Année après année, ces lieux saints voient affluer des foules toujours plus ferventes, venues parfois de fort loin, pour se recueillir, cheminer, prier et, surtout, pour retrouver ce qui échappe aux logiques de rendement et de consommation : le sens du sacré, de l’engagement, du silence intérieur et du don de soi.
Le succès croissant de tels rassemblements ne saurait être lu comme une simple résurgence folklorique ou une survivance du passé religieux. Il manifeste, bien au contraire, une soif profonde, quasi viscérale, de transcendance dans des sociétés où l’individu, livré à lui-même, se heurte au vertige d’une liberté sans finalité.
A travers la rigueur de la marche, l’austérité du bivouac, la frugalité assumée des repas pris à la hâte, le pèlerin redécouvre la noblesse de l’effort consenti, l’humilité de la dépendance, la grandeur du dépouillement. Loin d’être une fuite, ce cheminement corporel vers un sanctuaire devient un acte de résistance intérieure, une réponse incarnée à l’imposture du confort aliénant.
Le pèlerinage de Chrétienté, qui relie Paris à Chartres en trois jours de marche, s’est imposé, au fil du temps, comme une expression emblématique de cette dynamique. Ce rassemblement, dont la liturgie suit le rite tridentin, forme antéconciliaire de la messe, exigeante, silencieuse, orientée vers l’absolu, attire chaque année des milliers de fidèles, majoritairement jeunes, en quête de verticalité dans un monde qui a érigé l’horizontalité en dogme.
Ils marchent à contre-courant, chapelet à la main, dans une liturgie du corps et de l’âme, élevant la prière au rang d’expérience intégrale.
Ce renouveau pèlerin, énigmatique pour certains, lumineux pour d’autres, doit être lu à la lumière d’une quête plus vaste, celle d’une spiritualité incarnée, rythmée par les retraites, la méditation, le silence habité et la prière vécue comme dialogue réel avec l’Invisible.
A une époque où l’idéologie technicienne et la sécularisation tentent d’éradiquer tout rapport au mystère, le pèlerin oppose la lenteur, l’effort, l’offrande et la louange. Il ne revendique pas, il consent. Il ne réclame pas, il reçoit. Il ne s’impose pas, il se dépouille.
Ainsi, les sanctuaires redevenus vivants, vibrants, habités par une ferveur authentique, témoignent de ce retournement discret mais puissant : l’homme moderne, fatigué d’avoir tout possédé sauf l’essentiel, se remet en marche. Il cherche moins à conquérir qu’à se convertir. Et dans la poussière des chemins, au creux des psaumes murmurés, des Ave Maria susurrés, il redécouvre que le silence de Dieu n’est pas absence, mais appel.

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