Chine : Xi Jinping ou la « poutinisation » du pouvoir

Redigé par IGIHE
Le 24 octobre 2016 à 12:43

Les quelque quatre cents femmes et hommes politiques les plus puissants de Chine sont réunis en conclave à compter de ce lundi 24 octobre. Lors de ce sixième plénum du Comité central du Parti communiste chinois (PCC), il sera officiellement question de la « discipline » du parti, mais, officieusement, se pose déjà la question de la succession du secrétaire général. Les spéculations vont bon train car Xi Jinping s’accrocherait au pouvoir.
Un tour sur le marché aux puces Panjiayuan, au sud de Pékin, (...)

Les quelque quatre cents femmes et hommes politiques les plus puissants de Chine sont réunis en conclave à compter de ce lundi 24 octobre. Lors de ce sixième plénum du Comité central du Parti communiste chinois (PCC), il sera officiellement question de la « discipline » du parti, mais, officieusement, se pose déjà la question de la succession du secrétaire général. Les spéculations vont bon train car Xi Jinping s’accrocherait au pouvoir.

Un tour sur le marché aux puces Panjiayuan, au sud de Pékin, suffit pour se rendre compte du culte de la personnalité autour de l’homme fort de la Chine. Les assiettes à l’effigie de Xi Jinping, secrétaire général du Parti communiste et président du pays, partent comme des petits pains, pour 10 euros pièce : « Du président Xi Jinping, j’en vends beaucoup, se réjouit cette vendeuse, il lutte contre la corruption et pense au peuple, alors nous le portons dans notre cœur ».

Grand sourire aux lèvres, la dame d’une cinquantaine d’années effleure le portrait du président de sa main et lance : « Nous n’avons pas le droit de vote, mais, d’après moi, s’il reste au pouvoir, c’est mieux. » Même son de cloche au stand d’à côté où Chen Guangfu, chiffon en main, astique les portraits en porcelaine de Xi, alignés à côté du Grand Timonier : « Voici le président Mao, fondateur de la Chine, et là, Xi qui nous a guidés vers le bien-être. Grâce à lui, la Chine est prospère et forte aujourd’hui. »

« Xi Jinping admire beaucoup Mao »

Dès qu’il a pris la tête du Parti communiste en novembre 2012 et les rênes du pays en mars 2013, Xi Jinping s’est attelé à consolider sa position. Le parti, la police, l’armée, la propagande ou encore la société civile : le numéro 1 chinois a tout verrouillé et accumule les pouvoirs. Du jamais-vu depuis l’époque de Mao, estime Eric Meyer, auteur de nombreux livres et éditeur de la newsletter hebdomadaireLe vent de la Chine. « Xi Jinping admire beaucoup Mao. Pendant 25 ans, sous Deng Xiaoping, le PCC a été paralysé du fait de l’obligation de consensus et de l’interdiction d’un homme fort. Xi Jinping compte être cet homme fort pour faire bouger les choses et pour briser le glacier des privilèges en place », précise-t-il.

Le numéro un chinois le martèle à toute occasion : « Il n’y a plus aucun corrompu qui peut se cacher au sein du Parti communiste. » En trois ans, un million des 88 millions de membres du parti ont été sanctionnés et parmi eux des dizaines de hauts cadres, appelés les « tigres » dans le jargon du parti, à l’instar de l’ex-patron de la Sécurité publique Zhou Yongkang qui, comme des dizaines d’autres, passera le reste de ses jours derrière les barreaux, en dépit de l’accord non-écrit exemptant de disgrâce les ex-hauts-dirigeants.

« Aujourd’hui, il est isolé et impopulaire parmi les siens »

Certes, cette campagne anti-corruption séduit l’opinion publique, mais, selon Nicolas Bequelin, directeur pour l’Asie de l’Est auprès de l’ONG Amnesty International, Xi Jinping s’en sert aussi pour se débarrasser de ses rivaux et pour museler toute opposition interne. « Il y a un effet de peur et d’intimidation avec cette campagne qui est extrêmement teintée d’opportunisme politique […], et donc, tout le monde attend de voir dans quel sens le vent tourne. Il s’agit surtout de ne pas faire d’erreurs », explique-t-il.

Cette purge au sein du parti communiste a déclenché une guerre fratricide sans merci dans les rangs du parti, si l’on en croit l’historien et fin connaisseur du PCC, Zhang Lifan. « Xi Jinping s’est attaqué aux privilèges de ses rivaux. Aujourd’hui, il est isolé et impopulaire parmi les siens. Mais comme ils sont corrompus, il les tient à la gorge », remarque-t-il. Selon ce chercheur indépendant, les cadres du PCC ont trouvé cette parade : « Ils font semblant d’exécuter les ordres, mais en réalité ils font de l’obstruction », une paralysie qui bloquerait aujourd’hui toute réforme lancée par Xi Jinping.

Le sixième plénum qui réunit quelque 400 membres du Comité central en session plénière servira de baromètre au secrétaire général. Après les quatre jours de conclave, il saura en effet mieux, si, oui ou non, il contrôle ses troupes et si, oui ou non, il pourra compter sur leur soutien pour se maintenir au pouvoir.

« Son modèle est Vladimir Poutine »

Après deux mandats, Xi Jinping doit normalement se retirer en 2022, mais l’historien indépendant Zhang Lifan est convaincu qu’il s’accrochera à son fauteuil, par pure crainte de faire l’objet d’une revanche de ses rivaux : « Plus il accumule les pouvoirs et plus il met les cadres sous pression, plus il lui sera impossible de partir à la retraite. Cela l’exposerait trop au risque d’une revanche. Son modèle est Vladimir Poutine. Il apprend ses techniques et exploite ses expériences pour se maintenir au pouvoir. »

Pourtant, en 2022, Xi Jinping aura 69 ans et une règle tacite oblige tout secrétaire général à se retirer à l’âge de 68 ans. Il pourrait donc commencer par abolir cette règle du « 7 monte, 8 descend », c’est-à-dire qu’à 67 ans, on est promu et à 68, on part à la retraite. S’il autorise Wang Qishan, son fidèle soldat et « Monsieur anti-corruption », à rester membre du Comité permanent alors qu’il est censé prendre sa retraite, cela créerait un précédent dont Xi, lui-même, pourrait profiter pour se maintenir au-delà de l’âge limite.

C’est lors du dix-neuvième Congrès prévu pour fin 2017 et censé le reconduire comme secrétaire général que Xi Jinping devra normalement désigner son successeur. Seulement voilà : jusqu’à présent, aucun héritier n’est en vue.

Avec rfi.fr


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