L’inversion des valeurs et la banalisation du sacré en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 22 janvier 2025 à 05:19

L’annonce de Constant Mutamba appelant à une journée de prières et de collecte d’offrandes en soutien aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux criminels wazalendo s’inscrit dans une dynamique de manipulation des valeurs et d’instrumentalisation du sacré à des fins politiques.

Cette démarche, loin d’apaiser les tensions ou de mobiliser des ressources morales pour résoudre les défis auxquels fait face le pays, révèle au contraire une perversion des normes éthiques, un détournement du discours religieux et une banalisation inquiétante de la vie humaine.

Face à un tel tableau, il convient d’analyser, dans une perspective critique, les implications de cette inversion des valeurs et les dangers qu’elle représente pour une société en quête de justice, de paix et de progrès.

La manipulation du sacré : un outil de diversion politique

L’appel à des prières collectives dans un contexte marqué par des crises politiques, économiques et sécuritaires soulève une question fondamentale : celle de l’authenticité des intentions derrière cette initiative. En instrumentalisant la religion, les dirigeants cherchent à détourner l’attention de leurs échecs patents dans la gestion des affaires publiques.

Dans le cas présent, les prières ne visent pas à renforcer une véritable unité nationale ou à panser les plaies d’un peuple meurtri, mais plutôt à créer une illusion de cohésion autour d’une cause aux contours flous. Le sacré, traditionnellement porteur de valeurs universelles comme la vérité, la justice et la compassion, est ici vidé de sa substance et réduit à un outil de propagande. Cette inversion des rôles confère au religieux une fonction antinomique à sa vocation première, le transformant en un écran de fumée destiné à masquer des pratiques politiques douteuses. Ainsi, la prière n’est plus un appel sincère à la transcendance, mais une diversion stratégique.

La banalisation de la vie humaine : une conséquence de l’impunité et de l’irresponsabilité

Cette instrumentalisation du sacré s’accompagne d’une banalisation alarmante de la vie humaine. En désignant les FARDC et les Wazalendo comme les principaux bénéficiaires de cette initiative, le gouvernement renforce un discours qui occulte les responsabilités ces derniers dans les violences perpétrées contre les civils.

En lieu et place d’un examen rigoureux des actes posés par ces forces, l’on s’engage dans une rhétorique de glorification qui réduit au silence les voix des victimes et déshumanise les souffrances subies. L’impunité dont jouissent les auteurs d’exactions, souvent couverts par un système judiciaire complice, contribue à instaurer un climat de terreur où la vie humaine perd toute valeur intrinsèque. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’elle alimente un cycle infernal de violence, de haine et de vengeance, éloignant ainsi toute perspective de réconciliation nationale.

L’instrumentalisation des identités : un terreau fertile pour les divisions

Un autre aspect central de cette inversion des valeurs réside dans l’exploitation cynique des identités ethniques et culturelles pour justifier des actions politiques ou militaires. Cette instrumentalisation, loin d’unir le peuple congolais autour d’un projet commun, exacerbe au contraire les fractures sociales et alimente des tensions déjà vives.

En cultivant le sentiment d’appartenance à un groupe au détriment des autres, le discours officiel crée des boucs émissaires qui deviennent les cibles d’une haine orchestrée.

Cette stratégie, en plus de détourner l’attention des vrais défis, empêche l’émergence d’un dialogue constructif sur les causes profondes des conflits. Elle réduit les possibilités d’une analyse objective des problèmes en privilégiant des narrations simplistes, où les responsabilités sont diluées dans une rhétorique de victimisation collective ou de justification des abus.

La nécessité d’un sursaut éthique et citoyen

Face à cette situation, il est impératif que la société congolaise engage une réflexion profonde sur les moyens de restaurer les valeurs

fondamentales qui fondent la cohésion sociale. Cela passe par une réappropriation du sacré, qui doit redevenir un espace de vérité et de guérison, et non un instrument de manipulation.

Il est également crucial d’instaurer une véritable culture de responsabilité, où chaque acteur, qu’il soit politique, militaire ou civil, est tenu de rendre compte de ses actes.

De même, l’éducation à la citoyenneté doit être renforcée pour permettre aux populations de développer une pensée critique face aux discours officiels. Cela contribuera à mettre en lumière les contradictions et les incohérences qui caractérisent certaines initiatives, et à exiger des réponses concrètes aux problèmes pressants du pays.

L’inversion des valeurs, telle qu’illustrée par l’annonce de Constant Mutamba, constitue une menace réelle pour la RDC. En détournant le sacré de sa vocation première et en banalisant les souffrances humaines, le système actuel perpétue un cycle de violence et d’impunité qui hypothèque l’avenir du pays.

Seul un sursaut éthique et citoyen, appuyé par des actions concrètes en faveur de la justice, de la paix et de la vérité, pourra inverser cette tendance et poser les bases d’une société véritablement réconciliée avec elle-même.

Constant Mutamba a appellé à une journée de prières et de collecte d’offrandes en soutien aux Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) et aux criminels wazalendo.

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité