Violées, enfants de viols et de bourreaux, rescapés ; tous ensemble avec la CNUR

Redigé par Jovin Ndayishimiye
Le 4 avril 2016 à 08:09

Le génocide des Tutsi hante toujours les criminels qui se cachent ou tentent de justifier leur sauvage entreprise par son négationnisme croyant pouvoir bénéficier d’un répit, de se dédouaner de ce crime imprescriptible. Leur conscience n’est pas du tout au repos. Ce cruel cachet, les jeunes femmes violées et les enfants issus de cette union forcée luttent eux aussi. Contrairement aux premiers, ils lancent un SOS aux médecins psycho cliniciens et autres sociologues pour les aider, 22 ans après, à (...)


Le génocide des Tutsi hante toujours les criminels qui se cachent ou tentent de justifier leur sauvage entreprise par son négationnisme croyant pouvoir bénéficier d’un répit, de se dédouaner de ce crime imprescriptible. Leur conscience n’est pas du tout au repos. Ce cruel cachet, les jeunes femmes violées et les enfants issus de cette union forcée luttent eux aussi. Contrairement aux premiers, ils lancent un SOS aux médecins psycho cliniciens et autres sociologues pour les aider, 22 ans après, à guérir de ce traumatisme profond qui ne les quitte pas.

La CNUR (Commission Nationale de l’Unité et Réconciliation) qui les encadre est consciente que HPF- Hope & Peace Foundation au sein de laquelle ces jeunes gens, dames, filles et garçons sont rassemblés est une initiative louable surtout qu’ils y sont associés avec les jeunes rescapés du génocide mais aussi les enfants de familles dont les parents ont commis le génocide et sont écroués dans les prisons du pays.

Tous, la CNUR leur offre différentes occasions de débattre sur l’ampleur du crime et comment s’en débarrasser dans leur vécu quotidien. Est-ce assez ? Ces jeunes appellent des mains secourables pour les organiser. Ils sont l’espoir pratique de la véritable Unité et Réconciliation du Rwanda.

En plein travaux de réhabilitation d’une habitation d’un des leurs

Depuis l’arrêt du génocide des Tutsi et la faillite totale de l’Etat rwandais en 1994, les nouveaux dirigeants du Rwanda n’ont cessé de réfléchir sur des solutions internes au foisonnement de questions difficilement solubles. Il fallait penser unité et réconciliation dans l’optique de reconstruire le pays. Autrement dit la Commission Nationale de l’Unité et Réconciliation a dû concevoir des stratégies consistant à amener les victimes à envisager la possibilité de revivre avec leurs voisins qui ont été transformés en criminels de génocide par un régime politique de Habyarimana (1973-1994). Les aveux de culpabilité et la demande de pardon suivis d’une disposition positive des victimes à comprendre leurs bourreaux, voilà ce qui a rendu possible le revivre ensemble des Rwandais et tout un peuple réconcilié pour transformer positivement leur environnement immédiat et vaincre la pauvreté, ennemi public numéro un des Rwandais.

Les programmes d’Unité et Réconciliation de la CNUR ont été menés en synergie avec ceux d’une éducation civique de la Commission ITORERO pour apprendre aux Rwandais à dépasser les barrières ethniques. Mais c’est la trouvaille Gacaca traditionnelle avec ses milliers de tribunaux semitraditionnels qui a vite fait de hâter l’Unité et la Réconciliation des rwandais. D’autres programmes comme les camps de solidarité ou les travaux communautaires dits UMUGANDA ont été des espaces de débats importants sur la rwandité –Ndi Umunyarwanda- pour un déclic consistant à dépasser pour de bon les idéologies ethnocentristes rétrogrades pour enfourcher le train de la transformation socio économique de la société rwandaise.

Ici et là des initiatives, des centres actifs de réflexion sur ce qui a divisé les Rwandais au point de se génocider se sont créés sur les collines, dans les universités. Personne ! Aucun Rwandais se sent ne pas être interpellé par les pires malheurs qui se sont abattus sur la société rwandaise. Beaucoup d’intellectuels rwandais se sentent appelés à apporter chacun sa pierre pour conjurer ce mal. Tous prêtent leur main forte à la Commission Unité et Réconciliation dans la lutte pour l’éradication complète des séquelles laissées par ce génocide des Tutsi de 1994 de triste mémoire.

Honorine Uwababyeyi, une jeune fille frisant la trentaine et Eric Ntare, tous rescapés du génocide viennent de fonder une association dénommée Hope & Peace Foundation. Cette Fondation rassemble actuellement 74 enfants nés de viols au cours du génocide des tutsi de 1994, 118 jeunes rescapés, 141 jeunes enfants issus de familles dont les parents se sont trempés dans des actes de génocide et 8 vieux esseulés laissés-pour-compte.

"Depuis 2013, date de la création de cette Fondation, je réfléchis de plus en plus sur le caractère profond de l’unité et de la réconciliation parmi les Rwandais. Il est vrai que j’ai fait mon université en Psychologie. J’ai eu l’idée de faire une thérapie sociale des mères violées pendant le génocide des Tutsi de 1994. Celles-ci avaient du mal à accueillir ce malheur qui s’est abattu sur elles. Elles vivaient mal le fruit de ces viols. Tout autant, les enfants issus de ces viols vivent un cauchemar de ne pas savoir pourquoi ils sont venus sur terre de cette façon",

a confié Honorine Uwababyeyi qui rapporte comment elle organise des séances de thérapie en amenant la mère violée et l’enfant, fruit de ce viol à dialogue, à s’accepter et assumer leur histoire.

"Avec ce dialogue, les femmes violées se sentent allégées. Elles reprennent de l’espoir de revivre car, pour elles, il y a des gens qui comprennent leurs problèmes, leur cruelle histoire", a dit Honorine qui trouve que ces femmes "ont besoin d’un protocole" :

"Dans mes observations, il leur faut une assistance médicale très rapprochée c-a-d un accompagnant, un corps d’infirmiers et de psychologues qui est à leurs soins et suivre leur évolution curative".

Honorine Uwababyeyi au cours d’une séance de thérapie sociale

Au cours de sa petite existence, Hope &Peace Foundation aura fait beaucoup de chose. HPF étant active actuellement en Ville de Kigali, dans deux districts du Nord (Rulindo et Gicumbi), du Sud (Kamonyi et Ruhango), de l’Ouest (Nyamasheke et Karongi) et de l’Est (Rwamagana et Bugesera), La directrice évoque le fait qu’à chaque descente sur le terrain, elle fonde une antenne régionale active.
"Nous aidons les jeunes issus de diverses parties à se prendre en charge et à dépasser le triste malentendu social rwandais pour qu’ils le dépassent et regardent vers l’avenir avec sérenité et confiance.

"Le coordinateur du Club Unité et Réconciliation de Rutunga en district de Gicumbi donne un témoignage émouvant. On lui jetait des pierres au passage alors qu’il allait visiter son père criminel de génocide. Quand nous sommes arrivés à Rutunga et organisé des séances de thérapie sociale à laquelle participaient tous les jeunes du village, il a été choisi comme coordinateur du Club. La fille de la famille génocidée par son père a compris que ce dernier est seulement victime d’être né d’une famille de criminels. Elle a dépassé ces clichés sociaux pour accepter de l’épouser",
a dit Honorine qui trouve que le travail de thérapie psychologique que fait Hope &Peace Foundation devrait être repris par de larges sections de la société civile rwandaise et aider ainsi es efforts de la Commission Nationale de l’Unité et Réconciliation.


Hope&Peace Foundation
rejoint parfaitement le souci de la politique de la réconciliation telle que professée par la Commission Nationale pour l’Unité et la Réconciliation. Cette association veut y aller de façon profonde :

"Nous ne pouvons pas ramener la pendule du temps en arrière tout autant que nous ne pouvons pas effacer du livre d’histoire les événements cruels innommables qui sont abattus sur le Rwanda. Néanmoins, nous avons la capacité de préparer un avenir meilleur du Rwanda et faire en sorte que plus jamais la réédition de notre mauvaise histoire. Etre Rwandais est la politique que nous devons faire nôtre", a déclaré Paul Kagame fixant la nouvelle philosophie pratique de la Rwandité qu’il élève à la place de "la politique du mensonge qui a causé beaucoup de maux sociaux au Rwanda, à l’Afrique et au monde en général".

Jeunes de HPF en route pour les travaux d’entraide et de solidarité

Hope and Peace Foundation veut à tout prix passer à une vitesse supérieure dans les faits à l’égard de cette nouvelle politique de la Rwandité en action en faisant revivre ensemble et à s’accepter mutuellement les jeunes rescapés du génocide des Tutsi de 1994, les enfants nés de viols des femmes tutsies et qui ne connaissent pas leurs pères mais aussi les jeunes dont les pères ont commis ce génocide.

"Nous les jeunes devons assumer un passé qui nous est collé dans la conscience et dont nous ne sommes pas responsable. Nous devons l’accepter ainsi pour mieux concevoir à notre façon notre avenir. Vous les vieux vous serez partis. Nous serons obligés de savoir vivre notre futur. Nous ne sommes en rien responsables de ce qui s’est passé et devons le comprendre de la même façon", a dit Honorine qui multiplie des séances de thérapie socio psychologiques souvent réussies aux jeunes membres de sa fondation. Ceux-ci apprennent à s’accepter comme ils sont et à comprendre et tolérer positivement l’autre.


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