L’obligation de protection trahie ou quand l’État et la mission internationale désertent leur mandat

Redigé par Tite Gatabazi
Le 18 décembre 2025 à 05:20

Les rapports répétés de Médecins Sans Frontières sur les exactions commises à Uvira et ses environs par des milices dites wazalendo opérant de concert avec les FARDC constituent bien davantage qu’une chronique humanitaire de l’horreur ordinaire : ils sont l’acte d’accusation méthodique d’un effondrement de la fonction protectrice de l’État.

Pillages, violences indiscriminées, affrontements internes au cœur de la cité, tirs atteignant des structures médicales et mettant en péril patients comme soignants : autant de faits documentés qui, par leur récurrence, révèlent non un accident conjoncturel, mais une défaillance systémique de la chaîne de commandement et de la responsabilité publique.

Il importe de souligner, avec rigueur et sans artifice, que la crainte exprimée par les populations civiles n’est nullement l’expression d’une quelconque adhésion idéologique à l’AFC/M23. Elle procède d’un réflexe de survie, forgé par l’expérience directe des abus.

Les habitants d’Uvira redoutent moins un changement d’acteurs armés qu’un retour mécanique de ceux dont la présence a été synonyme de prédation, d’arbitraire et de violence quotidienne. Là où l’État, secondé par ses auxiliaires armés, s’est révélé incapable de discipliner ses propres alliés, la promesse de protection a été non seulement trahie, mais inversée : ceux qui devaient sécuriser sont devenus la principale source d’insécurité.

Dans cette perspective, l’obligation de protection, pilier du droit international humanitaire et fondement même de la légitimité étatique, apparaît comme l’épine la plus douloureuse dans le pied du gouvernement congolais. Car nul ne saurait invoquer la souveraineté pour excuser l’incapacité chronique à protéger les civils.

La prévention des abus, la discipline des forces alliées et la sécurisation des espaces urbains ne relèvent pas de la faveur, mais du devoir. Leur échec patent, abondamment documenté, rend caduques les discours officiels et transforme la parole d’autorité en simple rhétorique défensive.

La faillite de la protection internationale et le paradoxe de la demande populaire

Cette défaillance n’incombe pas au seul pouvoir central. La MONUSCO, investie d’un mandat explicite de protection des civils, se trouve elle aussi confrontée à un constat d’échec difficilement contestable.

L’incapacité à prévenir les violences, à dissuader les affrontements intra-
forces et à garantir la neutralité des espaces médicaux constitue une
entorse grave à sa raison d’être.

A force de prudence bureaucratique et de restrictions opérationnelles, la mission onusienne a laissé s’installer un sentiment d’abandon, voire d’inutilité, parmi des populations pourtant censées être au cœur de son mandat.

C’est dans ce vide sécuritaire, creusé par la défaillance conjuguée de l’État et de la mission internationale, que s’inscrit le paradoxe aujourd’hui criant : des populations civiles, meurtries et désabusées, en viennent à réclamer à cor et à cri la présence d’une force, non par adhésion politique, mais par comparaison empirique des faits.

Aux yeux de ces civils, l’AFC/M23 a démontré, dans certaines séquences, une capacité de sécurisation effective, là où les forces régulières et leurs supplétifs ont multiplié les abus. Cette demande, aussi dérangeante soit-elle pour les narratifs officiels, constitue un signal d’alarme majeur : elle révèle que la légitimité sécuritaire ne se décrète pas, elle se mesure à l’aune de la protection réelle des vies.

Dès lors, toute discussion sérieuse sur l’avenir d’Uvira ne saurait éluder la grogne des populations victimes. La reléguer au rang de variable secondaire serait reconduire les erreurs du passé. La protection des civils doit redevenir l’axe cardinal des décisions politiques et sécuritaires, non un slogan opportuniste.

Faute de quoi, l’État et ses partenaires internationaux continueront de perdre non seulement la confiance des populations, mais la justification morale même de leur présence. Car lorsque ceux qui sont mandatés pour protéger faillissent, et que d’autres apparaissent, de fait, comme plus efficaces dans cette fonction élémentaire, c’est toute l’architecture de la légitimité qui vacille.

Les rapports de MSF sur les exactions des milices wazalendo à Uvira constituent un acte d’accusation contre l’effondrement du rôle protecteur de l’État

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