Cette initiative s’inscrit dans le cadre des efforts visant à combattre les grossesses non désirées chez les adolescentes. Des statistiques issues de diverses organisations révèlent que 92 % des adolescentes concernées par des grossesses non désirées ont entre 15 et 18 ans.
Pour répondre à ce problème, un projet de loi a été élaboré pour permettre aux jeunes de cette catégorie d’âge d’accéder aux services de planification familiale. Toutefois, le Parlement a rejeté ce projet en 2022. Le phénomène des grossesses non désirées chez les adolescentes demeure préoccupant : en 2017, on a recensé 17 331 de grossesses non désirées chez les adolescentes, un chiffre qui a augmenté significativement pour atteindre 23 622 en 2019, avant de s’établir à 18 000 en 2020 et à 23 000 en 2021.
À cet égard, le ministère du Genre et de la Promotion de la Famille (MIGEPROF) a signalé qu’entre juillet et décembre 2022, 13 000 jeunes filles de moins de 19 ans ont connu une grossesse prématurée au Rwanda. Le Dr Utumatwishima a souligné que dans certains pays, les jeunes de 15 ans ont accès à la planification familiale, une approche qui pourrait être efficace également au Rwanda pour résoudre de manière durable le problème des grossesses non désirées.
Dans une interview exclusive avec IGIHE, le ministre Dr Utumatwishima a exprimé sa déception face au rejet du projet de loi autorisant la planification familiale pour les adolescents de 15 ans et plus. Depuis ce rejet, le nombre d’adolescentes enceintes a continué d’augmenter, exacerbant les conséquences de cette situation.
« Lorsque le Président de la République invite au dialogue sur des propositions de solutions, il accorde de l’espace et du temps pour en discuter. Cependant, certains estiment que ce n’est pas approprié », a-t-il déclaré.
« Il a également proposé de mettre en œuvre des principes de prière et d’enseigner la maîtrise de soi pour voir si cela pourrait réduire les chiffres. »
Le Dr Utumatwishima estime qu’il est crucial d’analyser le discours du chef de l’État sous tous les angles.
« Des personnes ont présenté un projet de loi au Parlement pour modifier la législation existante, malheureusement, il n’a pas été adopté. Le président a questionné : ’Ne risquons-nous pas d’inciter les jeunes ?’ », a-t-il ajouté.
« Ensuite, le président a suggéré d’essayer les méthodes prônées par les opposants au projet de loi, telles que l’enseignement des valeurs culturelles et religieuses, l’amour de Dieu, la maîtrise de soi et l’abstinence. Il leur a donné quatre ans pour cela. Depuis, les grossesses chez les adolescentes n’ont fait qu’augmenter, ce qui montre l’inefficacité de ces approches. »
Les limites de la maîtrise de soi dans la lutte contre le SIDA
Dr. Utumatwishima explique que, durant la propagation de l’épidémie du SIDA, les campagnes se concentraient sur l’abstinence, la fidélité et l’usage des préservatifs. Toutefois, ces derniers étaient souvent rejetés, et ces approches se sont avérées insatisfaisantes.
« Autrefois, en abordant l’épidémie du SIDA, nous prônions la maîtrise de soi, l’abstinence, la fidélité et la loyauté. Cependant, lorsque le sujet des préservatifs était évoqué, il y avait un rejet catégorique. Nous soulignions que l’abstinence et la fidélité, prises isolément, n’étaient pas suffisantes. Aujourd’hui, les gens semblent avoir oublié le rôle des préservatifs. Nous avons ajouté que si vous suspectez que votre partenaire sexuel est infecté, vous pouvez vous rendre dans un centre de santé où des pilules, prises dans les 72 heures, peuvent prévenir la contamination par le SIDA. L’usage de ces médicaments préventifs a été intensifié », déclare-t-il.
Il souligne que, dans le domaine de la santé, tout commence par l’éducation morale et l’apprentissage de la maîtrise de soi, bien que souvent cela s’avère insuffisant.
Le Dr Ntihabose Corneille, évoquant une approche différente, affirme : « Dans la pratique courante, le recours uniquement au Behavioral Intervention Programming ne suffit pas à résoudre les problèmes de la vie. Les scientifiques ont montré qu’une combinaison de stratégies cognitivo-comportementales et l’utilisation de médicaments préventifs s’avère plus efficace. Cette méthode, appelée « Behavioral and Biomedical Combination Strategies », a contribué à réduire l’impact de l’épidémie de SIDA. »
Début précoce de l’activité sexuelle chez les jeunes
Une étude réalisée par Rebecca Hémono en 2023 auprès de 6 079 enfants rwandais âgés de 12 à 19 ans a révélé qu’à l’âge de 15 ans, 28 % d’entre eux avaient déjà commencé à avoir des relations sexuelles. De façon plus préoccupante, 51 % avaient eu des rapports sexuels avant l’âge de 12 ans et 75 % avant l’âge de 15 ans. Parallèlement, la 6ème enquête sur la santé et le bien-être de la population indique que de nombreuses jeunes femmes, âgées de 15 à 19 ans, ont subi un avortement, sont enceintes ou ont déjà accouché.
La majorité de ces jeunes proviennent de zones rurales et n’ont fréquenté que l’école primaire ou secondaire. L’étude montre également que 4,5 % des filles et 10,1 % des garçons ont eu des relations sexuelles avant l’âge de 15 ans, certains ayant même eu des enfants à cet âge.
Le ministre Dr Utumatwishima a commenté : « Quand nous encourageons l’usage de contraceptifs, il ne s’agit pas de pousser un enfant de 15 ans à se précipiter pour les obtenir. Si un jeune a la maturité pour éviter des comportements inappropriés, pourquoi aurait-il besoin de contraceptifs ? »
« Mais il est important de donner l’opportunité à un jeune, ou même à son partenaire, de dire : ’Laissons-moi prendre ces mesures préventives, allons quelque part au marché ou au kiosque pour les obtenir, afin d’éviter une grossesse non désirée.’ »
Maturité à l’âge de 15 ans : perspectives du ministre
Selon la loi rwandaise, un enfant est défini comme toute personne de moins de 18 ans. Cependant, le ministre Dr Utumatwishima note une distinction dans le domaine médical où, à 15 ans, un individu n’est plus traité en pédiatrie mais comme un adulte.
« Les jeunes de 15 ans, pour qui nous plaidons, ne sont plus soignés en pédiatrie. Dans le domaine de la santé, ils sont traités comme des adultes », déclare-t-il.
Il poursuit : « En tant que responsable de la jeunesse, je suis confronté aux difficultés des jeunes ayant fait des enfants prématurément. Ils vivent encore chez leurs parents, ont souvent abandonné l’école, et manquent de perspective, tout en étant responsables de leurs propres enfants à cause de grossesses non désirées. C’est la raison pour laquelle j’exprime mon opinion sur ce problème. Nous devons évaluer les mesures prises lors des discussions sur les politiques rwandaises des quatre dernières années, sous la demande du Président de la République. »
Selon un sondage réalisé sur les réseaux sociaux, 52 % des 6 529 participants sont favorables à ce que les jeunes de 15 ans aient accès à la contraception, tandis que 48 % y sont opposés.
« Ces chiffres montrent que l’opinion publique est partagée, mais aussi l’importance de cette question, surtout parmi les jeunes. C’est le moment pour nous, leaders à l’Assemblée et responsables de ces questions, de prendre soin des jeunes et de leur offrir l’opportunité de choisir pour leur avenir », affirme-t-il.
Le Dr Ntihabose ajoute : « Réduire l’incidence des grossesses chez les adolescentes et les effets secondaires de la grossesse est crucial. Abaisser l’âge du consentement pour l’accès au planning familial est une étape importante dans cette lutte. »
Habituellement, un mineur doit être accompagné d’un parent ou tuteur pour recevoir la pilule contraceptive.
Le ministre Dr Utumatwishima explique : « Si nous jugeons nécessaire que les jeunes aient le droit de choisir de bénéficier d’un service complet de planification familiale, qui inclut éducation, sensibilisation aux risques et encouragement à la maîtrise de soi, ils auront également l’opportunité de prendre des contraceptifs. En cas de violence sexuelle, la victime mineure pourra prendre des contraceptifs d’urgence et ensuite porter plainte. »
Il conclut : « Notre objectif est d’enseigner aux jeunes filles à se protéger en cas de violence sexuelle, en prenant immédiatement des mesures contraceptives d’urgence et en portant plainte auprès des autorités compétentes. Il est essentiel de maintenir cette loi pour protéger les mineurs. »
Les défis de la grossesse chez les mineures
Le ministre Dr Utumatwishima, fort de son expérience en tant que médecin dans divers hôpitaux, a souligné les difficultés inhérentes au suivi des grossesses chez les jeunes filles, notamment celles âgées de 16 ans. Selon lui, gérer une grossesse à cet âge est extrêmement complexe en raison de la petite taille de l’utérus de l’adolescente.
« Il n’y a rien de plus complexe pour un médecin que de suivre une grossesse chez une jeune fille de 16 ans. Les défis sont nombreux : l’utérus est petit, gonflé, dilaté, et peut présenter un prolapsus. Beaucoup ignorent les complications que cela implique », explique-t-il.
Il poursuit : « Dans le domaine médical, nous sommes confrontés à ces réalités. Ceux qui ont rejeté cette approche il y a quatre ans doivent en prendre conscience. Nous, qui sommes favorables à une meilleure prise en charge, devons observer l’évolution de la situation au cours des quatre prochaines années et comparer les résultats. »
Le ministre encourage les jeunes à s’informer et à réfléchir sur ce sujet. Il les invite à se rendre dans les centres accueillant des jeunes filles qui ont été enceintées prématurément, notamment dans la province de l’Est, pour mieux comprendre leur situation et engager le dialogue.
Enfin, il appelle la population à ne pas se laisser guider uniquement par des émotions liées à la culture et aux croyances, mais à adopter une attitude pragmatique et bienveillante. Il souligne l’importance de baser les réactions et les actions sur des informations factuelles et sur une compréhension approfondie de la situation des jeunes filles enceintes.
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