Le retour d’Erik Prince ou l’ombre inquiétante du mercenariat dans le conflit congolais

Redigé par Tite Gatabazi
Le 9 juillet 2025 à 01:15

Dans les tourments de l’Est congolais, le vacarme des bottes et le fracas des hélicoptères militaires ont désormais remplacé les chants fugaces de paix. L’atterrissage de plus de 7000 soldats congolais et alliés à Kalemie, en partance pour Uvira, loin de rassurer, vient confirmer ce que nombre d’observateurs redoutaient  : la résurgence d’une logique belliciste, suicidaire et improductive, instrumentalisée par un pouvoir central obsédé par la revanche plus que par la reconstruction.

Il ne s’agit plus d’une guerre de territoire, ni même d’une guerre d’influence  : il s’agit d’une guerre de diversion. Félix Tshisekedi, englué dans une gouvernance aussi chaotique que corrompue, semble avoir choisi de pérenniser l’hostilité armée pour faire écran à ses propres impérities.

En l’absence de toute volonté politique sincère d’engager un dialogue inclusif, en dépit de l’échec manifeste des processus de paix précédents, le président congolais persiste dans l’illusion d’une victoire militaire totale, une chimère irréalisable, tant les rapports de force sur le terrain échappent à la simple rhétorique du nationalisme populiste.

Or, cette fuite en avant n’est pas qu’un égarement stratégique, elle est aussi un naufrage moral. L’alliance de Kinshasa avec des milices connues pour leur héritage idéologique génocidaire, en particulier les FDLR, dont les liens avec le régime burundais de Ndayishimiye ne sont plus à démontrer, jette une ombre létale sur la légitimité politique congolaise.

L’instrumentalisation de ces forces, dans une logique de contre-insurrection, transforme la guerre en crime, et la République en complice.

Mercenariat et privatisation du conflit : le spectre Erik Prince

Dans cette configuration inquiétante, la rumeur insistante de l’arrivée de mercenaires étrangers ne peut être prise à la légère. Les réseaux numériques inféodés au régime annoncent une coopération croissante avec des sociétés militaires privées (SMP), évoquant avec insistance le nom d’Erik Prince, personnage emblématique du mercenariat globalisé. Fondateur de Blackwater, tristement célèbre pour ses exactions en Irak, Prince incarne cette militarisation du capitalisme néocolonial, où la guerre devient service, et la mort, marchandise.

Aujourd’hui installé aux Émirats arabes unis, Erik Prince continue de manœuvrer dans les recoins obscurs de la géopolitique mondiale, proposant ses services aux régimes autoritaires désireux de contourner les conventions internationales. S’il s’avérait qu’un contrat le liait à Kinshasa, ce serait non seulement une violation grave du droit international, mais également un aveu retentissant de l’effondrement de l’autorité militaire régulière congolaise, désormais contrainte de sous-traiter sa souveraineté à des tueurs à gages.

AFC/M23 et la déraison stratégique

En face, l’AFC/M23, loin d’être défait, se réorganise méthodiquement. Toute tentative de reprise de Goma ou de Bukavu relève aujourd’hui davantage du fantasme militariste que d’un plan opérationnel réaliste. Le terrain, dans sa brutalité, a déjà démenti l’arrogance des discours officiels. L’armée congolaise, minée par des logiques tribales, des infiltrations douteuses et une absence de doctrine cohérente, n’est plus en mesure de garantir une offensive décisive.

Et tandis que les populations civiles continuent de payer le prix de cette guerre d’ego, les diplomaties embourbées dans des alliances opaques observent, impuissantes, la marche vers l’abîme. Ce théâtre oriental, loin d’être un simple front, est devenu le miroir tragique d’un État en perdition.

Erik Prince, personnage emblématique du mercenariat globalisé et fondateur de Blackwater, tristement célèbre pour ses exactions en Irak

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