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RD Congo : Des « éveilleurs » de conscience

Redigé par Cathobel.com
Le 17 mars 2018 à 02:01

Sensibilisé par l’appel des évêques congolais, une foule impressionnante de catholiques, rameaux, chapelet ou croix à la main ont bravé les interdits pour se mettre en marche, au péril de leur vie. Les manifestations pacifiques font trembler le pouvoir. Les lignes seraient-elles en train de bouger ?

A l’invitation de la commission Justice et Paix et de 11.11.11., coupole regroupant plusieurs d’ONG, une délégation de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) est venue ce 15 mars à Bruxelles faire le point de la situation en République Démocratique du Congo (RDC) et demander du soutien.

Le compromis de la Saint-Sylvestre 2016 prévoyait des élections en 2017 et des mesures de décrispation, toujours en attente. Aussi, les évêques, chevilles ouvrières de ces accords, ont-ils lancé en juin dernier, un message fort – « Debout Congolais, le pays va très mal » – invitant la population à prendre son destin en mains et à revendiquer l’alternance politique voulue par la Constitution.

Des personnalités et intellectuels catholiques ont répondu en réactivant le CLC (Comité Laïc de Coordination), initiateur en 1992 de la « marche d’espoir » contre la fermeture de la Conférence Nationale Souveraine et la dictature de Mobutu. Trois marches ont donc été organisées depuis le 31 décembre dernier pour revendiquer l’application intégrale de l’accord négocié par les évêques, avec pour objectif des « élections libres, transparentes et apaisées ». Toutes ces déambulations non-violentes ont été réprimées dans le sang, comme sous Mobutu.

Grande victoire pour les catholiques

Coup de théâtre : dans son rapport du 10 mars, la commission d’enquête mixte créée par la ministre congolaise des droits humains, Marie-Ange Mushobekwa, a lavé de toute faute les marcheurs catholiques en évoquant le droit de manifester pacifiquement, le droit à la vie (!), à la liberté, … A l’opposé, elle pointe la lourde responsabilité des forces de l’ordre, épaulées par les services de renseignement et de façon abusive, par l’armée – dont la garde républicaine -, accusée de crimes contre l’humanité. Bilan : au moins quatorze personnes décédées par balles ou asphyxiées par les gaz lacrymogènes, 65 autres blessées et 45 arrêtées. Sans parler des extorsions de biens et autres exactions commises avant même les marches. «  »Justice devrait être rendue et les manifestations pacifiques autorisées », conclut la courageuse ministre.

Malgré les victimes, la coordination laïque peut se targuer du succès de la mobilisation populaire, forte d’avoir résisté aux tentatives de manipulation. Pour le CLC, relayé par les évêques, la peur a changé de camp : dès qu’une marche est annoncée, c’est la panique du côté du pouvoir et des instances de sécurité, dit-elle . Néanmoins, le CLC a annoncé la suspension des marches, le temps de peaufiner les stratégies, expliquent les évêques.

Coup de bluff pour calmer les esprits ?

Le 15 mars, lors d’une interview à la BBC, le Premier ministre Bruno Tshibala a annoncé que les élections auront bien lieu le 23 décembre 2018 et que le président Kabila ne se représentera pas pour un troisième mandat. « « Le président attend juste les élections afin de passer la main, de manière civilisée et pacifique, pour la première fois dans l’histoire du pays », a-t-il indiqué.

Juste… ment, des conflits pseudo-ethniques (massacres, incendies,..) ont éclaté en Ituri, activés par « une main invisible », comme l’a dénoncé l’évêque de Bunia, à la lumière de témoignages évoquant de jeunes assaillants organisés et équipés de radios Motorola, des moyens de communication onéreux.

La CENCO craint donc que les zones d’insécurité ne se multiplient de façon à justifier la non-tenue des élections. Comme au Nord-Kivu, au Kasaï, au Tanganyka (Katanga) et ce, malgré la présence de l’armée et de la Monusco, la mission des Nations Unies en RDC. Ou encore au Bandundu, envahi par d’immenses troupeaux de vaches, sous la houlette d’étranges éleveurs armés.

Quoi qu’il en soit, l’heure des préparatifs électoraux a sonné. L’opposition tente de s’organiser, les candidats sortent du bois, à commencer par l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, qui, toujours en exil forcé, a lancé sa campagne depuis l’Afrique du Sud. Du côté de la majorité présidentielle, si tout va bien…., on saura le 23 juin prochain, date limite de dépôt des candidatures, si Joseph Kabila accepte de partir.

« Il faudra encore, dit le porte-parole de la CENCO, contribuer à former 60.000 observateurs (pour 90.000 bureaux de vote), accompagner la Commission électorale nationale indépendante (CENI) au niveau financier et technique, rassurer par des expertises indépendantes sur la machine électorale considérée par certains opposants comme une machine à tricher et enfin, renforcer le mandat de la Monusco afin de crédibiliser le processus électoral et lutter contre l’insécurité. »

Le spectre d’une dictature

Reste la crainte d’un nouveau stratagème, à savoir une modification de la loi électorale, si la majorité actuelle reste au pouvoir, permettant l’élection du président par le parlement, autrement dit le maintien de Kabila aux commandes.

En attendant, la plupart des journalistes ne peuvent plus entrer en RDC. Même une collègue journaliste du quotidien Le Soir et spécialiste du Congo, n’a pas obtenu son visa pour se rendre au festival Amani à Goma, en février dernier. Le régime semble aux abois et la population, elle, est… à bout !

par Béatrice Petit


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