Karveli, quand la pâtisserie française vient tenter les papilles ougandaises

Redigé par RFI
Le 20 mars 2018 à 09:11

A Kampala, la francophonie se déguste, et se partage. Restaurant prisé de la capitale ougandaise, le Karveli intègre également une boulangerie-pâtisserie tenue par un chef français. Dans les coulisses, les jeunes ouvriers ougandais sont formés dans la plus pure tradition de la gastronomie française.

« La gourmandise, ce si joli défaut » : déclinée en lettres d’or ou chocolat, dans différentes tailles, la petite maxime écrite sur un film glacé enrobe les forêts noires, tartes au citron et autres spécialités pâtissières françaises dans les présentoirs du Karveli. Nous sommes loin des imposants gâteaux d’anniversaire tout en sucre et bourrés de colorants alimentaires tape-à-l’oeil que l’on trouve habituellement dans les pâtisseries kampalaises. Ouvert depuis un peu moins d’un an, le Karveli est un restaurant cossu, situé dans un quartier d’ambassades, et dont la principale particularité réside dans le fait qu’il se double d’une boulangerie-pâtisserie, tenue par Pascal Hosten.

Ce pâtissier-bourlingueur, Bordelais d’origine, a travaillé dans de nombreux hôtels, restaurants et autres établissements à travers le monde : aux Etats-Unis, en Chine, ou encore dans toutes les Caraïbes, où il a partagé son savoir-faire, avant de découvrir l’Afrique, via le Burundi et le Rwanda, où il travaille alors pour le célèbre restaurant de Kigali, La Brioche. Puis il se décide à pénétrer davantage en terre païenne pour la gastronomie française : l’Afrique anglophone.

S’adapter à la clientèle

« Ce n’est pas nous qui l’avons trouvé, sourit Daphny Natangaza, c’est lui qui nous a découverts. Il a vu ce que nous faisions et nous a expliqué que nous pouvions améliorer nos produits. » A 25 ans, Daphny est la véritable initiatrice et patronne du Karveli. Après un séjour en Europe, cette jeune ougandaise décide, en s’associant à ses deux frères et à son père, de monter ce restaurant un peu spécial, avec l’idée d’installer « un bout d’Europe, ici en Ouganda ». « Tout ce qu’il y a ici, c’est elle qui l’a pensé, imaginé », reprend Pascal Hosten.

Daphny tient absolument alors à ce que la structure intègre une pâtisserie, et pas n’importe laquelle. « Si nous avons choisi la pâtisserie française, c’est parce que c’est la meilleure au monde », poursuit-elle en riant. Mais le défi n’était pas remporté d’avance. « Il a fallu s’adapter à la clientèle, explique Pascal Hosten. Les croissants marchent bien, ainsi que les entremets et certains gâteaux composés. D’une manière générale, les consommateurs préfèrent ici ce qui a un goût assez prononcé. »

Une école de pâtisserie

Pour séduire, le pâtissier mise sur la qualité des produits et assure qu’il « ne lésine pas sur la dépense. » L’autre secret, c’est la transmission, qui permet de « déléguer les tâches, et former de futurs professionnels dans ce domaine ». Et le Karveli n’a pas hésité à employer les grands moyens. Dans le « laboratoire » de Pascal Hansen, s’affaire une dizaine de jeunes ougandais, la tête coiffée de charlottes hygiéniques. « Ils viennent d’abord effectuer un petit stage. Nous les observons, et très rapidement, nous voyons qui a le potentiel pour devenir un bon ouvrier », poursuit Pascal. « Mais il s’agit avant tout d’une démarche, personnelle et professionnelle. Nous les laissons nous demander, et s’ils veulent nous rejoindre, nous les prenons avec nous ».

Fine et élancée, le visage fier, quelques traces de farine sur les joues, Séraphine s’affaire sur une fournée de croissants. « En arrivant le matin, je prépare les ingrédients pour les pâtisseries, ensuite je fais les croissants aux amandes, puis je me mets aux gâteaux pour le matin, etc. » Intarissable sur les tâches qu’elle doit effectuer, elle se dit « très contente » de travailler au Karveli. « Un ami m’en avait parlé, et je suis venu essayer. Et après avoir été en stage pendant trois mois, j’ai eu cet emploi. Ça m’a tout de suite plu. Ils nous apprennent tout depuis le début. Nous pouvons poser toutes les questions que nous voulons. » Pour le moment, Séraphine garde la tête froide, mais elle espère pouvoir se rendre en Europe « avant la fin de l’année ». Elle compte à terme démarrer une petite entreprise de boulangerie parce que maintenant elle sent qu’elle « a suffisamment de connaissances. » Comme les autres jeunes au « laboratoire », Séraphine est correctement rémunérée, et l’établissement prend en charge ses frais de transport et de nourriture. « Elle n’est pas là depuis plus de sept mois, mais c’est probablement la meilleure d’Ouganda, à ce niveau. Elle possède déjà toutes les bases », commente Pascal, qui peut déjà lui déléguer une partie de la préparation. « Dans un an, elle aura le niveau de n’importe quel ouvrier pâtissier français. »

Les « ouvriers » ainsi formés se voient remettre un certificat, mais Pascal regrette que celui-ci ne soit pas reconnu, même si « nous espérons pouvoir avoir des équivalences ». Daphny a d’ailleurs de grandes ambitions en termes de formation pour l’avenir. « Apporter des compétences est réellement important pour moi, confirme-t-elle. Un de nos rêves serait d’ailleurs de pouvoir fonder une véritable école hôtelière de haut niveau. »


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