Du Rwanda au Danemark ou traquer l’indicible et juger l’imprescriptible

Redigé par Tite Gatabazi
Le 13 juin 2025 à 12:37

Il fut un temps où les criminels nazis pensaient pouvoir s’évanouir dans les brumes de l’oubli, abrités dans les replis secrets de l’Amérique latine, protégés par des complicités politiques, des réseaux souterrains ou les silences de la Guerre froide.

Pourtant, même au seuil de la sénescence, jusque dans les villages reculés de la Cordillère des Andes ou les banlieues tranquilles d’Argentine, des justiciers, des États et des historiens ont poursuivi leur œuvre de dévoilement. Il n’existe pas de retraite tranquille pour les auteurs du mal radical. Ce qui valait hier pour Mengele ou Eichmann, vaut aujourd’hui pour les bourreaux des Tutsi au Rwanda.

À ce titre, la décision prise par le tribunal de Hillerød, au Danemark, le 10 juin 2025, constitue une avancée majeure dans le combat opiniâtre contre l’oubli et l’impunité. Le génocidaire rwandais Wenceslas Twagirayezu, reconnu coupable par la Cour d’appel du Rwanda de sa participation active aux massacres de plus de deux mille Tutsi en avril 1994, notamment à la paroisse de Busasamana et sur le site de l’Université de Mudende, purgera bien l’intégralité de sa peine de vingt années de réclusion sur le sol danois. Une sanction d’une gravité exceptionnelle dans le droit pénal de ce pays, qui ne prévoit de peine plus lourde que la réclusion à perpétuité.

Derrière le langage froid du droit, c’est une vérité tragique qui s’impose : pendant des décennies, des criminels contre l’humanité ont trouvé refuge dans des démocraties libérales, abusant de l’hospitalité qu’offre le droit d’asile et du silence que permet l’intégration administrative.

Installé au Danemark depuis 2001, naturalisé, Twagirayezu, ancien enseignant, avait tissé sa nouvelle existence sur les ruines de l’oubli. Extradé vers Kigali en 2018 dans le cadre d’un accord judiciaire, il avait bénéficié, en première instance, d’un acquittement en janvier 2024. Mais la Cour d’appel, saisie par le parquet, a finalement reconnu sa responsabilité dans les tueries organisées, ses déplacements sur les lieux des massacres, et son implication directe dans les atrocités, y compris l’utilisation d’un chien pour traquer les survivants terrés dans les églises.

Ce procès, que certains observateurs ont qualifié de modèle de coopération judiciaire entre États, souligne un principe fondamental : les auteurs de génocide ne bénéficieront jamais d’une prescription morale ni d’un droit à l’oubli géographique.

L’Occident, longtemps accusé de passivité ou de complaisance dans la gestion des exilés criminels, commence lentement à refermer les interstices dans lesquels ces meurtriers espéraient disparaître. Que Twagirayezu purge sa peine au Danemark ne constitue pas une faveur, mais une exigence de justice, une démonstration du fait que le crime des crimes n’a pas de refuge, pas d’asile, pas de havre.

La décision danoise s’inscrit dans un mouvement plus large de réaffirmation des principes du droit international pénal. Elle rappelle, à l’instar de la traque des nazis, que la géographie ne sauve pas ceux que l’Histoire accuse.

À chaque nom révélé, à chaque procédure aboutie, une pierre est arrachée au monument de l’impunité. Et si le combat est long, il est aussi inexorable : il n’y aura jamais de sanctuaire pour les génocidaires.

Le génocidaire rwandais Wenceslas Twagirayezu, condamné à 20 ans de prison pour sa participation aux massacres de plus de 2 000 Tutsi en 1994, purgera sa peine entière au Danemark

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