Fidèle à cette habitude d’évitement, il choisit aujourd’hui de transférer sur l’armée nationale le poids de ses propres échecs, allant jusqu’à la vouer à l’opprobre en la qualifiant de « clochardisée », comme si l’institution militaire pouvait être tenue pour responsable de la faillite politique de ceux qui la dirigent.
Le franc-parler, lorsqu’il est cohérent, assumé et inscrit dans une ligne politique intelligible, peut certes inspirer la confiance et susciter l’adhésion. Il participe alors d’une véritable pédagogie du pouvoir, fondée sur la vérité, la constance et le sens de la responsabilité.
Mais lorsque la rhétorique du pouvoir se contredit, se renie et se retourne contre ses propres prémisses, il se dégrade en populisme de circonstance, voire en fuite en avant grossière destinée à masquer des fautes structurelles et des renoncements politiques majeurs.
Le régime de Félix Tshisekedi offre, à cet égard, une illustration tristement éloquente de cette dérive. Comment, sans sombrer dans une contradiction manifeste, saluer en 2019 l’avènement d’une armée prétendument « professionnelle », pour la qualifier, six années plus tard, de force « clochardisée » ?
Cette volte-face est d’autant plus accablante que le président en exercice est demeuré, entre ces deux dates, l’unique chef de l’État et, partant, le seul responsable politique de l’orientation stratégique, du financement, de la doctrine et de la réforme de cette même armée.
Il ne s’agit pas ici d’un simple dérapage lexical, mais bien d’un aveu politique à peine voilé.
De telles déclarations produisent des effets délétères en chaîne. Elles sapent le moral de troupes déjà éprouvées par des conditions opérationnelles éprouvantes et un déficit chronique de moyens. Elles délégitiment la chaîne de commandement militaire, publiquement désavouée par celui-là même qui est censé en être le garant suprême. Plus profondément encore, elles mettent à nu l’échec patent du pouvoir dans la conduite de la réforme du secteur de la défense, pourtant proclamée priorité nationale dès les premières heures du quinquennat.
Le patriotisme, contrairement aux postures incantatoires et aux indignations sélectives, ne se décrète pas. Il ne s’exhibe ni dans l’anathème facile ni dans la recherche obsessionnelle de boucs émissaires.
Il se construit dans la durée, par des actes courageux, des choix stratégiques lisibles, une vision cohérente et, surtout, par la capacité à assumer la continuité de l’État. Gouverner, c’est hériter ; diriger, c’est répondre de cet héritage sans se défausser sur ceux que l’on commande.
En définitive, ce n’est pas l’armée congolaise qui a échoué à se redresser ; c’est le régime qui a échoué à la redresser. Et à force de la couvrir d’opprobre, c’est lui-même qu’il met à nu.
Car si « clochardisation » il y a, elle ne saurait être imputée à l’institution militaire, mais bien à un pouvoir dont l’indigence stratégique, la désinvolture politique et l’irresponsabilité verbale révèlent une faillite autrement plus profonde.
Ce ne sont pas les soldats qui sont des clochards : c’est le régime, par ses actes, ses renoncements et sa prédation, qui s’en compose.














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