« La justice, pas la vengeance », peut-on lire sur le site internet du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR). Tel est le credo de cette association pas comme les autres, qui mène depuis treize ans un inlassable combat pour traduire devant la justice française les présumés génocidaires rwandais réfugiés en France.
La persévérance et l’obstination de ses enquêteurs ont fini par porter leurs fruits avec l’ouverture le 04 février prochain, devant la Cour d’assises de Paris, du procès de Pascal Simbikangwa, ancien capitaine de l’armée rwandaise accusé de complicité de génocide et de complicité de crimes.
Une première en France, ce procès s’inscrit dans la suite d’une quinzaine de procès qui se sont déroulés dans le monde, notamment en Belgique, mais aussi en Norvège, au Pays-Bas, au Canada et en Allemagne. En raison de ses relations compliquées avec Kigali, Paris pour sa part a longtemps hésité à donner suite aux plaintes déposées en France contre des présumés génocidaires installés dans l’Hexagone. C’est seulement en 2009 que le gouvernement français a décidé d’augmenter sensiblement les moyens du Parquet tant en personnel qu’en terme de budget pour permettre à la justice de traiter enfin les dossiers des génocidaires (création du « Pôle génocide »).
L’âme du CPCR

Alain et Dafroza Gauthier
DR
Le mérite de faire bouger les institutions judiciaires dans ce domaine revient en grande partie au couple Dafroza et Alain Gauthier. Ils sont l’âme du CPCR qu’ils ont fondé en 2001 après avoir assisté à Bruxelles au premier grand procès des génocidaires rwandais établis en Belgique. Lui, il est français, ardéchois et ancien professeur de français à la retraite. Elle est chimiste de profession et rwandaise issue de la minorité tutsie. Elle a fui son pays lors des attaques contre les étudiants tutsis dans les années 1970 pour venir s’installer d’abord en Belgique, puis à Reims en France, après son mariage avec Alain Gauthier.
La vie du couple a basculé le 7 avril 1994, le jour où a débuté le génocide au Rwanda, déclenché par l’attentat contre le président rwandais Juvénal Habyarimana. Entre 800 000 et 1 millions d’hommes, de femmes et d’enfants ont été assassinés, massacrés à coups de machette ou abattus à bout portant. Leur seul crime était d’appartenir à la minorité tutsie, qualifiée par les extrémistes hutus au pouvoir à Kigali de « serpents » et de « cafards ». Les tueurs n’ont pas épargné non plus des Hutus modérés qui remettaient en cause la vision ethniciste du pouvoir.
Une grande partie de la famille de Dafroza Gauthier a disparu pendant la tuerie. Parmi les disparus, sa mère, abattue par un militaire hutu. Lorsqu’après le génocide, le régime change au Rwanda, l’homme doit s’exiler au Cameroun pour échapper à d’éventuelles poursuites. C’est en apprenant que le meurtrier de sa mère est mort à l’étranger sans jamais avoir été inquiété pour les crimes qu’il avait commis dans son pays, que Dafroza décidera de s’engager dans un combat de longue haleine pour que les responsables du génocide soient traduits en justice.
Pour le couple rémois commence alors un véritable travail de traque et de repérages des hutus exilés en France et soupçonnés d’avoir pris part au massacre. Partageant leurs vies entre le Rwanda et la France, ils enquêtent, rencontrent les survivants et les bourreaux, recueillent des témoignages, constituent des dossiers. Complémentaires et complices, le duo travaille en équipe, leur détermination rappelant la démarche des célèbres chasseurs de nazis Beate et Serge Klarsfeld. Ils déposent une vingtaine de plaintes et se portent partie civile dans 25 dossiers. Parmi les mis en cause, l’ex-Première dame du Rwanda, un prêtre, un médecin, un ancien préfet, un agronome, un ex-officier des services secrets, tous impliqués dans l’organisation de la tuerie. « Nous ne dénonçons personne sans preuves, nos dossiers sont étayés », a expliqué l’épouse Gauthier à la journaliste Maria Malagardis qui a consacré un livre passionnant à ce couple héroïque, intitulé Sur la piste des tueurs rwandais (Flammarion).
Le procès qui s’ouvre le 4 février devant la Cour d’assises de Paris est le résultat de cet acharnement. C’est aussi une victoire personnelle pour Dafroza et Alain Gauthier qui ont réussi à faire déboucher leur plainte sur des poursuites. Les Gauthier ne se réjouissent pas pour autant, car il ne s’agit pas pour eux d’une vengeance personnelle, mais d’une « quête de justice ». Une quête qui devra rester à jamais inaccomplie compte tenu du gouffre sans fond creusé par le génocide !
Tirthankar Chanda
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