Tshisekedi face à l’épreuve du réel

Redigé par Tite Gatabazi
Le 9 juin 2025 à 10:20

Alors que la coalition hétéroclite qui soutenait Félix Tshisekedi s’est effondrée sous le poids de ses propres contradictions et que son gouvernement s’enlise dans des négociations délicates, à la fois à Doha et à Washington, censées ouvrir la voie à une sortie de crise pérenne, le président congolais fait montre d’une inquiétante mauvaise foi doublée d’un manque flagrant de volonté politique. Loin d’incarner le leadership éclairé qu’exigerait la conjoncture, il s’érige désormais en facteur aggravant de la crise, en verrou central d’un conflit dont il refuse d’admettre les ressorts profonds.

Il est un principe élémentaire dans tout processus de résolution des conflits : la sincérité des parties. Or, que peut-on espérer d’un protagoniste qui, de manière ostensible, multiplie les manœuvres dilatoires, entrave les efforts de médiation et affiche, par ses actes, une volonté manifeste de torpiller les dynamiques de paix ?

Il devient dès lors impossible d’envisager une quelconque avancée tant que persiste une telle posture de duplicité. L’hypocrisie diplomatique dont fait preuve Kinshasa, notamment au sein de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), en s’acharnant à remettre en cause les droits souverains et reconnus du Rwanda, franchit le seuil de l’acceptable et s’apparente à une dérive institutionnelle gravissime.

L’annonce, le 8 juin, par les autorités rwandaises de leur retrait de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC) s’inscrit dans un climat de crispation diplomatique croissante entre Kigali et Kinshasa. Cette décision, à la fois symbolique et lourde de conséquences, intervient à un moment où les initiatives régionales et internationales visant à désamorcer la crise sécuritaire qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo s’enlisent dans l’impasse.

Dans le cadre du processus diplomatique amorcé à Washington, un projet d’accord révisé, conçu pour intégrer les revendications respectives de Kinshasa et de Kigali, demeure à l’étude, sans pour autant susciter de dynamique vertueuse.

Parallèlement, à Doha, où se tiennent depuis plus d’un mois les pourparlers entre le gouvernement congolais et les représentants de l’AFC/M23, sous l’égide d’une médiation qatarie, l’absence de progrès tangibles témoigne d’un blocage profond. Après trente-deux jours d’échanges infructueux, la délégation du mouvement rebelle a quitté les négociations pour regagner Goma, dénonçant l’intransigeance systématique de la partie gouvernementale et sa mauvaise foi manifeste.

L’attitude inflexible et foncièrement obstructionniste adoptée par Kinshasa ne cesse de compromettre les fragiles perspectives d’un règlement négocié du conflit qui ensanglante l’Est de la République. Loin de créer les conditions d’une sortie de crise concertée, cette posture rigide ne fait qu’exacerber les antagonismes et accroître les périls d’un embrasement durable.

L’embrigadement opportuniste de figures politiques naguère adversaires, tel Martin Fayulu, désormais enrôlé sous la bannière démagogique et clivante d’un prétendu « camp de la patrie », ne fait que renforcer la logique pernicieuse du « nous contre eux » un manichéisme qui ruine tout espoir de cohésion nationale. Ni les médiations bienveillantes de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO), ni les appels au dépassement de soi lancés par diverses forces vives de la nation ne sauraient porter leurs fruits tant que le chef de l’État persiste à s’arc-bouter dans le déni, l’ambiguïté stratégique et une mauvaise foi érigée en méthode de gouvernement.

Cette dérive autoritaire, sourde aux signaux du réel, enferme le pouvoir congolais dans une impasse morale et diplomatique dont les conséquences risquent d’être irréversibles pour la stabilité de la région.

La décision du Rwanda de se retirer de cette organisation, en réaction à des agissements qui relèvent davantage de l’animosité que du droit, jette une lumière crue sur les petitesses et les mesquineries qui gangrènent certains cercles décisionnels de la sous-région.

Ce retrait n’est pas un acte de faiblesse, mais une mise en évidence cinglante de la perte de crédibilité d’une institution qui, en tolérant de telles dérives, se prive de son autorité morale.

Mais au final, le principal perdant dans cette entreprise d’aveuglement et d’hostilité stérile n’est autre que Félix Tshisekedi lui-même, ainsi que le régime qu’il incarne. En refusant de lire les signes du temps, en s’entêtant à nier les réalités géopolitiques et en se repliant sur une logique de victimisation et de désignation unilatérale de bouc émissaire destiné a masquer ses propres échecs, le pouvoir congolais se condamne à l’isolement, à la perte d’influence et, à terme, à l’échec. Il ne suffit pas de clamer la souveraineté pour qu’elle s’impose : encore faut-il en être digne, par l’intégrité de l’action et l’ouverture au dialogue.

Le président congolais fait montre d’une inquiétante mauvaise foi doublée d’un manque flagrant de volonté politique

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