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Interview – Patrick Pouyanné : « Le leader du pétrole en Afrique, c’est Total »

Redigé par IGIHE
Le 12 septembre 2016 à 01:27

Malgré une conjoncture difficile, le patron du pétrolier l’assure : son groupe est le numéro un sur le continent, l’un de ses marchés clés. Et celui-ci sera bien intégré dans sa nouvelle stratégie mondiale, qui doit permettre au géant de diversifier ses activités dans le gaz, l’électricité ou le solaire.
Bientôt deux ans que Patrick Pouyanné a pris la tête de Total, qu’il a succédé à Christophe de Margerie, décédé brutalement dans un accident d’avion en Russie, le 20 octobre 2014. Et le nouvel homme fort du (...)

Malgré une conjoncture difficile, le patron du pétrolier l’assure : son groupe est le numéro un sur le continent, l’un de ses marchés clés. Et celui-ci sera bien intégré dans sa nouvelle stratégie mondiale, qui doit permettre au géant de diversifier ses activités dans le gaz, l’électricité ou le solaire.

Bientôt deux ans que Patrick Pouyanné a pris la tête de Total, qu’il a succédé à Christophe de Margerie, décédé brutalement dans un accident d’avion en Russie, le 20 octobre 2014. Et le nouvel homme fort du géant pétrolier, 53 ans, n’a rien du gentil nounours que certains ont voulu voir en lui au moment de sa nomination. Exerçant un management franc du collier, il se montre aussi exigeant avec ses troupes qu’avec lui-même.

Originaire du Sud-Ouest français, il a la carrure d’un joueur de rugby – 1,91 m –, un sport qu’il affectionne, et n’hésite pas à bousculer. L’ex-patron de la division raffinage de Total est une tête bien faite, passée par Polytechnique et les cabinets ministériels d’Édouard Balladur et de François Fillon.

Dans une conjoncture mondiale particulièrement difficile, avec des cours du brut déprimés depuis son arrivée aux manettes, il sait où il veut mener son grand navire français et ses quelque 100 000 collaborateurs. Il connaît ses sujets, aussi bien financiers que techniques et diplomatiques. Et particulièrement en Afrique, où il a commencé sa carrière dans l’or noir en 1997, en tant que secrétaire général de Total à Luanda chargé de gérer les relations avec les autorités.

« J’ai appris le pétrole en Angola, où j’ai vécu la grande aventure de l’offshore très profond », rappelle Patrick Pouyanné, qui nous reçoit dans son bureau au sommet de la tour Coupole de Total, dominant le quartier d’affaires de la Défense, en région parisienne. Ses chantiers phares ?

L’internationalisation de l’encadrement, encore très français ; la préparation de son groupe à un avenir moins pétrolier, avec le lancement d’une division dévolue au gaz, à l’électricité et aux énergies renouvelables ; mais aussi et surtout la chasse aux coûts sur les projets extractifs, compte tenu de la conjoncture.

Depuis sa nomination, le PDG de Total est allé « presque une fois par mois » (17 fois au total) en Afrique, un « continent clé » pour son groupe. Il s’est notamment rendu en Angola, au Gabon, au Congo, au Nigeria, en Ouganda, en Algérie et en Afrique du Sud.

Au soir de notre entretien, début août 2016, il s’apprêtait à partir pour la quatrième fois à Luanda, l’occasion pour lui d’y faire la connaissance d’Isabel dos Santos, fille du président angolais et désormais patronne de la puissante entreprise pétrolière publique Sonangol. Patrick Pouyanné insiste sur la nécessité pour lui de « nouer des contacts avec les dirigeants des compagnies importantes » et avec les autorités de chaque pays.

Il retournera ainsi à Alger en septembre et indique qu’il prépare des visites en Libye – où le pétrolier a gardé une activité offshore (30 000 barils par jour) – en Côte d’Ivoire, en Tanzanie et au Kenya.

Jeune Afrique : Votre concurrent Claudio Descalzi, le PDG d’ENI, a récemment revendiqué dans nos colonnes le rang de première major pétrolière en Afrique. Ce que vous contestez…

Patrick Pouyanné : Je reconnais bien là la verve italienne de mon ami Claudio Descalzi, mais, objectivement, c’est Total le numéro un ! Nous allons fêter cette année nos 90 ans en Afrique, et celle-ci représente environ 30 % de nos activités. Autant dire que c’est un continent clé pour nous. Dans l’exploration-production, ENI dispose certes de belles positions, notamment en Afrique du Nord, mais Total est installé partout, et surtout dans des pays pétroliers majeurs tels que le Nigeria, l’Angola, le Congo ou le Gabon.

Et notre groupe est également présent dans l’aval, avec des stations-service dans plus de 40 pays et des positions dans le trading et le raffinage. Total peut donc légitimement dire qu’elle est la première major pétrolière en Afrique, et aussi la deuxième multinationale en matière de chiffre d’affaires sur le continent, derrière Glencore [le négociant et minier suisse].

Total voit le gaz comme une énergie propre, qui peut notamment conduire à la production d’électricité

Total a récemment affiché de grandes ambitions dans le domaine gazier. Mais, sur le continent, vous avez peu de projets en la matière…

C’est vrai, nous avons proportionnellement un peu moins de projets extractifs gaziers en Afrique que sur d’autres continents. Toutefois, nous travaillons depuis longtemps au Nigeria sur les champs gazéifères de notre permis OML58 pour l’exportation de GNL et la production domestique d’électricité. Le regard de l’industrie sur le gaz – et le nôtre également – a beaucoup évolué.

Il y a une vingtaine d’années, les explorateurs pétroliers parlaient du gaz comme d’un risque. Aujourd’hui, Total le voit comme une énergie propre, qui peut notamment conduire à la production d’électricité. Nous réfléchissons à des modèles de développement du gaz permettant d’en produire, par exemple au Maroc et en Côte d’Ivoire. Pour cela, il faut mettre en place des filières, partant du champ gazéifère à l’usine de génération électrique et allant jusqu’au réseau de distribution.

C’est un modèle qui est difficile à développer sur le continent, à cause du manque de clients solvables et d’une consommation relativement faible. Mais l’Afrique peut aussi représenter un marché majeur pour les bouteilles de GPL, remplaçant avantageusement sur un plan environnemental le bois utilisé pour la cuisine. Selon l’OMS, la pollution que celui-ci génère entraîne quelque 500 000 décès par an.

L’Afrique fait-elle donc bien partie intégrante de votre stratégie de réorienter Total vers le gaz, l’électricité et les énergies renouvelables, avec une nouvelle division consacrée à leur développement ?

Attention, que l’on ne s’y méprenne pas : en Afrique comme ailleurs, Total est et restera d’abord une major pétrolière. L’exploration-production puis la distribution de produits pétroliers demeureront nos premières sources de revenus, avec des projets géants encore en cours de développement : Egina au Nigeria, Moho Nord au Congo, Kaombo en Angola et, demain, un autre en Ouganda.

Cela étant dit, il nous faut penser l’avenir. Notre nouvelle branche gaz, énergies renouvelables et électricité, lancée en septembre, a pour but de nous engager dans une nouvelle voie, celle de la transition énergétique. Sur ce plan-là, l’Afrique est un terrain de jeu intéressant, dans le gaz mais aussi dans le solaire. L’accès à une énergie décentralisée comme cette dernière est une piste intéressante sur un continent où 500 millions d’habitants n’ont pas accès au courant.

Nous venons d’inaugurer en Afrique du Sud une nouvelle ferme solaire de plus de 80 MW qui peut électrifier une ville de 75 000 habitants. C’est une expérience très intéressante que nous comptons renouveler, par exemple en Éthiopie, en Zambie et dans le nord du Nigeria.

Alors que les cours du pétrole sont toujours en berne, quelle est votre analyse de la conjoncture et de la position de l’Afrique dans ce contexte ?

Depuis le début de l’année 2016, quand le baril est tombé sous les 30 dollars, il y a eu une remontée, autour de 45 à 50 dollars le baril. Mais cela reste des niveaux bas pour les pays et les compagnies pétrolières. La raison principale, c’est que l’offre continue d’être alimentée par de grands projets pétroliers décidés avant 2014, quand les prix étaient élevés. Et, dans le même temps, la demande en or noir n’est pas suffisante, car, malgré les prix en baisse, le contexte international n’encourage pas la consommation.

Avec jeuneafrique.com


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