Le Père Maindron à Kibeho : Au service de la Vierge et de la CDR

Redigé par IGIHE
Le 31 août 2015 à 08:07

La revue catholique Golias s’intéresse de très près à la macabre histoire du Rwanda depuis ses convulsions des années d’avant l’indépendance. La revue montre que les missionnaires et autres membres blancs du clergé rwandais d’alors dont le Père Maindron poursuivaient des visées plus politiques que celle de ’sauveurs’ des âmes ou de pères spirituels des citoyens rwandais ruraux.
Gouteux, auteur de ce texte n’y va pas quatre chemins. Des pogroms de 1959, 1963 ; il montre que 1994 et le génocide des Tutsi (...)

La revue catholique Golias s’intéresse de très près à la macabre histoire du Rwanda depuis ses convulsions des années d’avant l’indépendance. La revue montre que les missionnaires et autres membres blancs du clergé rwandais d’alors dont le Père Maindron poursuivaient des visées plus politiques que celle de ’sauveurs’ des âmes ou de pères spirituels des citoyens rwandais ruraux.

Gouteux, auteur de ce texte n’y va pas quatre chemins. Des pogroms de 1959, 1963 ; il montre que 1994 et le génocide des Tutsi n’est que le point culminant d’une haine contre le tutsi attisée au fil des ans et Abbé Maindron peut la cacher en créant un "Lourdes rwandais"
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A Gikongoro, en 1963, se déroulent les massacres de Tutsi les plus importants de la période 1959- 1967. C’est là qu’ils prennent le caractère génocidaire qu’ils auront en I 990-1994. Dès cette période, les Tutsi sont tués par familles entières. Dans la seule préfecture de Gikongoro, où se trouvent Kibeho, Kaduha et Cyanika, huit mille à quatorze mille Tutsi sont massacrés sur l’ordre du préfet André Nkeramugaba.

Il s’agit d’un plan organisé d’extermination. Comme pour exclure définitivement ces massacres de la mémoire collective rwandaise, des religieux convaincront ensuite le régime de faire de ce lieu une sorte de grotte de Lourdes africaine. Kibeho deviendra, dans la représentation populaire, une place d’apparition mariale et de miracles...

Les récits de collégiennes faisant état d’apparitions de la Vierge seront diffusés par les médias catholiques et la radio d’Etat. Ces apparitions mêlent un mysticisme religieux trivial et une propagande débridée pour le MRND/Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement, parti unique depuis 1973. Apparitions et propagande se prolongeront jusqu’en 1994, sans s’interrompre pendant le génocide.

Douze ans après le signalement des premiers « phénomènes mariaux » selon l’expression utilisée par le Vatican, les Tutsi seront à nouveau sauvagement massacrés sur les lieux des tueries précédentes. Dans les églises et les paroisses de Kibeho, Kaduha et Cyanika, cent cinquante mille civils sont exterminés en avril 1994. Essentiellement des familles regroupées par les autorités « pour les protéger ».

Interrogée par Radio-Rwanda, alors que le génocide se déroulait sous ses yeux, l’une de ces collégiennes mystiques, présentée comme un médium communiquant avec la Mère de Dieu, dira : « Le Christ n’aime pas que l’on tue, bien sûr. Mais la Vierge Marie va intercéder auprès de son fils pour qu’il nous comprenne ».

Répercutée sur les ondes par Radio-Rwanda, la radio nationale concurrente de la RTLM pour l’appel au meurtre, cette propagande, dans un pays catholique à près de 90 %, s’avère terriblement efficace. Malgré cela, cette nouvelle mystique mariale sera officiellement reconnue par les autorités catholiques autorisées en 2001. L’Eglise catholique reconnait officiellement que la Sainte Vierge est apparue à trois filles de l’endroit : Alphonsine Mumureke, Nathalie Mukamazimpaka et Marie-CIaire Mukangango.

Dès l’origine, l’abbé Gabriel Maindron est l’un des principaux animateurs et organisateurs du projet consistant à faire de Kibeho le « Lourdes du Rwanda ". Mais en même temps qu’il manage les « apparitions » de la Vierge, le prêtre français s’emploie aussi à canaliser la foi candide de la population dans le soutien inconditionnel au régime.

Ceci est bien établi par le " livre pieu " qu’il a lui-même consacré à ces apparitions, où il fait également l’apologie du président Habyarimana.
Son zèle progouvernemental lui permet d’établir des liens étroits avec I’akazu. II est d’ailleurs décoré de « l’Ordre national de la paix », avec le grade d’officier, le 5 juillet 1981.

La présidence offre à Gabriel Maindron la logistique nécessaire pour drainer les foules vers Kibeho. Zélateur à la fois du parti raciste CDR/Coalition pour la Défense de la République et de la Vierge, l’abbé Maindron aura su enseigner simultanément ces deux cultes à ses ouailles. Il dit en effet avoir vu, pendant le génocide, des tueurs munis de chapelets « pour que la Vierge Marie les aide à débusquer les Tutsi survivants ».

II rapporte également que d’autres se recueillaient devant la statue de la Vierge avant de se livrer aux plus abominables tueries.

Le Père Maindron a été témoin du massacre des Bagogwe. Après la campagne d’extermination de 1990 et 1991, quelques rescapés de cette communauté sont venus se réfugier dans sa région, vers la crête Congo-Nil. Son ami le bourgmestre de Rutsiro, Raphaël Benimana, prévoit alors pour eux un plan d’évacuation forcée : ils sont installés d’office dans un camion-benne qui les déchargera dans un précipice de la colline de Kabaya. Tous périront.

En 1993, au moment de l’enquête internationale sur la violation des droits de l’homme au Rwanda, Gabriel Maindron fait signer un texte de soutien à ce bourgmestre par quelques Bagogwe qui ont échappé à d’autres massacres, en exerçant un chantage à l’aide prévue pour les « déplacés » et en usant de son autorité. L’un d’eux, Boniface Niragira, un des très rares rescapés de toutes ces opérations de « nettoyage », révèle l’incroyable cynisme de ce prêtre : « L’abbé Maindron vint nous faire signer de fausses déclarations selon lesquelles notre bourgmestre était innocent, victime de calomnies. [...] Contraints et forcés nous avons signé ». Puis, muni de ce papier, Gabriel Maindron entreprend les démarches nécessaires auprès de l’ambassade de France à Kigali, où il a l’habitude de se rendre.

Aux dernières nouvelles, l’abbé Maindron coule des jours paisibles à Fontenay-le-Vicomte, dans le diocèse de Luçon-en-Vendée.

Jean-Paul Gouteux,

Extrait du bimestriel mars/avril 2005

Golias nr 101

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