Ancien premier ministre de Tanzanie et ancien secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine, Salim Ahmed Salim interpelle le gouvernement burundais, l’Union africaine, et la communauté internationale. Il demande à ce que des mesures concrètes soient prises pour la préservation de la paix durement acquise par le Burundi et la région.
Il y a quinze ans, quand j’occupais le poste de secrétaire général de l’Organisation de l’unité africaine, je me portais témoin d’un accord de paix historique à Arusha, en Tanzanie, annonçant la paix au Burundi après une décennie éprouvante de guerre civile. Aux côtés de Nelson Mandela, j’ai été témoin du commencement d’une nouvelle ère pour un pays déchiré par le conflit, dans une région bouleversée par le génocide qui s’est déroulé au Rwanda voisin.
Je crains que cette paix difficilement acquise soit confrontée à une menace imminente. Une tentative de coup d’Etat la semaine dernière est le signe le plus récent que le Burundi est à nouveau au bord du gouffre. Il est urgent de prendre des mesures immédiates pour permettre la désescalade des tensions, ou le pays pourrait sombrer à nouveau dans la guerre civile.
« Pierre Nkurunziza doit reconnaître que les conditions politiques et sécuritaires sont tout simplement inexistantes pour qu’un processus électoral puisse se dérouler »
Le moment est venu que le président Pierre Nkurunziza et son gouvernement respectent les principes de la bonne gouvernance. Pour le bien de tous les Burundais, nous devons leur demander de restaurer l’unité de leur pays à travers le dialogue et une série d’étapes concrètes.
Avant tout, le président doit reconnaître que les conditions politiques et sécuritaires sont tout simplement inexistantes pour qu’un processus électoral crédible, transparent et inclusif puisse se dérouler. Réunir ces conditions doit être la priorité du gouvernement et de la communauté internationale.
Ensuite, le gouvernement doit prouver son engagement pour la démocratie en respectant les libertés fondamentales de réunion et d’expression. Les manifestants ne doivent pas être assimilés aux putschistes qui ont tenté de prendre le pouvoir. Peu importe que le président puisse ou non se présenter pour un troisième mandat, les Burundais ont le droit de manifester pacifiquement et d’exprimer leurs opinions publiquement sans risquer d’être violemment attaqués par la police.
Le gouvernement doit aussi lever les restrictions sur les médias et sur l’accès à Internet. Refuser l’accès à l’information crée un climat d’incertitude et de rancune et contribue à alimenter les tensions. Les effets des détentions arbitraires et des violations des droits de l’Homme sont néfastes, et sont contraires tant aux normes internationales qu’aux fondements de l’Etat de droit. Tous ceux qui ont été arrêtés arbitrairement et qui sont actuellement détenus par la police doivent être libérés immédiatement.
« Le gouvernement doit disperser les groupements violents et les dissoudre. Les jeunesses du parti au pouvoir, les Imbonerakure, sont particulièrement inquiétantes »
Enfin, le gouvernement doit disperser les groupements violents et les dissoudre. Les jeunesses du parti au pouvoir, les Imbonerakure, sont particulièrement inquiétantes. De plus, les leaders de l’opposition doivent appeler à la retenue tout élément violent qui prendrait part aux manifestations.
La responsabilité n’incombe pas seulement au gouvernement du Burundi. La communauté internationale, et en particulier l’Union africaine, la Communauté d’Afrique de l’Est, et les Nations unies, joue un rôle indispensable pour la restauration de la paix au Burundi.
Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine s’est prononcé avec vigueur, exprimant sa détermination à imposer des sanctions envers ceux qui font usage de la violence, appelant au déploiement d’observateurs des droits de l’homme et à une planification d’urgence pour le déploiement potentiel d’une mission de maintien de la paix pour protéger les civils. Cet engagement fort doit se traduire dans les actes.
Pour éviter tout futur recours à la violence, il est nécessaire que la menace d’utiliser « tous les moyens nécessaires » contre les auteurs de violence soit crédible. L’Union africaine doit inviter pour cela le Conseil de sécurité à établir un régime de sanctions pour le Burundi. De la même manière, le déploiement d’observateurs des droits de l’Homme pourrait constituer une mesure essentielle pour dissuader toute tentative d’abus contre les droits de l’homme. Les négociations à ce sujet doivent débuter sans tarder pour que ces observateurs puissent être envoyés au plus vite.
Une autre mesure dissuasive essentielle sera la lutte contre l’impunité. Ceux qui incitent ou commettent des actes de violence doivent prendre conscience qu’ils seront tenus personnellement responsables, peu importe leur position ou leur affiliation politique. Le Burundi étant un Etat parti à la Cour pénale internationale, ceux qui incitent ou commettent des crimes atroces s’exposent au risque de poursuite pénale.
« En l’absence d’une action internationale coordonnée pour calmer la situation, je redoute de graves conséquences »
Personne ne doit sous-estimer l’enjeu du conflit : une guerre civile entre 1993 et 2005 a coûté la vie à plus de 300 000 vies et déplacé un million de Burundais. Tant l’histoire du Burundi que celle du Rwanda voisin a mis à jour les conséquences tragiques de l’inaction des décideurs ou de leur échec à contenir les violences.
Au Rwanda, plus de 800 000 Tutsis et Hutu modérés ont été tués en l’espace de 100 jours, en 1994. En plus du bilan humain qui serait désastreux, une réactivation du conflit annulerait l’accord d’Arusha et déstabiliserait la région tout entière. En l’absence d’une action internationale coordonnée pour calmer la situation, je redoute de graves conséquences.
Quand je me suis fièrement porté témoin des accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi en 2000, je partageais l’espoir de tous les Burundais que ces accords soient préservés comme fondations de la paix. A ce moment clé pour l’histoire du Burundi, j’appelle toutes les parties à engager un dialogue constructif pour la préservation de la paix au Burundi et dans l’ensemble de la région.
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