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Un parcours littéraire engagé de Rurangwa au service de la réconciliation nationale et de la mémoire collective

Redigé par Bazikarev
Le 4 octobre 2024 à 09:10

Jean-Marie Vianney Rurangwa, dramaturge et écrivain rwandais, est une figure incontournable dans le paysage artistique et littéraire du Rwanda. À travers ses œuvres théâtrales et littéraires, il a su aborder des thèmes aussi complexes que douloureux, tels que l’exil, l’unité nationale, et surtout la réconciliation après le génocide de 1994 contre les Tutsi.

Pour Jean Marie Vianney Rurangwa, la littérature et le théâtre sont bien plus que des formes artistiques, elles sont des outils puissants pour transmettre des récits et des leçons, essentiels au processus de guérison et de réconciliation dans un pays marqué par les blessures du passé.

Lors d’une interview exclusive qu’il a accordé à IGIHE, Rurangwa nous livre ses réflexions profondes sur le rôle de la littérature dans la réconciliation nationale au Rwanda.

Selon lui, « la littérature et le théâtre sont des vecteurs de mémoire et de justice. Ils permettent de maintenir vivant le souvenir des événements tragiques tout en ouvrant la voie à la guérison collective. »

Des pièces qui marquent l’histoire scolaire et sociale

Parmi ses nombreuses œuvres, deux pièces de théâtre : La Traversée du désert et De Harlem à l’Accra ont particulièrement marqué les jeunes générations, notamment dans les milieux scolaires.

Ces pièces mettent en lumière les défis de l’exil, les luttes pour la liberté et la dignité humaine. Selon Rurangwa, ces œuvres partagent une ressemblance notable au niveau du contenu : « Elles traitent toutes de la quête de liberté et de justice, que ce soit à travers l’histoire de l’esclavage ou celle du génocide. » Pour lui, ces récits permettent de sensibiliser et d’éduquer les jeunes sur les dangers de l’intolérance et de la haine, tout en les incitant à œuvrer pour un avenir meilleur.

L’écrivain est convaincu que la littérature peut guérir les plaies d’un pays ou même d’un continent marqué par des tragédies historiques.

« La littérature offre un espace où la douleur peut être exprimée, où les leçons du passé peuvent être intégrées pour éviter la répétition des erreurs tragiques », affirme-t-il.

Pour Rurangwa, la transmission de la mémoire à travers des récits littéraires et des pièces de théâtre contribue non seulement à la réconciliation nationale mais aussi à la construction d’une société plus juste et équitable.

Lutte contre l’idéologie génocidaire, un combat de longue haleine

Bien que le Rwanda ait fait des progrès considérables dans la lutte contre l’idéologie génocidaire, certaines régions continuent de voir émerger ces idées néfastes, notamment parmi les jeunes générations.

Cette persistance est liée à l’éducation transmise par ceux qui portent encore cette idéologie : « Les artisans de cette idéologie, ou leurs descendants, continuent de propager ces idées dans différentes régions du monde. Le combat est loin d’être terminé. »

Il est convaincu que la littérature a un rôle crucial à jouer dans l’éradication de ces idées : « C’est à travers l’éducation et la culture que nous pouvons déconstruire ces discours haineux et offrir une alternative basée sur la vérité, la justice et l’unité. »

Selon lui, l’un des plus grands défis est de toucher les jeunes générations qui n’ont pas directement vécu le génocide. « Il est essentiel de leur transmettre la mémoire de manière simple mais percutante, afin qu’ils comprennent les enjeux et les dangers de l’idéologie de la haine. »

C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il a écrit une œuvre dédiée à la jeunesse, afin d’expliquer le génocide avec des mots accessibles et pédagogiques.

Une œuvre engagée, justice et réconciliation comme piliers

Rurangwa met régulièrement en scène des dilemmes moraux et des questions de justice dans ses œuvres théâtrales.

Pour lui, la justice est primordiale pour parvenir à une véritable réconciliation : « Il ne peut y avoir de réconciliation sans justice. Ceux qui ont perpétré ces crimes doivent être tenus responsables, et c’est à travers la justice que nous pourrons guérir en tant que nation. »

La pièce qui, selon lui, a eu le plus grand impact en termes de sensibilisation à la réconciliation et aux dangers de la haine est Le Phénix de la légende.

« Cette œuvre symbolise la résilience du Rwanda, un pays qui, tel le phénix, renaît de ses cendres après avoir traversé l’enfer du génocide », explique-t-il.

Jouée dans de nombreux pays, cette pièce a touché un large public et a contribué à faire connaître l’histoire contemporaine du Rwanda.

Le rôle de la littérature dans un monde hyperconnecté

Dans un monde hyperconnecté où l’information circule à grande vitesse, Rurangwa s’interroge sur la persistance de certaines perceptions erronées du passé.

Il attribue cela à l’influence des discours négationnistes et révisionnistes diffusés sur diverses plateformes médiatiques.

« Ces récits erronés sont souvent propagés par des personnes mal intentionnées qui utilisent les réseaux sociaux pour diffuser leurs idéologies », déplore-t-il.

Cependant, l’écrivain reste optimiste quant au rôle que peuvent jouer la littérature et le théâtre pour corriger ces perceptions. « En écrivant et en partageant des œuvres qui reflètent la vérité historique, nous pouvons contrer ces discours et offrir une perspective plus juste aux générations futures. »

Rurangwa est convaincu que les arts, en particulier la littérature, ont un pouvoir unique pour influencer les consciences et provoquer des changements positifs dans la société.

Un avenir prometteur pour le théâtre au Rwanda

Quant à l’avenir du théâtre au Rwanda, Rurangwa voit un potentiel énorme pour cet art en tant qu’outil de sensibilisation et de guérison après des événements tragiques comme le génocide.

« Le théâtre permet de mettre en scène des situations complexes et de les rendre accessibles à tous. Il offre une plateforme où les émotions peuvent être exprimées et où les spectateurs peuvent réfléchir sur les leçons du passé », affirme-t-il.

La récente présentation de la pièce de théâtre de Jean Marie Vianney Rurangwa"Le Phénix de la légende" s’est déroulée avec succès au Sénégal il y a quelques mois, suscitant un grand engouement parmi les spectateurs.

La pièce, jouée au Théâtre National Daniel Sorano à Dakar, a profondément touché le public sénégalais. Impressionnés par la force du récit et la pertinence des thèmes abordés, notamment ceux liés à la mémoire, à la justice et à la réconciliation, les spectateurs ont exprimé le souhait de revoir cette œuvre sur scène.

En réponse à cette demande, Rurangwa prévoit de retourner au Sénégal pour d’autres représentations de la pièce. Il a été chaleureusement invité par les autorités culturelles et les spectateurs à poursuivre cette diffusion dans plusieurs autres villes du pays, en vue de sensibiliser un public encore plus large.

Ces nouvelles représentations permettront également de continuer à renforcer les liens culturels entre le Rwanda et le Sénégal, tout en prolongeant le message universel de résilience et de renaissance que porte l’œuvre de Rurangwa.


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