Agathon Rwasa, 51 ans, président du parti FNL (Forces nationales de libération) est le dernier des « chefs historiques » des mouvements armés hutus à être rentré au Burundi et à avoir abandonné la guérilla pour le combat politique. Aujourd’hui il se présente comme l’un des principaux rivaux du président Nkurunziza. Sitôt après l’assassinat, samedi soir, de Zedi Feruzi, le leader de l’UDP, il annonçait son intention de retourner dans la clandestinité, estimant que la vie de tous les leaders de l’opposition était désormais en danger. Une heure auparavant, nous l’avions rencontré sur les hauteurs de Bujumbura et il avait retracé son parcours politique.
L’Interview :
Agathon : Après les négociations qui ont eu lieu à Arusha de 2005 à 2006 nous sommes définitivement rentrés en mai 2008 et les tractations se sont poursuivies même si le pouvoir a toujours tenté de nous anéantir politiquement et même physiquement. Mais grâce au concours des uns et des autres, on a pu procéder à une démobilisation de nos combattants. Notre parti a finalement été enregistré sous l’appellation FNL en avril 2009. Nous avons toujours eu des difficultés à travailler car je dénonçais la mauvaise gestion du patrimoine burundais par le parti CNDD. Ce dernier a tenté de former une branche rivale du FNL, avec des gens ramenés de l’étranger et logés à l’hôtel Sources du Nil.
Collette Braeckman : Le FNL est cependant un allié naturel du CNDD, un autre parti hutu issu de la guerre…
L’hostilité à notre égard vient du fait qu’au moment de la lutte, le CNDD au lieu de combattre contre le pouvoir à Bujumbura a préféré affronter le FNL à Cbitoke et à Bubanza et a subi de lourdes pertes. En outre, concluant des accords avec le pouvoir de Bujumbura, le CNDD s’était engagé à anéantir définitivement le FNL et il a échoué. Ce matin encore des étudiants ont été emprisonnés à Kamenge car ils portaient le logo de notre parti. Jusqu’aujourd’hui, n’ayant pas accepté de collaborer avec le CNDD, c’était comme si je signais mon arrêt de mort.
Quels sont les principaux reproches que vous adressez à ce parti ?
D’abord des reproches d’ordre moral. Pour nous le pouvoir doit être au service du peuple et nul ne peut usurper le patrimoine ; le trésor public n’appartient pas au seul CNDD mais à tous les contribuables…
Or la corruption est au top. Ce gouvernement tue quiconque a une voix dissonante. Il y discrimination au niveau de la fonction publique : si vous n ‘êtes pas membre du CNDD FDD vous n’avez pas droit à un emploi et ne pouvez conclure un marché dans le secteur public.
Tous les contrats signés ici sont opaques, qui sait ce qui s’est passé avec le nickel du Burundi ? On ignore tout des sociétés fictives qui ont remporté ces marchés…
Quant aux militaires envoyés dans les missions en Somalie et en Centrafrique, on leur retire 200 dollars par mois, ce qui rapportait jadis 23 milliards de francs burundais, contre trois milliards aujourd’hui.
Où est passée la différence ? Les malversations sont multiples, le président ne cesse d’être impliqué dans le business…
Etes vous devenu le principal opposant ?
Nous sommes présents sur tout le territoire national. Nous sommes une formation vieille de 35 ans. Nous avons été le premier parti à avoir défié le parti unique… A la suite de manœuvres de division, nous sommes devenus les rebuts de la politique au Burundi mais nous sommes majoritaires.
Nous sommes obligés d’aller dans ces élections comme des indépendants car on refuse de nous reconnaître au contraire de deux autres ailes dissidentes de notre parti. En réalité nous sommes la première force politique du Burundi, nous avons pu présenter des listes sur tout le territoire national ce que des partis choyés par le pouvoir sont incapables de faire…
Vous devez aussi savoir qu’au sein du CNDD le parti au pouvoir plus de 90% des membres sont contre la dictature du président et de son équipe mais n’osent pas le dire tout haut.
Le coup d’Etat était une simulation. Avez-vous déjà vu des putschistes qui n’occupent aucune place publique, qui lancent leur communiqué sur des radios privées et non sur la radio nationale, sans tenter d’encercler l’aéroport, la banque, la présidence ?
Ce putsch bidon avait deux objectifs : prétendre que le pouvoir avait changé de mains afin que les manifestants quittent la rue. Simuler un coup d’Etat afin de faire échec au sommet de Dar es Salaam où Nkuruziza devait comparaître devant ses pairs et risquait d’être déclaré non éligible.
Dans un même coup, il a fait échouer le sommet, stoppé le mouvement de la rue et détruit les radios privées….Comment organiser des élections démocratiques lorsque le droit à la parole est bafoué, que l’information ne circule pas ?Le putsch a aussi permis d’éliminer certains individus gênants comme le général Nyombare, auteur du coup, qui a disparu…
Votre alliance avec l’UPRONA montre que le problème d Burundi n’est pas ethnique ?
Certainement pas. Le vrai problème c’est le sectarisme, la mauvaise gouvernance…Les antagonismes ethniques ne sont pas totalement dépassés car même aujourd’hui le CNDD en mal d’arguments revient sur cette histoire d’ethnisme et dit que le putch a été motivé par les Tutsis qui voulaient reconquérir le pouvoir, mais le peuple n’est pas naïf….
Propos recueillis à Bujumbura
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