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Mariage à 18 ans et divorces facilités : la nouvelle loi fait polémique chez les députés

Redigé par Franck_Espoir Ndizeye
Le 20 mars 2024 à 12:25

Les parlementaires ont exprimé leurs préoccupations concernant l’assouplissement des conditions de divorce par la loi, redoutant une hausse précipitée des divorces, alors même que la famille constitue une pierre angulaire de notre société.

Le projet de loi sur les personnes et la famille, présenté à l’Assemblée nationale lundi 18 mars 2024, propose des modifications en réponse aux défis manifestes de la société rwandaise, tels que les procédures de divorce prolongées, durant lesquelles l’un des conjoints peut continuer à subir des abus, au point que le conflit puisse s’aggraver jusqu’à devenir mortel.

Une des mesures clés de cette loi réside dans l’abolition du long processus de conciliation judiciaire pour les couples souhaitant se séparer. Si une conciliation familiale échoue et que le couple opte pour le tribunal, ce dernier sera tenu de prononcer leur divorce.

Ce texte législatif a suscité de vifs débats parmi les législateurs, alarmés par une récente augmentation des divorces, une tendance qui, selon eux, pourrait s’intensifier, voire doubler.

La députée Muhongayire Christine a souligné : "Il est évident que la réduction de la durée des procédures de conciliation facilitera les démarches de divorce. Désormais, ceux qui ne trouvent plus d’entente avec leur partenaire pourront plus aisément entamer une procédure judiciaire pour obtenir le divorce. Il est impératif de reconsidérer ces dispositions afin de s’assurer que toute incohérence soit clairement identifiée et adressée par la loi."

Le député Ntezimana Jean Claude a quant à lui observé : "Les statistiques des années antérieures montrent une croissance rapide des divorces. Un processus de séparation complexe et long dissuade les couples de se séparer, la durée de la procédure incitant à la réflexion. Bien que malheureux, certains peuvent décider de renoncer à la séparation, considérant le temps requis pour sa finalisation."

Malgré les arguments favorisant le maintien d’un délai de conciliation, la députée Uwineza Beline a défendu les modifications, arguant qu’elles éviteraient aux individus confrontés à des difficultés d’attendre inutilement durant le processus de divorce.

Elle a déclaré : "Je salue les changements apportés, notamment l’élimination des délais prolongés de conciliation judiciaire, qui, trop souvent, ajoutent aux problèmes des couples déjà en difficulté et souhaitant divorcer."

Les désaccords entre partenaires ne constituent pas nécessairement des motifs évidents de divorce

Plusieurs députés ont relevé que le simple fait d’évoquer des désaccords ne devrait pas suffire pour qu’un juge accorde un divorce. La députée Nyirahirwa Veneranda a exprimé son incompréhension face à la nature des désaccords pouvant conduire un couple devant le tribunal pour demander la séparation.

Elle a questionné : « Quels peuvent être les désaccords si fondamentaux entre les conjoints pour justifier un divorce, alors qu’ils ont jusqu’alors vécu ensemble en se complétant, malgré leurs différences de comportement ? »

De son côté, la députée Mbakeshimana Chantal a insisté sur la nécessité de prouver les incohérences invoquées comme motifs de divorce, soulignant la diversité des points de discorde possibles, tels que les différences religieuses, parmi d’autres.

Elle a exprimé son inquiétude face à la loi en déclarant : « Lorsque j’ai pris connaissance de cette loi, j’ai été profondément préoccupée, désireuse de comprendre les désaccords spécifiques incapables d’être surmontés par les couples au point de justifier une séparation ».

Le rapport de la justice au Rwanda pour l’année 2022/2023 indique que les tribunaux rwandais ont enregistré 3 075 divorces définitifs concernant des mariages légalement reconnus. En comparaison, en 2019, selon le rapport de l’Institut National de la Statistique du Rwanda (INSR), 8 941 familles ont obtenu le droit de divorcer par décision judiciaire, tandis que l’année 2020 a vu 3 213 nouvelles requêtes de divorce déposées.

Les conditions permettant le mariage des personnes âgées de 18 ans ont fait l’objet de discussions

En règle générale, la législation rwandaise exige qu’un individu souhaitant se marier ait atteint l’âge de 21 ans ou ait terminé ses études secondaires. Toutefois, des cas où des jeunes âgés de 18 à 20 ans vivent en couple sans être mariés légalement ont été signalés, suggérant que l’exigence d’âge pour le mariage pose problème pour certains.

Le projet de loi sur les personnes et la famille propose qu’un individu de 18 ans désirant se marier puisse le faire sous réserve de motifs jugés valables par l’autorité locale en charge des droits civils.

La députée Mukayijore Suzanne a insisté sur la nécessité que ces motifs soient explicitement définis dans la législation pour éviter toute interprétation arbitraire par les juges à l’avenir.

Elle a souligné : « Il est crucial que ces motifs soient précisément identifiés et inscrits dans la loi, afin qu’un juge ne puisse pas, demain, accuser quelqu’un de prendre la responsabilité d’un mineur de 18 ans sur la base de critères non spécifiés, laissant ainsi la porte ouverte à l’arbitraire. »

Nirere Marie Therese a exprimé des réserves quant à la maturité des jeunes de 18 ans, en particulier concernant leur préparation à la parentalité et aux responsabilités qu’elle implique.

Elle a fait valoir : « Bien qu’une personne de 18 ans soit légalement en âge de consentir à des relations sexuelles, la perspective de devenir parent et d’élever un enfant reste un défi majeur. Il est essentiel que les jeunes aient le temps de se préparer à cette responsabilité, de 18 à 21 ans, pour acquérir les compétences parentales nécessaires. Autoriser le mariage à 18 ans devrait donc reposer sur des motifs extrêmement sérieux, considérés comme irréfutables, pour justifier une telle décision dès la sortie de l’adolescence. »

Certains soutiennent l’autorisation du mariage dès 18 ans

Le député Muhakwa Valens a soulevé une réflexion sur l’âge légal pour le consentement sexuel et le mariage, en mentionnant que si le seuil de l’âge légal pour avoir des relations sexuelles est fixé à 18 ans, cela devrait naturellement s’étendre à la capacité de se marier.

Il a exprimé ses réserves en déclarant : « En admettant qu’un individu de 18 ans est apte à consentir à des relations sexuelles, je ne suis cependant pas convaincu que le mariage doive découler uniquement de la volonté d’avoir des relations sexuelles. Je pense que cette base devrait être suffisante pour se marier plutôt que de supprimer ces critères pour permettre aux jeunes de 18 ans de se marier. »

De son côté, la ministre de la Promotion du genre et de la famille, Dr Uwamariya Valentine, a souligné qu’il existe diverses raisons pour lesquelles des personnes peuvent souhaiter se marier à l’âge de 18 ans. Elle a fait remarquer que, même si l’identification précise de ces motifs incombe à la commission parlementaire permanente compétente, il y a eu des cas de jeunes de 18 ans cherchant à légaliser leur union en raison de circonstances spécifiques telles qu’une grossesse ou des nécessités professionnelles imposant le mariage.

Elle a ajouté : « Nous avons observé des situations où certaines personnes se sont vues refuser des opportunités d’emploi et ont manqué des responsabilités importantes du fait qu’elles n’étaient pas mariées. »

Dr Uwamariya Valentine, ministre de la Promotion du genre et de la famille, a souligné qu'il existe diverses raisons pour lesquelles des personnes peuvent souhaiter se marier à l'âge de 18 ans

La valorisation du travail domestique a créé des divergences au sein du Parlement

Pour la première fois dans la législation rwandaise, la contribution non monétaire d’un conjoint à travers le travail domestique sera reconnue et valorisée dans le cadre d’un divorce. Cette réforme prévoit que les tâches ménagères telles que la cuisine et la lessive, traditionnellement non rémunérées, seront désormais quantifiées et incluses dans le partage des biens, représentant entre 10% et 39% du revenu total du foyer. Le juge sera chargé de déterminer la part exacte revenant à la personne ayant accompli ces travaux.

Mukabalisa Germaine a critiqué la fourchette de valorisation proposée, la jugeant insuffisante au regard de l’ampleur du travail domestique effectué par les femmes rwandaises. Elle a illustré ses propos en comparant le quotidien d’une femme rwandaisede la campagne, qui se lève à l’aube pour aller travailler aux champs avec son enfant sur le dos, à celui d’une femme en Norvège bénéficiant d’appareils électroménagers modernes. Pour elle, considérer que le travail domestique intense et multitâche réalisé au Rwanda vaut seulement 10% du revenu familial revient à méconnaître la réalité.

Elle a souligné : « Prétendre que toutes ces tâches accomplies depuis l’aube valent 10% reviendrait à ignorer la réalité... Il est essentiel de reconnaître à sa juste valeur le travail des femmes, notamment celles vivant en milieu rural, sous peine de sous-évaluer l’effort que nous cherchons à valoriser. »

La députée Mukayijore Suzanne a également soulevé une préoccupation importante : il pourrait arriver que le crédit pour le travail domestique non rémunéré soit attribué à tort à un des conjoints alors que ce travail a été réalisé par des employés domestiques. Elle a donc appelé à une attention particulière sur cette question pour assurer une équité dans le processus de valorisation et de répartition.

La tenue du drapeau lors du serment de mariage civil sera supprimée

Les parlementaires ont mis en avant que le fait de prêter serment en tenant le drapeau national stimule un respect accru du serment et renforce la réticence à le violer. Cependant, le député Munyangeyo Théogène a exprimé une opinion différente, soulignant la diversité des préférences pour les symboles de serment, incluant la Bible et d’autres objets, tout en rappelant que l’essence réside dans la sincérité de la parole et de l’intention.

Il a précisé : « Concernant la question des serments, il est à noter que nous avons été confrontés à des individus exprimant des souhaits variés, certains préférant la Bible, d’autres le drapeau, et ainsi de suite. Toutefois, l’important demeure dans la vérité des mots et la pureté du cœur. »

Le projet de loi a recueilli une large approbation parlementaire, avec 59 votes favorables, un vote contre, et une abstention. Il sera désormais soumis à une commission pour révision et amélioration, avant d’être de nouveau présenté à l’Assemblée Nationale pour un vote final.

Lors de l’adoption de ce projet de loi, il est spécifié que seule l’autorité locale responsable des droits civils dans le secteur sera tenue de porter le drapeau, tandis que les citoyens prêtant serment devront simplement lever la main droite.


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