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Tshisekedi va à Canossa

Redigé par Tite Gatabazi
Le 12 mars 2025 à 12:20

Des négociations directes entre la RDC et l’AFC/M23, c’est ce qu’annonce l’Angola qui « établira des contacts avec l’AFC/M23, afin que les délégations de la RDC et de l’AFC/ M23 puissent mener des négociations directes à Luanda dans les prochains jours, en vue de négocier la paix définitive dans ce pays frère ». Tel est le contenu du communiqué de la présidence angolaise à l’issue de la courte visite du président congolais Felix Tshisekedi à Luanda.

Une situation militaire désastreuse : l’échec d’une vaine bravade

Longtemps, le discours officiel de Kinshasa s’est articulé autour d’une rhétorique belliqueuse, mêlant déterminisme et rodomontades martiales. Pourtant, la réalité du terrain dément cruellement ces incantations guerrières. Les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), minées par des carences logistiques, une stratégie erratique et des dissensions internes, se sont révélées incapables de contenir l’avancée inexorable de l’AFC/M23.

Ce dernier, aguerri et doté d’une discipline à toute épreuve mais discrète et surtout déterminante, a su imposer sa domination sur des pans entiers du territoire national, infligeant à l’armée congolaise une succession d’humiliations militaires.

Dans un dernier sursaut, Kinshasa s’était tourné vers la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), espérant qu’une intervention régionale suffirait à renverser la vapeur. Or, cette alliance, mal préparée et en proie à des intérêts contradictoires, n’a guère pesé sur l’échiquier militaire. Plus encore, les contingents burundais, autrefois engagés aux côtés des FARDC, se sont résolues à l’abandon face à la puissance de feu de l’AFC/M23 et ont préféré se désengager, laissant une armée congolaise exsangue et esseulée. Quant aux mercenaires enrôlés à prix d’or, ils ont fui, la queue entre les jambes, face à l’échec manifeste de leurs opérations.

Un isolement diplomatique inéluctable : la déconfiture d’un leadership affaibli

Si l’affrontement militaire a tourné à l’avantage de l’AFC/M23, l’arène diplomatique n’offre guère de refuge au pouvoir de Kinshasa. Tshisekedi, qui comptait sur une vaste coalition régionale et internationale pour forcer l’AFC/M23 à céder, voit son champ d’appuis se restreindre inexorablement.

D’une part, la SADC, initialement présentée comme un rempart se révèle être un colosse aux pieds d’argile, incapable de déployer une stratégie cohérente et rétive à s’engager dans un conflit où elle n’a que peu à gagner. D’autre part, l’Angola, fort de son positionnement de médiateur régional, impose sa feuille de route sans que Kinshasa puisse y opposer une quelconque alternative viable.

Face à cet isolement grandissant, Tshisekedi n’a d’autre choix que de se plier aux exigences des chancelleries influentes, qui voient dans les négociations de Luanda la seule issue réaliste. Cette capitulation inattendue marque un revers cinglant pour un chef d’État qui, jusqu’alors, s’arc-boutait sur une posture d’intransigeance absolue, repoussant avec hauteur toute velléité de pourparlers directs avec l’AFC/M23. Or, le voici contraint d’abandonner son intransigeance, de ravaler son orgueil et de s’engager, presque à contrecœur, sur la voie d’une conciliation naguère honnie.

Ce revirement, qui n’est pas sans rappeler la célèbre humiliation de Canossa, scelle l’échec d’une stratégie de défiance et révèle, en creux, l’aveu d’une impuissance à imposer une issue unilatérale. Loin d’être un simple ajustement tactique, cette volte-face revêt une portée symbolique considérable, ébranlant l’image d’autorité et de fermeté que l’intéressé s’efforçait de projeter.

Une crise sociale et politique interne : la désintégration du mythe présidentiel

Si la guerre a longtemps servi de paravent aux carences structurelles du régime, elle ne saurait à présent dissimuler l’érosion inexorable de la confiance populaire. La grogne sociale s’intensifie, nourrie par une économie vacillante, une inflation galopante et la persistance d’une corruption endémique. Plus encore, le discours nationaliste censé rassembler les Congolais derrière leur président se fissure : les Wazalendo, ces milices populaires présentées comme l’ultime rempart patriotique, ont fini par rejoindre les rangs de l’AFC/M23, preuve supplémentaire du rejet grandissant du pouvoir en place.

Dans ce contexte, les négociations de Luanda apparaissent comme une capitulation inavouée. Elles scellent l’échec d’une stratégie de confrontation directe et sonnent le glas des ambitions de reconquête par la force. Tshisekedi entre dans ces pourparlers dans une position de faiblesse manifeste, dépourvue de tout levier susceptible d’influencer le rapport de force.

Comment va-t-on à Canossa ? Une réddition sous contrainte

Tshisekedi, naguère farouchement opposé à toute discussion avec l’AFC/M23, est désormais contraint de composer avec ceux qu’il considérait comme des ennemis irréductibles. Ce revirement, aussi brutal qu’inévitable, est un aveu d’impuissance qui conforte la suprématie de ses adversaires.Les négociations ne s’engagent pas sous les auspices d’un équilibre des forces, mais bien dans le cadre d’une capitulation diplomatique masquée sous le voile trompeur du pragmatisme.

Dans cet exil métaphorique à Canossa, Tshisekedi ne se présente pas en souverain négociateur, mais en monarque déchu, sommé de se plier aux injonctions de ceux qui, hier encore, étaient désignés comme des usurpateurs. Le président congolais se retrouve acculé, incapable de dicter ses conditions, et condamne son pouvoir à une série de concessions dont la portée pourrait s’avérer irréversible.

Le renoncement comme seule issue

Se rendre à Canossa, c’est s’incliner devant l’inéluctable. C’est reconnaître l’échec patent d’une politique et consentir à une humiliation que l’on aurait voulu éviter. En acceptant ces négociations dans un cadre qui ne lui est guère favorable, Tshisekedi officialise son recul stratégique et scelle, peut-être, l’affaiblissement irrémédiable de son autorité.

Il ne s’agit plus de triompher, mais de limiter les dégâts. La RDC, jadis maîtresse de son destin, s’engage désormais sur une voie où les renoncements seront autant de stigmates d’une défaite dont on peine encore à mesurer toute l’ampleur.

Des négociations directes entre la RDC et l’AFC/M23, c’est ce qu’annonce l’Angola

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