Fin janvier 2025, les combattants du M23, sous la direction du général-major Sultani Makenga, ont conquis de vastes territoires dans la province du Nord-Kivu avant de s’emparer de la ville de Goma, qui compte plus de deux millions d’habitants. Un mois plus tard, ils ont étendu leur contrôle à Bukavu ainsi qu’à plusieurs autres localités du Sud-Kivu. Cette avancée rapide a révélé la fragilité des forces armées congolaises et de leurs alliés, notamment les troupes burundaises et les milices Wazalendo.
Selon Corneille Nangaa, chef de la coalition AFC, le M23 contrôle aujourd’hui plus de 34 000 km² dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, un territoire plus étendu que celui du Rwanda (26 338 km²), plus de 11 millions de Congolais vivant désormais hors des zones de contrôle de Kinshasa.
Des territoires perdues
Les territoires conquis par l’AFC/M23 ne sont pas de simples zones rurales : ils regorgent de ressources stratégiques. À Rubaya, dans le territoire de Masisi, se trouve l’un des plus grands gisements de coltan au monde. Bien que des sociétés privées poursuivent l’exploitation minière, l’État congolais n’exerce plus aucun contrôle sur ces activités et ne perçoit plus de revenus.
Au-delà des mines, le M23 détient aussi des villes économiques clés, comme Bunagana, un point de passage stratégique pour les marchandises en provenance de l’Ouganda. Goma, considérée comme la capitale économique du Nord-Kivu, abrite des infrastructures qui généraient jusqu’alors d’importantes recettes pour l’État.
Pour administrer ces zones, le M23 a instauré sa propre gouvernance civile et militaire, de Bunagana jusqu’à Bukavu. Plus de 11 millions de Congolais vivent désormais sous cette autorité parallèle. Une grande partie de la population exprime son soutien au M23, signe que le gouvernement central de Kinshasa a perdu une grande part de son influence sur le terrain.
Grâce à une campagne de propagande bien orchestrée, le M23 est parvenu à persuader de nombreux jeunes qu’il mène une lutte pour transformer le pays. Beaucoup ont ainsi rejoint ses rangs et suivent une formation militaire au camp de Rumangabo, dans le territoire de Rutshuru.

Une armée saignée à blanc
Depuis novembre 2021, l’armée congolaise a subi de lourdes pertes face au M23. Bien qu’aucun chiffre officiel ne soit disponible, la répétition des défaites a contraint les forces armées à revoir leur stratégie : elles misent désormais sur l’artillerie longue portée, les frappes aériennes et l’emploi de drones.
Les morgues de l’hôpital militaire de Katindo, à Goma, ont vite été saturées. Le colonel Dr Muyumba Lubanga, directeur de l’établissement, a dû solliciter l’aide de l’État et de la MONUSCO pour obtenir des morgues supplémentaires afin d’accueillir le grand nombre de corps.
Parmi les officiers supérieurs tombés figure le général-major Peter Cirimwami Nkuba, commandant du Nord-Kivu, abattu près de Sake en janvier 2025 alors qu’il tentait de stopper l’avancée du M23 vers Goma.
Après la chute de Goma, le M23 a affirmé avoir neutralisé de nombreux soldats des FARDC ainsi que des miliciens Wazalendo. Les survivants se sont réfugiés au Rwanda ou ont fui en bateau par le lac Kivu pour rejoindre Bukavu.
Face aux avancées du M23, de nombreux soldats et policiers congolais se sont rendus, certains ayant même choisi de rejoindre le M23 pour « libérer » le pays. Ces nouvelles recrues ont été envoyées en formation au camp de Rumangabo, où le général-major Makenga leur a promis de meilleures conditions de vie.

Des milliards de dollars partis en fumée
Pour financer cette guerre, Kinshasa a considérablement alourdi ses dépenses militaires. L’État a acheté des chars, des avions de chasse Sukhoi-25, des drones CH-4 chinois, et a eu recours à des mercenaires européens rémunérés jusqu’à 6 000 dollars par mois, ainsi qu’à environ 5 000 soldats burundais, chacun payé plusieurs milliers de dollars mensuels.
Selon Africa Intelligence, le budget de l’armée congolaise est passé de 459 millions de dollars en 2021 à 700 millions en 2022, puis à 1 milliard en 2023. En 2024, les dépenses militaires ont également frôlé le milliard de dollars.
Entre janvier et avril 2025, l’armée a déjà englouti un autre milliard de dollars, notamment pour rehausser les salaires après la perte de Goma et de Bukavu.
Malgré ces investissements colossaux, le M23 a poursuivi son avancée, s’emparant de nouvelles localités, alors même que l’objectif affiché de l’État congolais était de reprendre les territoires déjà perdus.

Baisse des recettes fiscales
Le contrôle exercé par le mouvement armé M23 sur plusieurs villes frontalières stratégiques, telles que Bunagana, Goma et Bukavu, a profondément bouleversé la gestion du commerce transfrontalier en République démocratique du Congo (RDC). Le M23 a en effet remplacé la Direction générale de migration (DGM), qui supervisait traditionnellement les services douaniers. Désormais, c’est le mouvement qui administre directement ces échanges au quotidien.
Cette situation a un impact économique lourd pour le pays. Selon René Tapsoba, représentant du Fonds monétaire international (FMI) en RDC, la perte des régions de l’Est, riches en ressources minières, pourrait priver l’État de 4 % de ses recettes fiscales prévues pour cette année.
Face à ces pertes, le gouvernement congolais a dû prendre des mesures difficiles : réduire les budgets de plusieurs ministères et baisser les salaires des dirigeants des entreprises publiques.
En mai 2025, la Première ministre Judith Suminwa Tuluka a expliqué aux habitants de la province de Tshikapa que la guerre à l’Est avait déjà coûté au pays 1,7 % de son budget national.
« Nous sommes en guerre dans l’Est du pays, et cela réduit fortement notre budget. Lors du dernier Conseil des ministres, nous avons validé un budget révisé, qui sera soumis au Parlement. Nous avons perdu 1,7 % de notre budget national et nous avons dû augmenter les dépenses de sécurité », a-t-elle affirmé.

Des pertes importantes en matériel militaire
L’armée congolaise a également subi de lourdes pertes en armement et en matériel. Parmi l’arsenal saisi par le M23 figurent des avions de chasse Sukhoi, des drones, des lance-roquettes BM Grad, des RPG, des fusils d’assaut AK-47 ainsi que divers mortiers. Ces prises ont eu lieu notamment lors des combats pour la prise de Goma, y compris dans la zone de l’aéroport.
Une partie importante de l’équipement militaire a aussi été détruite, en particulier les drones CH-4 achetés en Chine : sur les quatre premiers exemplaires, trois ont été abattus, le quatrième s’étant écrasé à l’aéroport de Kavumu, dans le Sud-Kivu.
Le M23 a par ailleurs capturé des camions de transport de troupes et de nombreux véhicules « Jeeps », qu’il utilise désormais pour déplacer ses combattants sur le front et assurer la sécurité dans les zones qu’il contrôle.
Le mouvement affirme d’ailleurs que la majorité des armes utilisées par ses combattants provient directement de l’armée congolaise, récupérées à chaque affrontement.



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