Démocratie pluraliste ou démocratie régulée ; le Rwanda à l’heure du choix

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 2 mars 2016 à 02:11

Les récentes élections des instances de base montrent à quel point le Rwanda politique ne se remet pas de son histoire mouvementée parsemée de massacres ethniques (1959, 1961, 1963) et finalement de génocide des Tutsi de 1994 ; le tout se faisant dans un environnement politique désastreux.
En effet pogroms et génocide se sont fait dans un climat politique empreint de mauvais jeux et tricheries criminelles pour se jucher au pouvoir (1959 avec la Révolution des Bahutus) ou garder le contrôle dudit (...)


Les récentes élections des instances de base montrent à quel point le Rwanda politique ne se remet pas de son histoire mouvementée parsemée de massacres ethniques (1959, 1961, 1963) et finalement de génocide des Tutsi de 1994 ; le tout se faisant dans un environnement politique désastreux.

En effet pogroms et génocide se sont fait dans un climat politique empreint de mauvais jeux et tricheries criminelles pour se jucher au pouvoir (1959 avec la Révolution des Bahutus) ou garder le contrôle dudit pouvoir qui risquait de basculer à l’opposition frontale au MRND (Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement du Gén. Juvénal Habyarimana-1973-1994).

Ce dernier mouvement politique a été dévié de la lutte politique normale pour lui habiller une forme de guerre tribale où plus d’un million de civils Tutsi ont été pourchassés et massacres. Un glissement idéologique d’une cruauté sans égale s’est opéré dans la société rwandaise au point qu’une apocalypse s’est abattue sur le Rwanda du 7 avril au 4 juillet 1994.

Un multipartisme soudain dans un océan de ressentiments

Dans la foulée de la Conférence de la Baule de 1991 décrétant un multipartisme imposé aux régimes africains on a vu des formations politiques naître n’importe comment. Elles n’obéissaient pas dans la pratique aux idéologies rationnelles qui ne transparaissaient que dans la dénomination de ces partis.

Le Parti Socio Démocrate qui, dans la période qui a suivi son enregistrement officiel (1991-1993), devait assumer une idéologie d’un parti de la classe moyenne des fonctionnaires, médecins, professions libérales et autres enseignants de ce temps-là, a embrassé un régionalisme avec un cachet de sudiste contre les fondateurs du MRND nordistes. Le PL a, lui aussi, été créé par les grands patrons d’alors hôteliers et autres gros importateurs et exportateurs. Mais il n’a pas fait longtemps avant de prendre un cachet de parti des Tutsi.

La suite on la connaît. Au lieu de s’asseoir et rédiger un code de conduite et d’éthique du politicien, le vent de la haine et des sentiments rancuniers a soufflé pour arriver à son sommum de génocide des Tutsi de 1994.

Pourquoi une démocratie régulée actuelle ?

Au fond on se dira que toute recette culturelle ordonnée de l’étranger peut être interprétée différemment d’une société à l’autre. Depuis le redécollage de la société rwandaise après le génocide et la faillite totale de l’Etat rwandais, force est de constater que la nouvelle structure de Concertation des Partis Politiques Agréés dans le pays n’a pas fait bouger sensiblement la structure idéologique des partis rwandais.

Dans un premier temps, dans la conscience populaire, il a été collé au PL de parti de rescapés. Cela a gâché tout un capital idéologique de ce parti qui aurait dû déployer ses stratégies de création ou de parrainage du patronat rwandais et lui donner des formats d’occupation et de leadership de l’espace commercial et industriel du pays. Mauvais impact ? Comme la direction de ce parti théoriquement de gros magnats a été reprise par de hauts fonctionnaires du régime et non par de grands noms du business rwandais, la quintessence idéologique a glissé.

Le FPR l’a aisément récupéré autant qu’il a récupéré le couloir idéologique du PSD. En effet, ce parti n’a jamais défini sa ligne politique montrant qu’il protège les intérêts des classes moyennes faites de petits commerçants, de professions libérales, de moyens fonctionnaires de l’Etat et du secteur privé…

Ces deux partis PL et PSD qui devaient être promis à une carrure nationale manquent donc de stratèges politiques et idéologues afin de deviser avec le FPR moteur du régime pour leurs contributions exemptes de toute arrière-pensée ou de manque de fair play politique.

C’est dans ce contexte de fragilité politique liée au fait que les idées politiques rationnelles qui devaient être professées par les partis politiques agréés et même non agréés dans le pays ne suivent pas l’environnement des affaires, des activités politiques et d’une certaine configuration sociale tardent à se mettre en place accroissant ainsi un capital de confiance mutuelle entre politiciens rwandais dans leur diversité et pluralisme d’idées.

De deux, les élections des instances de base qui viennent de prendre fin ce lundi 1er mars 2016 où les drapeaux des partis n’ont pas été déroulés ; des élections qui avaient pour principe essentiel l’appréciation du candidat sans mention de son parti d’affiliation n’ont d’autre signification que cette pauvreté idéologique de la part de très larges sections de la société rwandaise.

Remodelage de l’arène politique et expansion industrielle

Au moment où des programmes essentiels de renforcement de capacité des citoyens rwandais vont bon train avec l’électrification rurale, la consolidation des terres parfaitement cadastrées avec droit de propriété individuelle, la distribution spatiale d’institutions de microfinance et bancaires, il est temps que la politique industrielle nationale soit renforcée pour jeter des passerelles entre industries et centres de recherche afin de résorber les milliers de jeunes universitaires jetés sans défense sur le marché du travail.

Les politiciens rwandais devraient dans leurs Etats-majors respectifs réfléchir sur ce défi national de l’heure autant que d’autres et ainsi assumer leurs idéologies de partis tout en tentant de construire un Etat rwandais parfaitement multipartiste conséquent.

Ailleurs on voit des partis socialistes qui défendent les revendications des travailleurs et le pouvoir d’achat citoyen. On voit des partis libéraux qui luttent pour de grands privilèges des capitalistes en suggérant à leurs Etats des mémorandums pour la protection des industries de l’automobile, …

Pourquoi nos partis libéraux ne s’appliqueraient-ils pas à encadrer les industriels rwandais pour qu’ils produisent davantage de produits finis rwandais exportables dans la région et sur le marché international ?

La foire des produits rwandais qui se déroule en ce moment à l’ExpoGround de Gikondo montre que l’industrie rwandaise est délaissée, que la volonté politique de raviver ce secteur pèse moins que le capital de volonté politique investi dans le secteur des services touristiques et hôteliers.

En foi de quoi, il faut dire que cette option politique d’une économie orientée vers les services ne permet pas à la longue une éclosion de la culture démocratique pluraliste saine car des effets économiques indésirables s’invitent dont le chômage et d’incontournables récessions économiques récurrentes.


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