L’aveuglement complice de l’ordre international

Redigé par Tite Gatabazi
Le 15 décembre 2025 à 04:05

Depuis 2017, le Sud-Kivu se consume dans l’ombre d’une tragédie méthodique et silencieuse, où l’horreur s’installe avec une régularité implacable.

Plus de quatre-vingt-cinq pour cent des villages Banyamulenge ont été réduits en cendres, et près de sept cent mille têtes de bétail, source essentielle de subsistance et d’identité économique, ont été spoliées ou annihilées. Ces chiffres, loin de n’être que des données abstraites, portent en eux la violence concrète d’une entreprise de déshumanisation et de dépossession planifiée.

Le 25 août 2025, l’ultimatum conjoint des milices Wazalendo et des FARDC s’inscrit dans cette escalade de la barbarie : sous peine de mort, il ordonnait le départ forcé des Banyamulenge d’Uvira, leur interdisait l’accès aux marchés, aux points d’eau et aux ressources vitales, transformant l’existence en un supplice programmé.

L’odieuse décision du 4 septembre, interdisant l’usage des points d’eau publics sous le prétexte fallacieux de statut d’« ennemi », et la succession d’enlèvements et d’exécutions du 5 au 8 septembre, accompagnés de clameurs annonçant « la fin du Banyamulenge », constituent des manifestations éclatantes de haine institutionnalisée et de déshumanisation.

Ces événements, indicateurs d’alerte précoce de crimes, d’atrocité, discrimination systématique, stigmate déshumanisant, déplacement forcé, privation des services essentiels auraient dû déclencher une réaction vigoureuse de la communauté internationale.

Or, la défaillance est totale : aucun Conseil de sécurité de l’ONU convoqué en urgence, aucune initiative décisive de l’Union européenne, aucune alerte de l’Union africaine.

L’indignation, lorsqu’elle se déploie selon des critères capricieux et partiaux et que l’on applique à certaines tragédies un étalon moral distinct de celui réservé à d’autres, dévoile l’évidence d’un aveuglement calculé, presque complice.

Elle met à nu la fragilité de la conscience collective internationale, dont la prétendue vigilance se révèle fluctuer au gré des intérêts politiques et économiques, et non au gré des principes universels de justice et d’humanité.

Cette disparité dans la perception et la répression des crimes, loin d’être anodine, traduit l’effritement d’une moralité planétaire, vacillante et précaire, et dénonce l’incapacité patente de la gouvernance mondiale à remplir son devoir fondamental : protéger les populations vulnérables et sanctionner, avec rigueur et impartialité, les violations manifestes du droit humanitaire.

La résilience civique, rempart de l’humanité

Face à ce silence assourdissant, face à l’inaction des instances supposées protectrices, les citoyens, conscients de la gravité des événements et de l’injustice flagrante, se mobilisent. Avec des moyens dérisoires mais une volonté indomptable, ils incarnent la résistance face au mal. Dans un élan de solidarité instinctive et de fraternité pratique, ils mutualisent leurs maigres ressources, organisent la survie collective, et créent des boucliers humains contre l’extermination et l’ostracisme.

Cette résilience communautaire, surgissant du désespoir mais fondée sur la dignité, devient plus qu’un simple acte de survie : elle se mue en une stratégie vitale, en un rempart contre l’inhumanité et en une affirmation éclatante de la valeur inaliénable de la vie.

Elle témoigne que, même lorsque les institutions internationales détournent le regard, l’homme conserve en lui la capacité d’agir, de protéger, et de défendre la mémoire de ses semblables.

Ainsi, l’épreuve des Banyamulenge n’est pas seulement l’histoire tragique d’une population persécutée ; elle est également l’épreuve de l’humanité elle-même. Elle révèle que, même dans les heures les plus sombres, la solidarité et la détermination civique peuvent se dresser contre la barbarie et rappeler au monde que la vie humaine, sous toutes ses formes, demeure la valeur suprême et inviolable.

L’épreuve des Banyamulenge n’est pas seulement l’histoire tragique d’une population persécutée ; elle est également l’épreuve de l’humanité elle-même

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