Alors que les opposants sont traqués, réduits au silence, ou condamnés à l’exil, celui qui fut jadis compagnon de route de Félix Tshisekedi se dresse désormais comme l’un des symboles d’une opposition bridée mais non soumise. Ses mots, d’une gravité cinglante, résonnent comme une mise en accusation de tout un système : « Les opposants sont traqués, emprisonnés et/ou envoyés en exil, les voix dissidentes étouffées, et la justice transformée en instrument de répression. Mon propre cas en est une illustration parfaite : un procès politique monté de toutes pièces pour punir mon indépendance d’esprit et mon refus de la compromission. »
Derrière cette déclaration, c’est toute la faillite morale et institutionnelle du pouvoir en place qui se dévoile. La République démocratique du Congo, censée s’être engagée dans la voie de la démocratie pluraliste, semble s’enliser dans un autoritarisme rampant où la critique devient un délit, et la fidélité à la vérité, une condamnation.
La justice, loin d’être l’arbitre neutre du droit, se mue en instrument de vengeance politique, servant à humilier et neutraliser les voix dissidentes. Or, comme le rappelait Montesquieu, « il n’est point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice. »
Jean-Marc Kabund, par sa prise de parole, ne revendique pas seulement une réhabilitation personnelle : il réclame un sursaut collectif, un retour à la raison politique, et surtout un geste de salut national. Son appel au dialogue, adressé directement au chef de l’État, revêt les allures d’un dernier avertissement : « Nous demandons à Monsieur Félix Tshisekedi Tshilombo de convoquer sans tergiverser le dialogue, car chaque jour qui passe devient un supplice pour nos compatriotes dans l’Est. Si cela n’est pas fait dans un bref délai, nous allons lancer dans les semaines à venir une série d’actions pacifiques jusqu’à la convocation dudit dialogue, avant qu’il ne soit trop tard. »
Ces mots, prononcés dans un contexte de délitement général, mettent à nu la fracture entre la capitale politique et le pays réel. Tandis que Kinshasa s’enferme dans la suffisance du pouvoir, les provinces orientales, elles, s’abîment dans le sang et le désespoir.
Là-bas, des familles entières sont massacrées, des villages anéantis, des femmes et des enfants livrés à la barbarie des forces gouvernementales. L’État, pourtant garant de la sécurité nationale, semble absent, impuissant ou indifférent. C’est ce gouffre entre la rhétorique présidentielle et la tragédie du terrain que Kabund désigne sans fard.
Son initiative s’inscrit ainsi dans une tradition de résistance politique rare au Congo contemporain : celle qui consiste à rappeler que l’autorité ne vaut que par le service rendu à la nation, et non par la terreur exercée sur ses citoyens. En appelant au dialogue, il ne prêche pas la faiblesse, mais la lucidité : celle d’un pays au bord de la rupture, dont la survie dépend désormais de la capacité de ses dirigeants à écouter, à concilier et à réconcilier.
L’histoire politique congolaise est jalonnée de ces moments où les voix solitaires ont tenté d’alerter avant le désastre. Hier, c’étaient Patrice Lumumba et Pierre Mulele, sacrifiés pour avoir voulu redonner au peuple sa dignité.
Aujourd’hui, c’est Jean-Marc Kabund, qui, au prix de son incarcération et de sa diabolisation, ose rappeler qu’un pouvoir qui bâillonne ses citoyens se condamne à son propre isolement. Il n’est pas anodin que son discours mette en balance la nécessité d’un dialogue et la menace implicite d’une désobéissance civile pacifique : car quand les institutions cessent d’être l’expression de la volonté nationale, le peuple finit toujours par reprendre la parole, d’une manière ou d’une autre.
En définitive, la sortie de Kabund est moins un acte d’opposition qu’un cri de conscience. Elle interpelle un régime engourdi dans ses certitudes et prisonnier de ses propres contradictions. Si le chef de l’État persiste à ignorer cet appel, il prendra la responsabilité historique d’avoir préféré la surdité politique à la clairvoyance d’un dialogue salvateur.
La RDC n’a que trop souffert des guerres, des trahisons et des illusions. Ce qu’elle attend aujourd’hui, c’est une gouvernance éclairée, une justice impartiale et un leadership capable de transcender la vengeance pour renouer avec la vision d’un État juste et fort.
Jean-Marc Kabund, en reprenant la parole, rappelle cette exigence : celle de ne jamais confondre la paix avec le silence, ni l’ordre avec la peur.














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