Dr Mukwege contre l’exigence éthique de la précision

Redigé par Tite Gatabazi
Le 30 décembre 2025 à 12:49

Nommer avec justesse n’est pas un simple exercice lexical ; c’est un acte éthique et civique. Tout discours, tout geste de haine, d’humiliation ou de discrimination visant une communauté ethnique ou un groupe social doit être réprouvé avec la plus grande vigueur, et plus encore lorsque ces dérives procèdent d’une autorité publique, investie précisément de la charge de protéger tous les citoyens sans distinction.

Le langage, loin d’être neutre, est performatif : il façonne les représentations, autorise les comportements et prépare, parfois, l’irréparable.

La communauté tutsie congolaise subit, depuis de nombreuses années, persécutions, injustices répétées, épreuves et humiliations enracinées dans les crises récurrentes de la région. Cette réalité douloureuse est incontestable. Toutefois, le fait d’être tutsi ou d’appartenir à cette communauté éprouvée ne saurait, en aucune circonstance, servir de prétexte pour tolérer, excuser ou légitimer des propos toxiques qui visent à déshumaniser ou à stigmatiser.

En aucune manière ces années de persécution et d’épreuves encouragent des pratiques discriminatoires fondées sur l’appartenance communautaire. Céder à de telles logiques, c’est entretenir le cercle vicieux du ressentiment et préparer de nouvelles fractures.

Il convient au contraire d’affirmer avec fermeté l’exigence de dignité, la force du droit et le respect inconditionnel dû à chaque être humain, indépendamment de son origine ou de son identité.

Or, une impunité quasi structurelle dont bénéficient certains dignitaires contribue à la répétition de propos et d’actes qui minent la cohésion nationale et fragilisent la paix régionale. À cela s’ajoute une autre dérive, plus insidieuse : l’usage volontaire de termes génériques et euphémisés pour éviter de nommer clairement la haine dirigée contre les Tutsi et les Banyamulenge. Refuser de nommer les victimes, c’est les condamner à une seconde invisibilité. L’indétermination lexicale dilue les responsabilités, brouille les lignes de faute, protège les instigateurs et égare l’opinion.

Nommer, c’est reconnaître. Ne pas nommer, c’est effacer. Et Dr Mukwege ajoute alors au malheur du monde en laissant prospérer un climat où la haine se drape dans l’ambiguïté sémantique, tout en poursuivant ses œuvres délétères.

De la rhétorique de l’ambiguïté aux engagements tortueux : l’épreuve de la cohérence

La responsabilité de la parole publique engage celui qui la profère : elle révèle l’architecture morale de son auteur. Lorsqu’il est affirmé que Dr Mukwege est de ceux qui se font l’instrument de forces obscures et délétères, l’expression n’a rien d’excessif ; leur propre verbe les démasque.

Leur discours, alambiqué, sinueux et fondamentalement biaisé, se révèle tortueux, à l’image de leur engagement qu’ils prétendent noble alors qu’ils le trahissent. La rhétorique de l’ambiguïté consiste précisément à tenir un langage à double fond : feindre la modération tout en légitimant, par insinuation, la stigmatisation d’autrui.

Le refus de nommer explicitement la haine contre les Tutsi et les Banyamulenge ne relève pas de la prudence ; il participe d’une stratégie discursive qui dissout la responsabilité et désincarne la victime. En substituant des formulations vagues aux mots exacts, on vide les faits de leur gravité, on rend floue la ligne de partage entre le licite et l’illicite, on installe dans l’espace public une brume commode où les bourreaux se confondent avec la foule anonyme. La précision du langage est pourtant la première digue contre l’arbitraire.

Il importe dès lors de rappeler avec solennité que la dignité humaine n’est pas négociable. Aucun motif politique, sécuritaire ou idéologique ne peut servir de paravent à la stigmatisation d’une communauté ou à la dénégation de ses souffrances.

La parole qui humilie fracture le lien social ; la parole qui nomme avec justesse répare, éclaire et rend possible la justice.

Ainsi, mal nommer les choses, c’est non seulement ajouter au malheur du monde : c’est aussi préparer, à bas bruit, les conditions de sa répétition. Le devoir de notre temps est de refuser cette pente : dire vrai, nommer justement, condamner sans équivoque, et replacer au cœur du débat public la primauté inconditionnelle de la personne humaine.

Nommer, c’est reconnaître ; ne pas nommer, c’est effacer. Dr Mukwege nourrit ainsi un climat où la haine prospère dans l’ambiguïté

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