Kigali, symbole d’une Francophonie décomplexée et en mouvement

Redigé par Oria Vande weghe
Le 19 novembre 2025 à 12:00

Du 19 au 20 novembre 2025, Kigali accueille pour la première fois une instance de la Francophonie : la 46ᵉ Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF).

Un moment fort et symbolique pour la famille francophone qui ne s’était jamais réunie en Afrique de l’Est, mais également pour le Rwanda, qui faisait partie des vingt-et-un pays fondateurs, réunis à Niamey en 1970 pour donner naissance à une Organisation fondée sur un idéal de solidarité, de dialogue et de partage entre peuples francophones.

Un thème engagé

Plus d’un demi-siècle plus tard, c’est dans une capitale africaine moderne, dynamique et résolument tournée vers l’avenir que les délégations des 90 États et gouvernements membres se retrouvent pour réfléchir à l’avenir du monde francophone autour d’un thème fort : « Trente ans après la Conférence de Beijing : la contribution des femmes dans l’espace francophone ».

Trente ans après cette conférence qui avait posé le cadre international le plus ambitieux jamais adopté pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, le constat est sans appel : les défis restent immenses, au Nord comme au Sud. Inégalités salariales persistantes, féminicides en hausse, violences domestiques, mariages forcés et discriminations systémiques démontrent que l’égalité réelle demeure loin d’être atteinte.

Ce choix n’a rien d’anodin. En effet, le Rwanda est souvent cité comme exemple en termes d’égalité entre les hommes et les femmes. A la sortie du génocide perpétré contre les Tutsi en 1994, les femmes rwandaises ont été au cœur du relèvement national — dans les familles, dans l’économie, dans les institutions et dans la société civile.

Aujourd’hui, elles occupent un rôle déterminant dans la gouvernance du pays : le Parlement rwandais est composé à plus de 60 % de femmes, un record mondial depuis plus d’une décennie, et les femmes sont présentes au plus haut niveau dans tous les secteurs clés du développement, de la sécurité, de la justice, de l’entrepreneuriat et de l’innovation.

Débattre du rôle des femmes dans la Francophonie dans une capitale où cette réalité est visible et palpable donne une portée particulière à nos travaux. Ici, la parité n’est plus un idéal abstrait, mais un levier concret d’efficacité et de transformation.

Un contexte mondial troublé

Et cette transformation, le monde en a plus que jamais besoin ! Cette 46e CMF s’inscrit dans un contexte mondial complexe, où les crises ne cessent de s’accumuler : conflits armés, instabilité politique, dérèglements climatiques et inégalités croissantes. Nul espace n’est épargné, pas même la Francophonie, qui rassemble des pays aux profils divers, des économies avancées et des nations en reconstruction, des démocraties consolidées et des sociétés en transition.

Face à ces bouleversements, la question de l’utilité réelle des organisations multilatérales se pose. Quel sens ont encore ces espaces de coopération dans un monde aussi divisé ? Quelle est leur capacité à agir, à prévenir, à influencer ? Aux yeux de nombreux citoyens, la diplomatie mondiale semble s’être transformée en une interminable succession de panels, de sommets et de conférences, une ‘panélisation’ du monde qui peine à produire des résultats concrets.

Une Francophonie en transformation

La question de la pertinence de l’action francophone sera au cœur du huis clos politique de cette CMF. Et c’est aussi à ces interrogations que la Francophonie, sous l’impulsion de sa Secrétaire générale, Louise Mushikiwabo a choisi de répondre non par la résignation, mais par la transformation et l’adaptation.

Depuis son élection en 2018, elle a en effet engagé – à la demande des Chefs d’Etatet de gouvernement qui l’ont élue – une série de réformes pour repositionner la Francophonie sur l’échiquier mondial avec un objectif clair : faire de l’OIF une organisation moderne, utile et influente.

Concrètement, cela s’est traduit par un recentrage stratégique des programmes de l’OIF autour de quelques priorités : la langue française, la jeunesse, l’autonomisation des femmes, l’économie durable, la paix et la démocratie. Ce choix a permis non seulement de concentrer les budgets disponibles sur des actions porteuses de résultats tangibles mais également de clarifier la lisibilité des missions de l’Organisation.

En parallèle, la Secrétaire générale a voulu renforcer le rayonnement diplomatique de la Francophonie, en réaffirmant sa place dans les grands débats internationaux et en consolidant son réseau de représentations extérieures, devenus de véritables relais d’influence et de coopération.

Ces efforts de transformation profonde et structurelle témoignent d’une conviction : la Francophonie n’est pas un héritage du passé. C’est au contraire un instrument d’avenir, capable de consolider sa place dans le concert des organisations inter-gouvernementales tout en continuant à incarner un multilatéralisme à visage humain, à la fois lucide sur les défis du monde et confiant dans la capacité des peuples à trouver des solutions ensemble.

Etape essentielle entre le Sommet de Villers-Cotterêts de 2024 et le prochain Sommet de la Francophonie au Cambodge en 2026, la CMF de Kigali offre donc aux ministres l’opportunité de réfléchir à la manière de renforcer leur action collective et de raviver l’esprit de Niamey : celui d’une communauté de valeurs fondée sur le partage et l’écoute mutuelle. En ces temps d’incertitudes, la Francophonie n’a jamais été aussi nécessaire.

Plus qu’une simple institution, elle incarne la voix de millions d’hommes et de femmes qui partagent la conviction que la diversité culturelle et humaine est une richesse à protéger et à promouvoir. La ministérielle de Kigali est plus qu’une étape : elle marque la consolidation d’une Francophonie qui assume sa force, affirme sa cohérence et choisit l’efficacité plutôt que les slogans.

Oria Vande weghe, Directrice de la communication à l'OIF
Louise Mushikiwabo a souligné que l’OIF a contribué au positionnement de candidats francophones à la tête d’organisations internationales
Kigali a accueillie pour la première fois la 46ᵉ Conférence ministérielle de la Francophonie
La conférence se tient les 19 et 20 novembre 2025

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