En niant la portée d’un dialogue qu’il a lui-même cautionné, en désignant l’ennemi à travers une essentialisation ethnique infamante et en mobilisant un lexique qui réactive les stigmates coloniaux et les mythologies raciales, il inscrit son discours dans une filiation idéologique lourde de menaces.
Ce mimétisme n’est pas anodin : il résonne comme un écho sinistre de l’histoire, rappelant les préludes verbaux qui, au Rwanda, avaient précédé l’abîme. Une telle appropriation, assumée ou implicite, d’une rhétorique qui a nourri un génocide, confère à sa parole une gravité redoublée, car elle participe à légitimer des logiques d’exclusion, de haine et de violence ethnique qui ont déjà, ailleurs, enfanté l’irreprésentable.
L’allocution prononcée le 12 octobre 2025 à Bruxelles par le président congolais Félix Tshisekedi devant la diaspora congolaise, dans laquelle il dénonce le dialogue parrainé par Washington et Doha, n’est rien d’autre qu’une sinistre réplique du discours prononcé en 1992 par le président rwandais génocidaire Juvénal Habyarimana lorsqu’il avait, à peine les avoir signés, dénoncé les Accords de paix d’Arusha en les qualifiant de « chiffons de papier ».
Comme Habyarimana en son temps, Tshisekedi affirme que la « rencontre » pour le premier ou le « dialogue » pour le second autrement dit les accords de paix dans leurs contextes respectifs, n’ont aucune valeur, même après avoir été formellement signés.
Habyarimana déclarait ainsi, après avoir signé les Accords d’Arusha :
« Je ne sens pas encore que c’est le moment des rencontres. Quand ce moment viendra, j’en informerai la milice [Interahamwe] et nous foncerons. »
Trente-trois ans plus tard, Tshisekedi reprend presque mot pour mot la même logique. Après avoir signé les accords de Washington et de Doha, il proclame que le dialogue ne se poursuivra que « par-dessus son cadavre ».
Il suggère ici que, plutôt que de dialoguer, il choisira l’option de la guerre, une menace implicite déjà perceptible ailleurs dans son discours, lorsqu’il affirme : « Je ne suis pas faible » contre ses interlocuteurs, à savoir le Rwanda à Washington et Alliance Fleuve Congo / M23 à Doha.
Il est aujourd’hui établi que la force militaire que Tshisekedi mobilise pour mener cette guerre dans l’Est congolais s’appuie notamment sur les FDLR, organisation génocidaire fondée par d’anciens membres des ex-FAR et des milices Interahamwe ainsi que sur les milices dites Wazalendo.
Ce dispositif rappelle tristement celui de Habyarimana : tout comme les Interahamwe, les Wazalendo sont traversés par une idéologie génocidaire anti-tutsie virulente.
Tshisekedi, à l’instar de Habyarimana, désigne « l’ennemi » qu’il nomme « l’agresseur » sous les traits du Tutsi, en utilisant l’expression « nationalité douteuse ». Cette expression est historiquement employée en République démocratique du Congo comme instrument politique destiné à exclure les Tutsis de l’Est du Congo de la citoyenneté et de leurs droits civiques et politiques et à procéder à leur « nettoyage ethnique ».
Cette rhétorique s’inscrit dans la continuité directe de la théorie raciale coloniale promue par certains explorateurs européens et administrateurs belges, qui présentaient les Tutsis comme des « étrangers », des « envahisseurs » et des « colonisateurs ».
C’est cette même théorie que Habyarimana mobilise dans son discours de 1992, et que son régime génocidaire avait utilisée entre 1990 et 1994, notamment relayée par Léon Mugesera dans son célèbre discours de 1992, où il annonçait que les Tutsis seraient « renvoyés en Éthiopie, d’où ils viennent, par la rivière Nyabarongo ».
Trente années séparent ces deux allocutions, mais elles sont habitées par une idéologie identique : une idéologie génocidaire qui cible la communauté tutsie dans la région depuis 66 ans, soit depuis 1959.
Loin de s’éteindre, cette idéologie s’est consolidée, s’est adaptée aux contextes politiques successifs et s’incarne aujourd’hui officiellement dans le régime congolais dirigé par Félix Tshisekedi.

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