L’exposition « Après Éden » à la Maison rouge (Paris) expose les photographies de la collection d’Artur Walther.
Le banquier d’affaires germano-américain Artur Walther (67 ans) a fait fortune chez Goldman Sachs, « la firme » qui incarne aux yeux de beaucoup toutes les dérives d’une spéculation sans frontières. Cela n’empêche pas « Après Éden », l’exposition de la Maison rouge (Paris) pensée par Simon Njami à partir de la collection de photographies de Walther, d’être l’une des plus grandes réussites de ces dernières années.
À partir d’un corpus essentiellement consacré à la forme sérielle – depuis les études de mouvement du Britannique Eadweard Muybridge jusqu’aux édifices industriels des Allemands Bernd et Hilla Becher, en passant par les portraits de lesbiennes de la Sud-Africaine Zanele Muholi -, le commissaire camerounais a réussi à raconter, en huit étapes, rien moins qu’une brève histoire de l’humanité.
Condition humaine
Le parcours commence dans une nature à la beauté sculpturale avec les images de Karl Blossfeldt (Allemagne) et s’achève dans un enfer postapocalyptique peuplé de chiens errants avec la vidéo de Yang Fudong (Chine). Sorti du paradis à la seule force de ses mains, habiles tueuses, l’homme sait remarquablement s’y prendre pour créer le meilleur comme le pire, déboussolé par l’insensé de l’existence.
La condition humaine, voilà ce qu’explore Njami en utilisant les photos rassemblées par Walther comme un alphabet pour sa propre écriture, soignant les transitions entre les différentes étapes d’un chemin de création en huit fictions étonnamment réelles (Le Jardin, L’Identité, Le Roman, La Ville, Le Corps, le Masque, Les Autres, Le Voyeur). La forme sérielle donne à ce cheminement un goût de voyage à travers la multitude des individus et leurs communes aspirations. Parfois, la beauté de l’éphémère et la vanité de l’art se rejoignent, comme dans ces images de Song Dong (Chine) où l’artiste répète un geste démesurément inutile, « imprimant » avec un sceau en bois le caractère shui (« eau ») à la surface du fleuve Lhassa (Tibet)…
Lois de l’amour et de la mort
Si l’Afrique est très présente au regard des artistes exposés, s’arrêter aux frontières serait une monumentale erreur. L’exposition explore une humanité une, soumise partout aux mêmes lois de l’amour et de la mort. À ce titre, Fiction 6 : Le Masque et Fiction 7 : Les Autres sont de sublimes réussites. Dans cette dernière salle, l’accumulation de clichés coloniaux (ethnographiques ou anthropométriques) et de fiches d’identification judiciaire mise en regard avec des réponses d’artistes contemporains interroge puissamment notre tendance aux classifications épidermiques et aux stéréotypes. Dans l’escalier qui permet d’y accéder, le visiteur qui aura remarqué le miroir cerclé de noir y aura sans doute aperçu son propre visage. S’il prend le temps de se regarder à nouveau, en remontant, il verra à quel point il a changé en l’espace de quelques minutes. Il est rare qu’une exposition produise cet effet.
Avec jeuneafrique.com
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