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Soudan : La guerre des généraux pour le contrôle et le réveil des régions marginalisées

Redigé par Jean Jill Mazuru
Le 17 mai 2023 à 10:14

Dans les coulisses du Soudan, une bataille sanglante oppose deux généraux, mettant en lumière le clivage entre les populations qui, historiquement, monopolisent le pouvoir et les ressources et les composantes les plus marginalisées de cet échiquier ethnique, selon des spécialistes.

D’un côté, le Général Abdel Fattah al-Burhane, soldat de carrière terne, natif du nord de Khartoum. De l’autre, le Général Mohamed Hamdane Daglo, commandant haut en couleur des Forces de Soutien Rapide (RSF), apparu en tant que chef de la milice Janjaweed au Darfour, situé à la frontière occidentale du Tchad. Ce dernier est raillé dans la capitale pour son accent provincial.

La société politique soudanaise est centrée sur la vallée du Nil.

Cette guerre est également le fruit du bouleversement économique et social que connaît le Soudan, que les gouvernements de Khartoum ont ignoré, compte tenu de la dichotomie entre la vallée du Nil, où se trouve Khartoum, dit le « Soudan utile » et où est parlé l’Anglais, et le reste du pays.

Mais aujourd’hui, ce sont ces régions périphériques qui regorgent de potentiel, référence faite notamment aux mines d’or du Darfour, grâce auxquelles le Général Daglo, surnommé "Hemedti", a bâti un empire économique et commercial.

Enrichies par ces trésors, les RSF ne sont plus une milice de fortune mais une force de combat efficace et bien entraînée, capable de rivaliser avec l’armée soudanaise sur le plan militaire et représentant désormais une menace pour ses ambitions politiques et économiques, résume le centre de recherche Rift Valley Institute, basé au Soudan, dans une note publiée le lundi 15 mai 2023.

Le conflit actuel constitue une lutte entre l’élite militaro-politique établie au centre du pays et une élite militarisée émergente du Darfour pour le contrôle de l’État et une nouvelle phase de la lutte entre le centre et la périphérie", constatent les experts de la région.

"Il y a beaucoup de lignes de faille" entre les deux camps, note Kholood Khair, fondatrice du think tank Confluence Advisory basé à Khartoum. "Hemedti est ainsi décrit comme un intrus du Darfour dans un Khartoum plus cosmopolite."

Avant le conflit, les FSR ont réussi à faire passer le message qu’elles se battaient pour la démocratie et au nom de toutes les populations marginalisées du Soudan". On évoque aussi le recrutement massif par "Hemedti, l’un des meilleurs employeurs du pays" grâce à sa fortune, dans des régions "historiquement marginalisées par Khartoum".

"Une fois la guerre déclarée, ce discours est devenu plus difficile à tenir car ses troupes sont beaucoup moins disciplinées que l’armée", dit Kholood Khair.

"Elles ne suivent pas toujours les ordres et ont créé beaucoup de problèmes pour les habitants de Khartoum", où les histoires d’occupations de logements, de pillages et d’autres abus se multiplient.

Dans ce pays profondément métissé, à la confluence des mouvements de population et marqué jusqu’à récemment par des siècles d’esclavage, le pouvoir central a longtemps exploité les inégalités liées à la pigmentation de la peau des habitants de la périphérie, notamment du Sud qui a fait sécession en 2011, pour diviser et conquérir.

"Jusqu’à présent, les Soudanais ont une palette de couleurs de peau qui va du rouge et du marron au vert et au jaune, jusqu’au bleu, les populations méridionales les plus sombres, encore couramment appelées abid, c’est-à-dire esclaves", rappelle Alex de Waal, spécialiste du Soudan, dans la London Review of Books.

Cependant, ce critère semble avoir peu d’importance dans le conflit actuel, selon les experts, bien moins que la solidarité et les affiliations tribales sur lesquelles se forment les nombreuses milices présentes dans tout le pays, un facteur dont l’importance risque de s’accroître au fil des combats prolongés.

"Au fur et à mesure de leurs pertes, les deux camps devront recruter de nouvelles troupes", prédit Kholood Khair. "Et la meilleure façon de recruter au Soudan est historiquement de le faire par allégeance ethnique," selon une analyse le think tank Confluence Advisory.

C’est ainsi que le Soudan, pays autrefois marqué par des siècles d’esclavage et de divisions ethniques, se trouve à présent à la croisée des chemins. Dans cette lutte pour le contrôle, les régions périphériques émergent comme des acteurs de poids, potentiellement capables de redéfinir le paysage politique et économique du pays.

Tandis que le conflit se poursuit, une question demeure : le Soudan parviendra-t-il à dépasser son passé, à transcender ses divisions historiques et à s’unir pour forger une nation plus équilibrée et inclusive ? N’ayant le pouvoir de lire dans la boule de cristal, je laisse à l’avenir le fin mot de la fin de cette histoire Soudanaise sanglante.

Le général Abdel Fattah al-Burhane(assis au milieu sur la photo avec un béret vert) et le général Mohamed Hamdane Daglo dit Hemedti avec une casquette militaire à visière(ici à gauche sur la photo,) lorsqu'ils filaient encore le parfait amour ; photo prise à Khartoum le 05 décembre 2022 lors d'une cérémonie

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