoi, désormais, peut-on réellement compter ?

Parallèlement, au sein de l’opinion publique congolaise, cette succession de signatures spectaculaires mais dénuées de traduction concrète alimente un désenchantement profond. Le contraste entre les grandes proclamations diplomatiques et l’absence d’améliorations perceptibles dans la vie nationale nourrit une lassitude collective, teintée parfois d’une forme de scepticisme quasi fataliste.

L’État apparaît, aux yeux de nombreux citoyens, comme un acteur prompt aux effets d’annonce mais étrangement défaillant lorsqu’il s’agit de matérialiser les engagements pris au nom de la nation. Une telle dissonance entre parole et action mine la confiance civique et contribue à l’érosion d’un capital politique déjà fragile, au moment même où le pays aurait besoin d’une cohésion renouvelée pour affronter ses défis les plus pressants.

Dans ce contexte, l’accord de Washington, aussi ambitieux soit-il, ne pourra produire les effets escomptés que si Kinshasa rompt avec cette tradition de désinvolture institutionnelle et assume pleinement les obligations qui s’y attachent.

Autrement, la grand-messe diplomatique du 4 décembre risque de n’être qu’un cérémonial de plus, riche en symboles mais pauvre en substance, incapacité chronique qui a longtemps hypothéqué la place de la RDC dans les équilibres régionaux.

Le président Trump avait reçu en juin 2025 les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la RDC

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